Quand Marnatha Irène Ternier est arrivée aux États-Unis, elle n’avait jamais pensé qu’elle allait pouvoir vivre cette expérience académique et humaine unique. Avec un écart de 25 ans séparant la fille, Hillary Pierre, et sa mère, ce duo mère-fille vient pourtant de boucler ses maîtrises universitaires et s’apprête à célébrer ensemble cet accomplissement en toute complicité.
Marnatha Irène Ternier n’est plus à présenter dans la communauté haïtienne, en Haïti comme sur place en Floride où elle a dû résider pour pouvoir réaliser cet accomplissement. Mme Ternier qui ne cache pas son amour pour son pays et patrie, a œuvré pendant près de plus de deux décennies dans la finance et dans l’administration publique en Haïti.
Ancienne ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, Mme Ternier n’a jamais cessé d’apprendre. Pour elle, la vie est toujours une école.
Après une formation initiale en sciences informatiques, elle a entrepris des études en marketing, en relations publiques, puis, en comptabilité. Ses études n’ont jamais été une partie de plaisir, mais elle y a mis du cœur et à partir de ce moment rien ne pouvait l’arrêter.
Même lorsqu’elle est tombée enceinte alors qu’elle était en train de boucler ses études classiques, elle dira : « J’ai donné naissance à mon premier enfant en mai 1997. J’ai participé au baccalauréat en juillet et, en septembre, j’ai réussi à passer le concours d’admission pour intégrer l’université. »
Des années plus tard, sans avoir eu préalablement en tête l’idée de s’engager dans d’autres études, Marnatha I. Ternier vient de boucler son master en administration publique à Barry University. Et cette volonté soudaine de poursuivre des études est une inspiration de sa fille.« Quand je suis arrivée aux USA, j’ai été surprise par la transformation que j’ai vue chez Hillary. Ce n’était plus la petite fille que je connaissais avant, elle était devenue une femme », explique Marnatha Ternier qui tenait à expliquer ainsi sa première source de motivation.
Hillary Pierre, son deuxième enfant et unique fille, est arrivée aux États-Unis en 2016 après avoir effectué une bonne partie de ses études classiques en Haïti. Arrivée aux États-Unis d’Amérique où elle les a bouclées, la jeune fille a opté d’abord pour le travail social, avant de poursuivre avec un master en psychologie.
Sur le campus de Barry, étudiante à plein temps, elle travaille par ailleurs au Care Center. C’est son travail à ce centre, où elle accompagne des gens qui ont besoin de soutien psychologique, qui l’a poussée à envisager d’entreprendre des études en finance, alors qu’elle venait d’être promue coordonnatrice du centre universitaire.
Hillary Pierre, pour pouvoir mieux exercer sa fonction dans son nouveau poste, s’inscrit la première donc à l’école de commerce de l’Université de Barry. Elle sera suivie quelques mois plus tard par sa mère, qui s’inscrira, elle, dans un tout autre département universitaire.
Mère et fille, main dans la main
jusqu’au bout de leurs rêves
Reprendre les études n’a pas été facile pour Mme Ternier. Parallèlement, elle doit s’occuper de son fils de 12 ans, puis continuer avec ses activités d’écrivain et de chercheure toujours active. Entre-temps et rien que lui compliquer la tâche, sa résidence en Haïti, où elle a vécu 27 ans, a été pillée et incendiée par les gangs criminels qui sèment la terreur dans le pays. Pourtant, madame ne s’est pas laissée abattre.
Marnatha Irène Ternier raconte avoir fait face à l’incertitude et au stress durant ses études. Toutefois, elle a pu compter sur sa fille. « Hillary a été comme une mère pour moi. Elle avait toujours le mot juste », explique-t-elle.
Dans les moments où elle avait envie de jeter l’éponge, Hillary Pierre a toujours été à ses côtés pour la soutenir et l’aider à surmonter ces moments d’incertitude. Pour Hillary, ces moments l’ont également aidée à prendre courage pour aller de l’avant.
« Voir ma mère après toutes ces années, reprendre les études et faire tout son possible pour boucler ce cycle académique a été pour moi source d’inspiration et de motivation additionnelle », confie-t-elle.
Ce samedi 10 mai 2025, ces deux femmes unies par une matrice et rapprochées encore par les études, seront en premières lignes lors de la cérémonie qu’organisera Barry University pour recevoir leur diplôme. Un moment unique donc pour Marnatha Irène Ternier et pour sa fille, alors qu’aux États-Unis, l’on s’apprête à célébrer aussi la fête des mères.
« Maman va sûrement pleurer car ce sera un moment chargé d’émotion », avoue Hillary.
« Ce sera un moment de partage, de grandes émotions et de reconnaissance. Ce moment marque un double évènement. D’abord, il symbolise toute une manière de transmission du savoir entre mère et fille. Ensuite, c’est lié aussi profondément à mon combat pour l’éducation ce qui est preuve d’une ʺrésilience personnelleʺ », indique l’écrivaine, qui ne cache pas son intention de revenir servir le pays qui l’a vu naître et grandir.
Entre-temps, Hillary Pierre continue d’œuvrer sur le campus où elle travaille comme cadre technique et comme travailleuse sociale. Grâce à ces nouvelles compétences, elle a déjà monté une affaire. Inspirée par la cuisine de sa mère, elle a lancé « Ti madanm pikliz » et compte augmenter sa production à l’avenir.
Pour cette mère et sa fille, la route n’est pas encore finie. Madame Ternier envisage de poursuivre un doctorat en gouvernance et politique, alors que sa progéniture compte s’engager dans un doctorat en leadership organisationnel, spécialisé en ressources humaines.
Source : Le Nouvelliste