Guadeloupe. Capesterre Belle-Eau : « Pour que la peur change de camp »

Réunion en urgence du CLSPD en mairie de Capesterre Belle-Eau. CLSPD restreint : il y a le maire, Jean-Philippe Courtois, des adjoints, des élus, le sous-préfet d’arrondissement, Maurice Tubul, secrétaire général de la Préfecture, des gendarmes, des fonctionnaires de police, des policiers municipaux…

Que se passe-t-il à Capesterre Belle-Eau ? Une violence exacerbée depuis plusieurs mois, avec des quartiers tenus par des bandes, qui y diffusent drogues et armes, approvisionnées par des bateaux qui arrivent sur des plages de la commune. « Tous les deux ou trois soirs, il y a des coups de feu qui sont échangés et, le week-end du 15 août, des morts et des blessés », déplore le maire.

Jean-Philippe Courtois :

Maurice Tubul a donné le catalogue des atteintes diverses : délinquance générale, actes de violence, incivilités, insécurité routière… tout ceci est en hausse, dans tout l’archipel.

Pour tenter de résoudre les problèmes, il y a le CLSPD, qui est l’un des outils de prévention, le Conseil pour les droits et devoirs des familles, le Rappel à l’ordre, le Travail d’intérêt général. Et puis, a redit M. Tubul, les politiques publiques qu’il faut appliquer, avec le Conseil départemental, le Rectorat, pour ce qui concerne la formation, les prises en compte de l’illettrisme, des décrochages scolaires. Mais aussi la prise en compte des maladies psychiatriques ou psychologiques « qui peuvent conduire à des passages à l’acte qui peuvent être dramatiques », a rappelé M. Tubul.

Maurice Tubul a rappelé que les établissements qui sont exploités sans autorisation et qui délivrent de l’alcool doivent être fermés, que ceux qui délivrent de l’alcool à des jeunes mineurs peuvent être fermés tout autant.

Il a même souligné ce qui regarde les stations-services, lieu de rassemblement, en journée mais surtout le soir pour certaines d’entre-elles : « La vente des boissons alcoolisées est interdite pour toutes les boissons des groupes 3 à 5 de 18 heures à 8 heures du matin; il y a interdiction totale même en journée de boissons alcoolisées réfrigérées. »

Pour rappel, appartiennent au groupe 3 les vins rouges, blancs, rosés ou pétillants titrant à plus de 10° d’alcool, en général autour de 12°, les bières entre 4 et 9° et les cidres de 5 à 9° d’alcool. Le groupe 3 comprend également les crèmes et liqueurs ne titrant pas plus de 18° ; celles dépassant ce titre relèvent du groupe 5.

Maurice Tubul :

Capesterre Belle-Eau, 104 km2, un bourg dense, 18 000 habitants et trois forces de sécurité : la police municipale, armée, mais limitée par les textes, la police nationale qui dispose d’un commissariat et de fonctionnaires compétents sur la zone urbaine, et la gendarmerie, qui travaille en zones rurales. ces deux forces de sécurité intérieures ont les compétences élargies des textes mais sont en sous-effectif.

« 44 kilomètres de côtes », rappelait le maire, donc « difficile », a dit le capitaine Eric Lefèvre, de l’état-major du groupement de gendarmerie, de surveiller les points d’arrivée des bateaux transportant les drogues et les armes.

Jean-Philippe Courtois a cité les quartiers « chauds » de la ville. Le représentant de la police nationale a souligné que « trois à quatre descentes sont faites chaque semaine dans ces quartiers. »

La police municipale fait remonter les informations qu’elle collecte pour soutenir l’action des forces étatiques. Ce qu’a souligné Le responsable du service, Jean-Philippe Danican.

« Quand il n’y a pas de forces de l’ordre avec nous, on nous insulte, on nous menace. Pourtant, nous sommes là pour tenter de sauver une vie… », se plaint le représentant du SDIS (les sapeurs-pompiers).

On le voit c’est pas simple.

D’autant moins que, sans doute, en présence du secrétaire général Maurice Tubul, pour éviter des soufflantes, les forces de l’ordre affichent des statistiques impeccables : que des moins par rapport à l’an dernier : moins de délinquance, moins de vols à main armée, moins de vols avec violence, moins de cambriolages, moins de vols à la roulotte, etc. côté police.

