Guadeloupe. Réseaux d’eau sabotés : régime sec pour 200 000 Guadeloupéens !

La Guadeloupe n’a pas d’eau. C’est surtout visible en Grande-Terre (et Désirade) et dans le nord de la Basse-Terre jusqu’à Capesterre Belle-Eau. Que se passe-t-il ? Depuis mardi soir, certaines zones soit très peuplées soit stratégiques parce que touristiques ou regroupant de nombreuses entreprises, sont privées d’eau. Mais aussi des établissements de santé, dont le CHU.

Victimes collatérales, les écoles ferment

Certains relient le manque d’eau à la grève du SMGEAG débutée en début de semaine. Il se dit même que des « malveillants », non identifiés apparemment, auraient profité de cette occasion et bloqué certaines vannes du réseau desservant les zones des hôtels à Saint-François, Sainte-Anne, Le Gosier, les zones industrielles et commerciales de Jarry, à Baie-Mahault, Dothémare, aux Abymes, Colin, à Petit-Bourg… ce qui expliquerait que les particuliers, entreprises, écoles desservis par les mêmes réseaux soient lourdement impactés.

Les maires des communes concernées (la plupart de celles de la Grande-Terre, du nord Basse-Terre, jusqu’à Capesterre Belle-Eau) ont fermé les écoles où il n’y a pas d’eau, renvoyé les enfants chez leurs parents.

Des centaines de malades en danger
et le retour de la course à la bouteille d’eau

Or, dans ces mêmes zones, il y a des établissements de santé qui n’ont pas d’eau depuis mardi, la clinique de Choisy, au Gosier, spécialisée dans les dialyses… et le CHU, avec ses centaines de malades en danger de mort, de soignants qui vont travailler dans des conditions difficiles.

Les Guadeloupéens se sont rués sur les bouteilles d’eau en supermarché dès qu’ils ont su que le SMGEAG se mettait en grève… Réflexe bien connu depuis les grandes grèves de l’eau de 1998 où pendant un mois, tandis que les forces de l’ordre faisaient la course aux saboteurs du réseau d’eau, les Guadeloupéens faisaient la course à la bouteille d’eau…

L’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie de la Guadeloupe (UMIH Guadeloupe), syndicat professionnel affilié à l’UMIH confédérale nationale, première organisation professionnelle représentative de l’hôtellerie et de la restauration dans l’Hexagone et dans les Outre-mer, s’est émue de cette situation.

« L’UMIH Guadeloupe a toujours été très préoccupée par les dysfonctionnements récurrents qui affectent la distribution d’eau potable en Guadeloupe, explique Yves Brossard, son président. La situation s’aggrave à la suite d’un mouvement de revendications engagé le 19 mars 2024 par les salariés du SMGEAG (Syndicat Mixte de Gestion de l’Eau et de l’Assainissement de la Guadeloupe). »

L’image de la Guadeloupe comme
destination touristique dégradée

Dans un communiqué, M. Brossard détaille : « L’accès à l’eau potable, et ses conséquences, comme l’accès à l’éducation ou la préservation de la santé publique, est indispensable à la population, comme à l’économie. C’est le corps social tout entier de la Guadeloupe qui est gravement affecté par l’interruption de la distribution régulière d’eau. Sous l’angle purement économique, les industries touristiques des îles de Guadeloupe ne peuvent souffrir longtemps une pénurie d’eau. Elle pénalise à court terme les visiteurs, tout comme les salariés et travailleurs indépendants, mais affecte également l’image de la « Destination des îles de Guadeloupe » à long terme. »

Il temporise : « Paralyser la société guadeloupéenne et les entreprises guadeloupéennes, c’est handicaper l’avenir de la Guadeloupe. Tout en reconnaissant l’importance de la négociation des revendications sociales, nous espérons une solution rapide au niveau interne du SMGEAG. »

