DOSSIER. Les charriots indécents

New shopping carts in wait for customers at a grand opening of a new retail store.

L’inflation qui frappe la France hexagonale n’épargne bien sûr pas les régions d’Outre-mer. L’inflation en France et dans les Outre‑mer serait alimentée en particulier par le contexte de reprise économique post-covid, les répercussions de la guerre en Ukraine ainsi que par d’évidents phénomènes de spéculation. Cette inflation irrite d’autant plus que la vie Outre-mer n’est pas si facile. Chômage, salaires bas sont le quotidien de la plupart des ultramarins.

Le groupe Socialistes et apparentés a déposé, le 16 décembre 2022, une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur le coût de la vie dans les départements et régions d’Outre-mer. Le 17 janvier 2023, Johnny Hajjar a été nommé rapporteur de la commission des affaires économiques sur cette proposition de résolution.

DES PRIX PLUS ÉLEVÉS

Une étude publiée le 5 mai 2022 par l’Insee constatait des écarts entre les PIB par habitant de l’outre-mer et des régions hexagonales. La Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, la Guyane et Mayotte (9 700 euros en 2020 contre 57 600 euros en Île-de-France) sont les régions françaises dont le PIB par habitant est le plus faible. Ces disparités tiennent notamment à des prix plus élevés.
En 2015, l’Insee remarquait que le niveau général des prix y était de 7 à 12,5% plus élevé qu’en France hexagonale (+12,5% en Guadeloupe, +12,3% en Martinique, +11,6% en Guyane, +7,1% à La Réunion et +6,9% pour Mayotte, hors loyers).
La situation est aggravée par la spirale inflationniste que l’on connaît depuis un an.
Les prix de l’énergie ont également fortement progressé selon les données publiées en juillet 2022 par le ministère chargé des outre-mer : +19% aux Antilles-Guyane, par exemple. Il en va de même pour les tarifs du fret maritime, même si la CMA-CGM a contenu ses tarifs.

UNE PLUS GRANDE PAUVRETÉ

Les revenus sont structurellement inférieurs dans les outre-Mer en raison de taux de pauvreté plus élevés, de l’augmentation importante de la précarité, de taux de chômage supérieurs, d’une démographie en forte baisse pour la Martinique et la Guadeloupe et d’un accroissement général des inégalités.

Le député Johnny Hajjar allait plus loi et portait le couteau dans la plaie.

Il relevait « plusieurs déterminants structurels historiques expliquant le niveau supérieur des prix dans les DROM :

– un modèle de développement centre/périphérie hérité de l’empire colonial français expliquant l’absence de diversification de la production locale et la très forte dépendance aux importations ;

– l’éloignement géographique et l’insularité qui induisent des coûts d’approche et de stockage des marchandises ainsi que des coûts d’infrastructure ;

– un renchérissement des coûts exacerbé par la présence de nombreux intermédiaires le long de la chaîne d’approvisionnement ;

– des marchés insuffisamment concurrentiels en raison de l’étroitesse des débouchés. »

L’ALIMENTAIRE A FAIT UN BOND

Les prix de l’alimentaire ont atteint des niveaux impossibles à supporter. La même brique de lait passe de 0,98€/litre à 1,38€/litre le lendemain… Les lentilles vertes, de 2,30 à 4,50€ en une semaine. Avant de redescendre à un niveau intermédiaire. Certains rayons ont été vides plusieurs semaines de suite, notamment ceux de la moutarde, les huiles aussi…

Quand la question est posée, la réponse retentit : « Mais, c’est la faute à la guerre en Ukraine ! »

Certes, l’huile de tournesol doit beaucoup aux paysans ukrainiens. Mais le lait, les lentilles, la moutarde ? L’explication donnée est que les Chinois font la razzia sur le lait en Europe pour nourrir leurs enfants… Que les lentilles sont produites en Turquie qui a connu la sècheresse, tout comme le Canada, fournisseur de fleurs de moutarde…

En fait, la spéculation internationale plus la spéculation locale, plus les frais d’approche, et les propos de François Huyghes-Despointes, président de la SAFOR, devant la commission de l’Assemblée nationale (voir plus loin) expliquent bien des choses.

