De Port-au-Prince à l’UNESCO : le compas raconté par Emmelie Prophète

Le compas entre officiellement au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Emmelie Prophète revient sur le processus qui a mené à cette reconnaissance.

À l’issue de ses 70 ans, le compas ouvre un nouveau chapître dans son histoire. Le mercredi 10 novembre 2025, il a été inscrit officiellement sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Invitée à l’émission Panel Magik sur Magik 9, l’ancienne ministre de la Culture et de la Communication, Emmelie Prophète, est revenue sur cette reconnaissance et sur le chemin qui a permis d’y parvenir.

Porteuse du dossier de candidature du compas à l’UNESCO lorsqu’elle était ministre, Emmelie Prophète rappelle que le travail n’a pas été improvisé. En mars 2024, le dossier est entré en étude, alors que beaucoup doutaient qu’il serait accepté. Elle évoque en parallèle l’exemple de la soupe joumou, inscrite en 2021, qui avait suivi un chemin plus complexe. Cette fois, le compas s’est imposé et figure désormais sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

« J’ai appris cette nouvelle avec joie et avec beaucoup de souvenirs du travail mené par le ministère de la Culture et de la Communication », a confié Emmelie Prophète au micro de Panel Magik. Elle se remémore notamment le départ d’une délégation pour l’Unesco à Paris, dont la délégation permanente d’Haïti était dirigée à l’époque par Dominique Dupuy, ainsi que l’implication de plusieurs cadres du ministère. « Nous y avons cru, car le compas est un élément identitaire extrêmement important pour Haïti, et c’est sur cet aspect que l’UNESCO s’est appuyée. »

Elle explique également que l’organisation avait exigé la réalisation d’un documentaire dans le cadre de la procédure. « Nous avons alors fait des interviews avec beaucoup de gens impliqués dans le compas, dont le regretté Robert “Bobby” Denis. » L’ancienne ministre rappelle que cette musique « nous unit comme Haïtiens » et que son inscription à l’UNESCO contribue directement à sa sauvegarde.

Avant d’être proposé à l’UNESCO, le compas devait d’abord être reconnu en Haïti comme patrimoine national. Comparé au processus de la soupe joumou, celui-ci s’est avéré plus simple. « Le compas était une évidence », affirme celle qui est également écrivaine. Sa présence dans de nombreuses régions du monde, partout où vivent des Haïtiens, a facilité la démonstration de son rôle fédérateur. Cette reconnaissance nationale et internationale a renforcé sa candidature auprès de l’UNESCO.

Le compas, qui a célébré cette année ses 70 ans, accompagne toutes les fêtes haïtiennes. De Nemours Jean-Baptiste à Joé Dwèt Filé, dont le titre « 4 Kampé » a créé un véritable phénomène mondial, la musique continue d’évoluer. Plus récemment encore, le rappeur Kery James a intégré du compas dans son morceau « Jacmel », extrait de son dernier projet RAP, sorti le 28 novembre.

Pour Emmelie Prophète, l’inscription du compas à l’UNESCO renforce une reconnaissance déjà ancienne. Quant à sa conservation, elle ne s’en fait pas. « Le compas existe, et avec le numérique on peut retrouver des vidéos remontant à plusieurs années, ainsi que des prises de parole sur le Compas », a-t-elle souligné. Selon elle, la transmission est essentielle: « Il doit y avoir un discours sur sa production, qu’il s’agisse de sa littérature, c’est-à-dire des paroles qui y sont chantées. » Elle plaide aussi pour la mise par écrit des partitions. Cette démarche permettra, dit-elle, à davantage de personnes de comprendre cette musique et d’apprécier ses nombreux standards et classiques, y compris ses pièces traditionnelles.

Après cette reconnaissance internationale, l’ancienne ministre estime qu’il faut désormais créer des opportunités pour permettre à plus de personnes d’acquérir des connaissances sur le compas. Le patrimoine immatériel, a rappelé Mme Prophète, « est un patrimoine qui reste vivant ». Chaque nouvelle création musicale y apporte une valeur supplémentaire. « Le Compas doit faire partie de l’éducation culturelle de chaque enfant haïtien. »

Le compas n’a pas de limites dans la société. Il ouvre un espace de créativité et d’expression variée, comme le souligne Emmelie Prophète.

L’inscription du compas au patrimoine culturel immatériel de l’humanité consacre une musique qui traverse les générations et accompagne l’histoire haïtienne depuis sept décennies. Comme le rappelle l’UNESCO, « le compas est un symbole de résilience et une célébration de l’héritage culturel, de la cohésion sociale et de l’identité partagée ». Cette reconnaissance internationale marque une étape majeure, mais le défi reste celui de la transmission, afin que cette musique continue de vivre, de se renouveler et de rassembler.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/262453/de-port-au-prince-a-lunesco-le-compas-raconte-par-emmelie-prophete

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