Haïti. « L’heure ne se prête pas au processus portant à l’adoption d’une nouvelle Constitution », estiment les évêques catholiques 

Dans une note publiée mercredi dans laquelle la Conférence épiscopale d’Haïti (CEH) a dénoncé l’atrocité des groupes criminels contre la population et l’inaction des autorités en place, les évêques catholiques en ont profité pour mettre en avant les points positifs et les lacunes relevés dans l’avant-projet de la nouvelle Constitution.

Après ces considérations, la CEH affirme que « l’heure ne se prête pas au processus portant à l’adoption d’une nouvelle Constitution. »

De plus en plus de voix s’élèvent dans la société pour dénoncer le fond de l’avant-projet et la non-légitimité des autorités pour changer la Constitution. Même si elle estime que la priorité est à la sécurité, à la paix et à la gouvernance pour le bien du peuple, la Conférence épiscopale d’Haïti ne rejette pas totalement l’avant-projet de la nouvelle Constitution. 

Selon la CEH, dans cette situation gangrenée par la violence et l’insécurité, altérée par tant de discordes, « nous observons avec attention le processus initié par le pouvoir de transition en vue de l’adoption d’une nouvelle Constitution en Haïti. Nous estimons devoir à ce stade nous adresser à la conscience collective de la Nation. »

D’abord, les évêques catholiques croient que le dépôt de l’avant-projet de Constitution de 2025 constitue, « sans conteste, un moment significatif dans notre vie nationale en cette période critique. Tout en interpellant chacun de nous, cet avant-projet de Constitution soulève des espoirs, des débats, mais aussi de vives inquiétudes.
» 

Des avancées qu’il faut saluer, selon la CEH

« L’avant-projet propose plusieurs innovations dignes d’intérêt. Une volonté claire de moderniser l’État et de rationaliser la gouvernance publique ; une ouverture prometteuse vers la reconnaissance des droits des Haïtiens vivant à l’étranger, et la participation des femmes et des jeunes ; la reconnaissance renforcée de droits sociaux fondamentaux : éducation, santé, sécurité sociale, logement ; des dispositifs favorisant la transparence, la lutte contre la corruption et une représentativité plus légitime des partis politiques.
Autant d’éléments qui peuvent constituer les bases d’un projet national renouvelé, plus inclusif et plus juste.
» 

« Des limites sérieuses à ne pas ignorer… »

Parallèlement aux avancées dans l’avant-projet de la nouvelle Constitution, la Conférence épiscopale d’Haïti catholiques soulève aussi plusieurs lacunes dans le document. « … au-delà de ces avancées, le texte présente des lacunes majeures qui risquent de fragiliser l’équilibre démocratique : un processus à la fois peu inclusif et élaboré sans Assemblée constituante élue ni véritable débat citoyen ; un pouvoir présidentiel largement renforcé, concentrant des prérogatives qui affaiblissent les contre-pouvoirs législatifs et judiciaires ; un flou dangereux autour du modèle territorial, avec un fédéralisme qui risque de fragmenter l’unité nationale […] », énumère la CEH.

Les évêques soulignent aussi dans l’avant-projet de la nouvelle Constitution « des droits sociaux proclamés mais sans mécanismes de recours, risquant ainsi de demeurer lettre morte ; un modèle de gouvernance institutionnellement complexe qui peut s’avérer difficilement applicable dans un pays aux capacités administratives et budgétaires limitées. »

Les recommandations de la CEH

« […] nous rappelons solennellement que la Constitution d’un pays est plus qu’un texte juridique : c’est un pacte social. La question de la Constitution demande un très large débat portant à un vrai consensus national qui tient compte de la réalité historique, culturelle et sociale de notre peuple. Et cela doit se faire en un moment qui sera opportun. L’heure ne se prête pas au processus portant à l’adoption d’une nouvelle Constitution. Aujourd’hui, la priorité est à la sécurité, à la paix et à la gouvernance pour le bien du peuple », affirme la CEH. 

Selon les évêques catholiques, le renouveau de la nation ne viendra pas d’un texte, aussi bien rédigé soit-il, s’il n’est porté par une conscience civique collective et renouvelée, une exigence morale partagée et une culture du dialogue et de la solidarité. 

« Nous exhortons chacun, à tous les niveaux, à travailler davantage pour bâtir non pas une Constitution de rupture unilatérale, mais une charte fondatrice de l’avenir commun. Engageons-nous activement dans la reconstruction morale et structurelle de notre société. Résistons à la résignation, à la vengeance et à l’anarchie. Élevons la voix pour la vérité, la justice et la paix », prêche la CEH.

Les évêques catholiques croient qu’il est encore temps « d’éviter l’irréparable.
Mais chaque jour de silence, d’hésitation ou de duplicité est un jour de trop. Trop de sang a coulé. Trop de familles sont détruites. Trop de jeunes ont perdu espoir. »

Le décret référendaire publié dans Le Moniteur du jeudi 3 juillet 2025 indique que le référendum constitutionnel sera organisé au moins 60 jours après la publication dans Le Moniteur du projet de Constitution. Le président du Comité de pilotage, Enex Jean-Charles a confié en début de semaine au Nouvelliste que le texte final de la nouvelle Constitution sera remis avant la fin du juillet au Conseil présidentiel de transition.

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