L’étude Guyaconso, menée en 2022 et 2023 auprès de 1 651 ménages du territoire, a livré ses conclusions.
Outre la faible diversité alimentaire dans une large partie de la population, elle fournit des données inédites sur les grandes disparités selon le sexe, l’âge, le lieu de naissance ou le niveau d’éducation. Elle documente la prévalence de l’obésité et du surpoids, ainsi que la sédentarité et l’activité physique.
C’est une somme – 222 pages – qu’ont livrée Edwige Landais (IRD), le Dr Célia Basurko (CHU de Guyane), Sophie Manuel (IRD) et leurs collègues, à l’issue de l’enquête Guyaconso. Les principaux résultats avaient été présentés en novembre, en marge des Assises amazoniennes de gynécologie, obstétrique et anesthésie (lire la Lettre pro du 12 novembre 2024). Début juin, ils ont été détaillés aux spécialistes de l’alimentation, lors d’une rencontre à l’Agence régionale de santé.
En 2022 et 2023, les enquêteurs du Centre Hospitalier de Cayenne, en partenariat avec l’IRD de Montpellier, se sont rendus au domicile de 1 651 ménages. Les enquêteurs les ont pesés, mesurés et interrogés sur leurs repas de la veille. La Guyane était jusque-là le seul territoire français à ne pas disposer d’informations aussi détaillées.
Elles révèlent une « faible diversité alimentaire et donc une faible adéquation nutritionnelle » des repas, une trop faible consommation de fruits et légumes, de produits laitiers, de céréales complètes, de noix et de graines.
En revanche, la charcuterie et les boissons sucrées sont trop présentes par rapport aux recommandations.
Un adulte sur trois est trop sédentaire et un sur trois effectue moins de trente minutes d’activité physique par jour. Les femmes sont plus concernées que les hommes.
Trois ménages sur cinq concernés par l’insuffisance alimentaire
Premier résultat : l’insuffisance alimentaire concerne trois ménages sur cinq, qu’elle soit quantitative (17,6 % des ménages) et davantage encore qualitative (41,5 %). Les plus touchés sont les ménages monoparentaux, avec 22,2 % d’insuffisance quantitative et 44,8 d’insuffisance qualitative.
Suivent les adultes avec enfants (18,2 % et 44,8 %). L’insuffisance alimentaire est également très marquée chez les ménages renonçant aux soins : six ménages sur sept en souffrent.
Obésité et surpoids : les femmes et les plus de 45 ans plus touchés
Les mesures de la taille et du poids ont permis de documenter l’obésité et le surpoids. La première touche 29 % des plus de 15 ans participant ; la seconde 33,2 %.
« Il existe des différences marquées en fonction des caractéristiques sociodémographiques, constatent les auteurs. La prévalence de l’obésité chez les femmes est presque deux fois plus élevée que celle des hommes. De même, les prévalences de surpoids et d’obésité augmentent avec l’âge des participants et diminuent avec le niveau d’éducation. Les participants nés au Brésil sont les plus touchés par le surpoids (incluant l’obésité) et ceux nés dans l’Hexagone ou dans un autre DROM sont les moins touchés. »
« L’intensité de l’activité physique varie en fonction des caractéristiques socio-démographiques des participants, poursuivent les auteurs. Ainsi, les hommes sont plus nombreux que les femmes à avoir des niveaux d’activité intense, à pratiquer un sport, à atteindre les recommandations programme national nutrition santé et sont moins sédentaires. »
Le petit-déjeuner, repas le plus fréquemment sauté
En Guyane, une journée alimentaire est généralement constituée de quatre prises alimentaires.
Le repas le plus fréquemment sauté est le petit-déjeuner, par un participant sur six (15,4 % des plus de 15 ans). C’est particulièrement vrai chez les jeunes, tandis que les femmes et les plus âgés seront plus nombreux à ne pas dîner.
Moins de lipides, plus de protéines
Si les glucides contribuent à 49 % de l’apport énergétique, ce qui est conforme aux recommandations, ce n’est pas le cas des lipides, sous-représentés (30 %) au profit des protéines, surreprésentées (19 %).
« L’apport énergétique issu des glucides est plus élevé chez les plus âgés, chez les participants ayant moins que le bac, et chez les participants nés au Suriname. L’apport énergétique issu des lipides est plus élevé chez les plus jeunes, chez les plus éduqués et chez les participants nés dans l’Hexagone ou dans un DROM autre que la Guyane », soulignent les auteurs.
Sous-diversité alimentaire
Les données détaillées confirment le manque de diversité alimentaire chez de nombreux ménages. En moyenne, ils avaient consommé 3,7 groupes alimentaires sur dix, la veille de l’entretien.
Seuls un quart des participants (25,4%) atteignent cinq groupes. « Cette proportion est un peu plus élevée chez les femmes, chez les plus âgés, les plus diplômés, chez les participants nés dans l’Hexagone ou dans un DROM autre que la Guyane et parmi les participants appartenant à un ménage sans insuffisance alimentaire. »
« Parmi les repères du Programme national nutrition santé (PNNS) ayant pu être investigués : 15% des participants ont atteint le repère pour les fruits et légumes ; 4% pour celui des fruits à coque ; 5% pour celui des céréales complètes ; 11% pour celui des produits laitiers. »
Environ six participants sur dix ont bu des boissons sucrées la veille de l’enquête. Neuf participants sur dix suivent la recommandation en matière de consommation de boissons alcoolisées ;
Plus des trois quarts suivent la recommandation en matière de graisses ajoutées.
Chez les 5-14 ans, trois heures et quarante-neuf minutes de temps d’écran Chez les enfants, la prévalence de surpoids est de 18%, celle d’obésité de 14%, et un enfant sur dix est en situation de maigreur. Les 5-9 ans sont davantage touchés par l’obésité et les 10-14 ans par le surpoids.
Ils passent en moyenne trois heures et quarante-neuf minutes devant un écran chaque jour : deux heures devant la télévision, une heure et vingt minutes devant une tablette ou un téléphone et vingt-cinq minutes devant des jeux vidéo. Les 10-14 ans se révèlent plus sédentaires, en raison du temps passé devant un téléphone ou une tablette.
Peu de sport en dehors de l’école
« Seul un enfant sur quatre pratique un sport en dehors de l’école, avec des différences marquées
», constatent les chercheurs. Ceux qui pratiquent le plus sont :
- Les garçons ;
- Les 10-14 ans ;
- Les enfants dont les représentants légaux sont plus éduqués ;
- Les enfants dont les représentants légaux sont nés dans l’Hexagone ou dans un DROM autre que la Guyane.
Céréales, lait, boissons et aliments sucrés
Un enfant sur cinq mange à la cantine, en moyenne quatre jours par semaine. « Environ un enfant sur quatre ne mange pas à la cantine pour des raisons d’accès, qu’il soit économique (pour un sur dix) ou physique (pas de cantine ou pas de place, pour un tiers) », soulignent les chercheurs.
Le petit-déjeuner est sauté par un enfant sur cinq. C’est encore plus vrai chez les filles et chez les 10-14 ans.
« En moyenne les enfants ont consommé quasi quotidiennement des aliments des groupes des céréales, du lait, des boissons sucrées et des aliments sucrés. Leur consommation de fruits et légumes n’est pas quotidienne et certains groupes alimentaires sont peu consommés par les enfants, c’est le cas notamment des fruits à coque et des céréales complètes. »
Le rapport complet de l’étude peut être demandé par courrier électronique à Edwige Landais :
edwige.landais@ird.fr.
Source : ARS Guyane