LES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION AUSSI
« Ceux qui ont construit il y a deux ans ont de la chance ! » Ces mots, d’un entrepreneur local du bâtiment sont corroborés par Anne-Sophie Grave, présidente du Groupe CDC Habitat, principal actionnaire de la Société immobilière de la Guadeloupe.

« En un an, dit-elle lors de son récent passage en Guadeloupe, les matériaux de construction ont augmenté de 16 à 19%, ce qui n’est pas sans poser des difficultés sur nos chantiers. »

Des chantiers à plusieurs millions d’euros, dont celui de Pointe-à-Pitre qui va s’ouvrir prochainement, qui verront leurs coûts grimper encore.

Les particuliers sont soumis aux mêmes pressions financières : parpaings, béton, ciment, ferrailles diverses sont hors de prix pour des propriétaires qui voient leur budget logement exploser.

L’Etat baisse la dotation globale de fonctionnement

Le financement de l’Etat n’est pas à la hauteur du déséquilibre qui existe avec la métropole. Le soutien de l’État, à travers les contrats de redressement outre-mer (COROM) par exemple, ne compense pas la baisse continue et régulière de la dotation globale de fonctionnement. Ces dernières années, l’Etat a aussi diminué les montants attribués dans le cadre de certains mécanismes : la TVA non-perçue récupérable des entreprises a été supprimée pour 100 millions d’euros en 2018, l’allègement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, diminué de 40 millions d’euros à partir de 2018, la défiscalisation, passée de un milliard en 2012 à 500 millions d’euros en 2022.

Pourquoi ? Parce que souvent l’Etat voit les choses par le petit bout de la lorgnette…

Pourtant, comme le souligne Johnny Hajjar dans son rapport visant à créer la commission d’enquête « cette baisse continue et régulière des dotations de l’État aux collectivités territoriales dégrade considérablement les finances communales et génère des délais de paiement devenus insoutenables ainsi que des services publics réduits et paradoxalement plus chers. Enfin, cette baisse des dotations entraîne une augmentation de la fiscalité locale ainsi que des ventes contraintes de patrimoine immobilier pour les collectivités territoriales forcées de dégager des recettes complémentaires. Les collectivités se trouvent ainsi condamnées à survivre au détriment de l’intérêt général. »

En cumulé depuis 2014, l’État a ainsi réduit de 869 millions d’euros le budget des communes de ces DOM, ce qui après la hausse de la péréquation génère un déficit net de près de 400 millions d’euros en 2022.

L’État pour les soutenir ne leur reverse que 30 millions d’euros, échelonnés sur 3 ans à travers les contrats de redressement Outre-mer (COROM).

Source : rapport visant à créer la commission d’enquête, par Johnny Hajjar

L’appel de Fort-de-France

Louis Mussington, Serge letchimy, Huguette Bello, Ary Chalus, Issa Ben Moussa, Gabriel Serville ont signé. @CTM

Le 17 mai 2022, l’appel de Fort-de-France a été signé par les présidents des régions de Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Martinique, Saint-Martin et Guyane. Il insistait notamment sur la refondation de la relation entre les territoires ultramarins et la République, pour résoudre concrètement les problèmes structurels de ces territoires, par la construction et la prise en main de manière endogène d’outils, de moyens, de compétences et de pouvoirs locaux réels. Ce qu’on appelle des transferts de compétences.

Le 7 septembre 2022, les signataires de « L’appel de Fort-de-France » et les parlementaires des DROM ont été reçus à l’Élysée par Emmanuel Macron, après avoir rencontré la Première ministre Elisabeth Borne, dans le cadre d’une séance de travail. 

Il a été décidé que les élus travailleraient à faire des propositions au gouvernement avant une rencontre avec les ministres pour tout mettre à plat. Au cœur des préoccupations quotidiennes évoquées par les élus se trouve la question du coût de la vie dans les DROM. La création de la commission d’enquête chargée d’évaluer l’ensemble des mécanismes concourant au coût de la vie dans les DROM et de proposer des solutions s’inscrit nettement dans la convergence de L’appel de Fort-de-France.

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