Depuis le 30 octobre 2024, Ferdy Louisy est président du SMGEAG. Huit mois plus tard, il a fait le bilan de ses actions à la tête de ce syndicat unique en charge de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe. Il a lancé un véritable appel à la solidarité en direction des présidents des communautés d’agglomérations et des maires. Il faut renflouer les caisses pour tenir, sinon, c’est la fin.
On sait — et Ferdy Louisy les a rappelées, avec d’autres mots et en ne froissant personne — les conditions dans lesquelles est né le SMGEAG, héritier du SIAEAG et des régies municipales ou d’EPCI.
Des élus qui prenaient leur temps, cherchant à savoir qui aurait le dessus dans le débat d’un syndicat unique — l’eau peut être un levier politique non négligeable — , et un préfet alors pressé d’en finir et de mettre en place le syndicat de l’eau et de l’assainissement, compte tenu de l’urgence.
L’Etat a pris les choses en mains. Ce que Ferdy Louisy appelle « une création imposée dans concertation. »
C’est par une loi votée par le parlement que le SMGEAG a été créé. « Sans tenir compte des spécificités locales… », a dit Ferdy Louisy.
A noter que, pendant que les uns et les autres tiraient à hue et à dia, Etat, Région, Département mettaient au pot des millions dans une sorte de nébuleuse, un trou sans fond.
Le syndicat crée, un président désigné (élu), Jean-Louis Francisque, un directeur général nommé, une équipe mise en place, les uns et les autres attendaient quelques résultats.
Ferdy Louisy :
Que s’est-il passé ? On aurait confondu, a dit le président Louisy, vitesse et précipitation. Et la précipitation, ce n’est jamais bon, même en cas d’urgence.
Le SMGEAG a été créé… « sans ressources », rappelle Ferdy Louisy. Une dotation a été demandée à la Région, au Département, aux EPCI. Elle a été versée en plusieurs fois, a regretté M. Louisy. Pendant ce temps-là il fallait payer les salaires des agents versés dans la nouvelle structure par les EPCI et les régies et continuer d’investir dans les travaux de rénovation des réseaux d’eau.
Passons sur les organisations internes du SMGEAG. Ferdy Louisy a qualifié « d’échec » la gestion des deux premières années : absence de management structuré, gestion comptable défaillante…
« Les EPCI ont transféré au SIAEAG, les agents
jugés non essentiels, les dettes… »
Mais, ce que Ferdy Louisy, avec courage, a dénoncé au cours de cette conférence de presse, c’est l’héritage. On lui a joué un mauvais tour, même s’il répugne à enfoncer le clou… avec néanmoins un sourire entendu quand on lui pose la question.
Suivons son raisonnement : « Les EPCI ont transféré au SMGEAG l’ensemble de leur surplus de masse salariale. Tous les agents jugés non essentiels ou en excès dans leurs propres structures ont été orientés vers le syndicat. Cela a entraîné ue surpopulation salariale difficile à gérer et non adaptée aux missions réelles du syndicat. »
Deuxième reproche : « En plus du personnel, le SGEAG a hérité de toutes les dettes des anciens opérateurs. Dettes liées à des infrastructures obsolètes, non fonctionnelles, voire inexistantes. Certaines dettes concernent même des équipements que le SMGEAG ne possède pas ou qui ne sont plus en service, mais pour lesquels il doit néénmoins assurer le remboursement. »
Conclusion : « Le SMGEAG est devenu le réceptacle de tout ce qui ne fonctionnait pas auparavant : surcoûts humains, dettes, problèmes d’infrastructures, sans qu’un véritable plan d’accompagnement ou de redressement n’ait été prévu initialement. » Avec un déficit de 40 millions d’euros à la fin de deux ans de fonctionnement… le pompon !
Réduire le montant des factures, obtenir une exonération de l’octroi de mer…
Depuis novembre et sa prise de fonction, Ferdy Louisy, qu’est venu renforcer ces dernières semaines un directeur intérimaire, Dominique Laban, ancien directeur de l’Office de l’Eau, tandis qu’un nouveau directeur est recherché — il y a trois dossiers sur les 40 déposés qui donnent de l’espoir — travaille à chercher à comprendre et à trouver des solutions. Car, a dit Ferdy Louisy, l’heure est grave.
Il faut revoir le management, identifier les urgences, redéployer les actions à tous les niveaux, être véyatif quant aux unités de productions, aux réseaux — un Service d’interventions urgentes, sorte de SAMU de l’eau va être mis en place — avoir un suivi des enveloppes budgétaires allouées à chaque service, revoir la communication interne pour que chaque service sache ce que tout le monde fait, sécuriser les procédures internes. « Je ne peux pas comprendre qu’on fasse des travaux sans bon de commande ! », s’est indigné le président Lousy.
La clientèle n’est pas oubliée. Ce n’est pas le fameux « cochon de payeur » mais un client dont il faut tenir compte. Dans l’optique de réduire les factures, de contribuer à la lutte contre la vie chère, Ferdy Louisy a écrit au président de Région, Ary Chalus, pour lui demander une exonération de l’octroi de mer. Il attend une réponse. Une tarification sociale va être mise en place, de même qu’un guichet dédié aux réclamations. Il y aura, de même, un partenariat avec France Services et la Région. Les antennes locales de facturation seront restructurées. Certaines seront fermées, autant de loyers d’économisés.
De même, M. Louisy attend les conseils, pour la restructuration, de la Chambre régionale des comptes. Celle-ci attend quelques réponses de l’ancien président. « Dès qu’il reviendra, il donnera les réponses et nous aurons le document de la CRC. »
48 millions disparus et retrouvés : fausse alerte !
Quand il a su qu’il héritait d’un déficit de 40 millions d’euros, Ferdy Louisy a pris son bâton de pèlerin et contacté l’Etat, la Région, le Département. Retour : l’Etat a dit qu’il donnait 20 millions et en a versé 18, plus 2 millions ces jours-ci. La Région a promis 10 millions, a versé 40 000 euros, le Département a aussi promis 10 millions et a versé 120 000 euros. A noter que la Région et le Département prennent à leur compte de nombreux travaux. Des dizaines de millions depuis le début de cette affaire.
Entretemps, Ferdy Louisy a travaillé avec des experts, dont certains de la DRFIP, Direction régionale des finances publiques, pour régulariser les comptes. L’an dernier la rumeur faisait état de 48 millions détournés, mais en fait la maladresse des comptables, leur méconnaissance de leur métier, selon Fefdy Louisy, a brouillé les comptes. L’argent était bien là. Ou à tout le moins, il n’y a pas eu détournement.
Ce qui se dit ainsi par le président Louisy : « 48 millions d’encaissements réalisés en avril 2024 au titre de l’exercice 2023 ont été incorrectement injectés par l’éditeur comptable INETUM avec une origine dans les données du logiciel WATERP édité par SOMEI… » Certes… Mais 48 millions tout de même…
Pas d’inquiétude. Ferdy Louisy toujours : « