Avec Koérans, son nouvel album, l’artiste saintannais franchit un cap en inaugurant son label de production, Blue Box Records.
Engagé auprès des jeunes, attentif aux problématiques qui impactent les populations des Antilles-Guyane, particulièrement la Guadeloupe, Misié Sadik a réussi, en un titre, Alzheimer, suivi de quelques hits, à mettre jeunes et moins jeunes d’accord. Artiste emblématique de la musique urbaine locale, Misié Sadik se distingue par son répertoire sans faux-semblants, authentique, sensible et percutant.
Votre nouvel album, Koérans, marque aussi un nouveau défi ! Parlez-nous en.
Misié Sadik : Pour cet album, j’ai pris la décision de faire les choses par moi-même, comme je l’avais déjà fait pour le premier, Pli lwen ki zyé, en 2009, mais avec d’autres moyens. Avec mon label, Blue Box Records, je suis celui qui prend les décisions… et le risque financier ! Pour ce nouveau challenge, je suis entouré de compétences : je ne suis pas seul ! J’ai déjà des entreprises : Blue Box Records en est une de plus. Ces dernières années, j’avais besoin de l’accompagnement de Step Out, qui a été bénéfique.
L’album Koérans, produit par Blue Box Records, est disponible sur les plateformes de téléchargement. Le premier clip, An myet, est déjà disponible. Le 9 mai, nous proposerons un deuxième avec Gwo blo.
En dehors de vos albums, Blue Box Records produira d’autres artistes ?
Pour l’instant, je me suis plus focalisé sur une structure qui va porter mon projet. Je suis sûr et certain qu’on n’en restera pas là. S’il faut avoir un coup de cœur et produire des jeunes artistes ou un genre musical qui manque de visibilité, le champ des possibles est totalement ouvert !

Cet album, même s’il comporte des titres « festifs », est aussi votre regard sur notre société. Il dénonce certains faits, notamment les violences faites aux femmes, avec le titre Fanm soley. Quel est le fil conducteur de Koérans ?
C’est important de rester soi-même : c’est le titre de l’album, Koérans. Il faut pouvoir s’adapter aux nouvelles influences sans perdre ce qui nous définit musicalement. Il y a quelques années, on me disait qu’il était difficile de me « ranger » dans une catégorie en tant qu’artiste. Au départ, c’était gênant, mais au fil du temps, j’ai trouvé plutôt intéressant de ne pas rentrer dans un moule, dans un format en créant quelque chose qui m’est propre, ma propre identité musicale. « Faire du Sadik », c’est le meilleur compliment qu’on peut me faire. Cette « Koérans » explique aussi le choix du visuel de l’album : il n’y a pas de faux-semblants. Il n’y a pas de masque. Je suis vrai dans ma musique, je me livre, je dis, je chante ce que j’aime, ce que je vois.
Il y a des titres que je n’ai pas pu intégrer à l’album. Il a fallu faire une sélection. Certains sortiront dans un an ou sur d’autres projets ou seuls. J’ai gardé les titres qui me semblaient intéressants à proposer. Cet album vient aussi compléter les autres pour proposer quelque chose d’homogène sur scène.
La scène, ce sera pour quand ?
À partir du dernier trimestre 2025. Nous commencerons par La Cigale, à Paris, en octobre. Puis, nous serons en Martinique, en novembre, et en Guadeloupe, au Palais des sports du Gosier.
Des invités Fanny J, Mathieu White, Jean-Pierre Coquerel posent leur voix sur Koérans…
Avec Fanny J et Mathieu White, on en parlait depuis un moment. Cet album nous a donné l’occasion de concrétiser notre collaboration après de longs mois de discussions. On entend aussi la voix de Jean-Pierre Coquerel, sur le dernier morceau, Pi souvan. Avec d’autres, nous n’avons pas eu le temps de concrétiser. Mais, un album, c’est comme le carnet personnel de l’artiste, sinon on tombe dans la compilation !

En introduction, on entend des voix plus inattendues : Teddy Riner, Lilian Thuram, Luc Hubert Séjor, Jocelyne Béroard, Youssoupha…
Oui ! Ils ont accepté de jouer le jeu parce qu’ils apprécient ma musique. Lilian Thuram était présent, dès 2015, à mon concert au Royal Riviera au Gosier. Avec Jocelyne Béroard, on se croise régulièrement… Luc Hubert Séjor était incontournable : il avait déjà participé à la mosaïque de voix qu’on entend sur mon premier album. Pour la « koérans », j’ai voulu qu’il soit à nouveau présent !
L’un de vos titres, Alzheimer, a marqué plusieurs générations et d’autres hits ont suivi. Quelle est, selon vous, la clé du succès ?
Etre vrai, être soi-même. C’est ce qui a fait mon succès au départ et je me sens bien. Je peux me regarder dans le miroir le matin. Ma musique est en cohérence avec qui je suis. Cette cohérence est nécessaire et rend légitime les messages que porte ma musique. En étant focalisé sur la réalité antillo-guyanaise, en défendant certaines thématiques, je me ferme peut-être certaines portes. Mais, je préfère qu’elles me soient fermées, mais garder une certaine dignité culturelle, musicale, humaine et faire ce que je suis. Si demain, certaines portes doivent s’ouvrir, ce sera pour l’artiste que je suis réellement. Je n’ai pas envie de « jouer un rôle » !
Entretien : Cécilia Larney