M. Brossard en appelle aux autorités. « Pour répondre à cette crise, l’engagement de l’État et des Collectivités territoriales devra être rapide et déterminé, et prendre en considération l’intérêt de la population guadeloupéenne. »

Les hôteliers et restaurateurs
veulent être indemnisés

Il en appelle aussi à la gouvernance du SMGEAG (et ce sera sans doute un vœu pieux) : « Reste qu’un retour à une situation moins pénalisante ne mettra pas un terme à la nécessité d’une indemnisation raisonnable des acteurs des industries touristiques. Eux aussi en appellent à une négociation d’une juste indemnisation par le SMGEAG pour les préjudices qu’ils subissent au quotidien, et à long terme. Une diminution du service public de distribution d’eau, associée à une hausse des tarifs du SMGEAG et à des tours d’eau récurrents, n’est pas acceptable sans une juste indemnisation. L’urgence se chiffre en heures et pas en jours. Un retour à la situation habituelle, déjà peu satisfaisante, est espérée au plus tard sous 24 heures. »

Si l’UMIH pense que les coupures longues sont à relier à la grève au SMGEAG… le préfet Xavier Lefort préfère parler « d’actes de malveillance », sans désigner quiconque, signalant au passage d’une part qu’il a pris des mesures pour alimenter le CHU en eau en bouteilles (3 000 litres, de quoi tenir une demi-journée mais d’autres acheminements sont prévus), d’autre part que les auteurs des sabotages seront activement recherchés (c’est en cours).

Que dit le préfet Lefort ? Xavier Lefort « condamne fermement les dégradations et actes de malveillances réalisés à l’encontre des infrastructures de distribution et de potabilisation de l’eau du SMGEAG. Le SMGEAG va porter plainte contre X pour dégradation d’ouvrages publics de distribution d’eau et mise en danger de la vie d’autrui. »

Dans l’archipel, des victimes par milliers

Non seulement des vannes ont été fermées… et bloquées, nous dit-on, avec des systèmes difficiles à actionner sans connaître les procédures, mais il semble que des stations de potabilisation de l’eau aient été sabotées. Ce que confirme le SMGEAG.

Le président de la CCI-IG, Patrick Vial-Collet, propriétaire d’un grand groupe hôtelier (La Créole Beach au Gosier, la Toubana à Sainte-Anne) tout autant impacté que les autres structures par le manque d’eau, a appelé à la raison mais surtout à la mobilisation par le préfet, sous forme de réquisition, d’équipes pour remettre l’eau là où il y a des blocages.

Sur le terrain des victimes, au Gosier, un hôtelier nous dit : « Nous n’avons plus d’eau depuis mardi, nous avons épuisé le contenu de nos citernes, nous fonctionnons à la Capès. » Une boulangère à la marina de Bas-du-Fort indique que c’est aussi de l’eau en bouteille qui permet de tenir le coup… mais jusqu’à quand ?

Les restaurateurs de la Marina, justement, ont servi ce midi les derniers repas avant de fermer. « Nous avons fait avec ce que nous avions en réserve. Mais, nous ne pouvons pas laver la vaisselle, les casseroles, les poèles à frire, nettoyer nos plans de travail, la cuisine, la salle, avec de l’eau en bouteille. C’est une question d’hygiène. Alors, on ferme ! »

Ce même scénario est en cours à Sainte-Anne, à Saint-François… en pleine saison touristique, avec des milliers de visiteurs privés d’eau, comme plus de 200 000 Guadeloupéen (ne)s des communes sans eau : Capesterre Belle-Eau, Les Saintes, Goyave, Petit Bourg, Les Abymes, Pointe-à-Pitre, Saint-François, Sainte-Anne, La Désirade et Morne-à-l’Eau.

Devant le SMGEAG, les agents ont installé leurs piquets de grève pour une longue durée : personne ne veut les recevoir jusqu’à présent.

André-Jean VIDAL

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