Sauf que… ces données statistiques, qui vont jusqu’à fin juillet, risquent de changer la donne en fin d’année : depuis, c’est l’explosion de violence que l’on sait. « La PJ est sur la brèche », dit-on.

Les gendarmes notent tout de même que les crimes et délits ont augmenté de 26% dans leur zone, les atteintes aux personnes de 23%, les atteintes aux biens de 30%, les vols avec violence de 11%, même si les violences (intrafamiliales) et les menaces de mort ont diminué de 35%.

Les gendarmes se targuent d’un taux d’élucidation qui est passé de 52% en 2024 (pas fameux) à 86% en 2025.

Tous semblent attendre l’arrivée de Bruno Retailleau, en fin de semaine. Le ministre de l’Intérieur est informé des difficultés en Guadeloupe : violences exacerbées, morts en nombre, trafics de drogues en expansion tout comme l’entrée d’armes. Qu’attendent-ils ? Pêle-mêle : des effectifs supplémentaires, des moyens matériels, des drones de surveillance, etc.

Hormis les forces de l’ordre il y avait aussi, dans cette réunion, des représentants du CCAS, de la PJJ, des services sociaux. Tous ont dit que le travail est fait mais qu’il y a des politiques publiques qui ne sont pas mises en œuvre faute de personnels, de moyens. On s’est étonné que des dispositifs de soutien aux personnes en divagation ne soient pas mis en place en Guadeloupe.

Maurice Tubul a rappelé, parce que l’oisiveté des jeunes peut les entraîner à faire des bêtises, que l’école est obligatoire de 3 à 16 ans, que la formation est obligatoire de 16 à 18 ans, que les missions locales doivent s’occuper des jeunes de 18 à 25 ans pour les aider à s’insérer… Il a aussi souligné qu’il appartient aux chefs d’établissements que le décrochage soit pris en compte, parce qu’il existe des chantiers d’insertion. Il a aussi redit que les personnes en rupture de ban, qui présentent des problèmes doivent être prise en charge par les médecins, les assistantes sociales. Et encore qu’il faut accompagner les mères seule avec enfants (la monoparentalité touche 40% des foyers), qu’il faut leur offrir la possibilité de chercher du travail, donc qu’il faut inventer des solutions au niveau des communes pour garder ces enfants.

M. Tubul, qui a une forte expérience, a cité une action qu’il a mise en place ailleurs : les Baby Bus. Des bus de réforme pour le transport public, aménagés, qui vont chercher les enfants chez eux et se posent pour la journée, avec du personnel pour s’occuper des mômes. « Je pense même qu’il existe des financements CAF ou qu’il peut y en avoir. J’ai vu le directeur de la CAF à ce sujet. »

Pour les jeunes addictifs, il existe un dispositif, Tapaj, mais celui-ci, s’il est connu depuis dix ans, n’a toujours pas été mise en place en Guadeloupe. Dommage !

Travail Alternatif Payé À la Journée est une innovation médico-sociale soutenue par l’Etat qui en accompagne sa couverture nationale. TAPAJ permet aux jeunes de 16 à 25 ans en situation de précarité, de reprendre le contrôle de leur vie  et de prévenir leurs conduites addictives via un accompagnement global (médico-psycho-social) et une activité professionnelle payée à la journée ne les engageant pas immédiatement sur la durée.
TAPAJ en tant qu’alternative à un environnement défavorable (mendicité, assistanat, larcin, actes de délinquance ou de prostitutions…) est le premier marchepied vers les dispositifs de droit commun. 

La réunion se termine. Jean-Philippe Courtois demande « ce qui peut être fait effectivement… Trois faits d’armes en une journée. Ne faut-il pas être plus radical ? Tant qu’on aura cette drogue et cette manne financière. Un jour, c’est la chaîne en or, quelques semaines plus tard, c’est la BM… il faut dépasser les constats du CLSPD. Comment renforcer la présence des forces de l’ordre pour que la peur change de camp ? Je suis preneur si on me donne une solution. »

Il faudra attendre le passage de Bruno Retailleau. Une journée… Ne surtout pas se faire d’illusion.

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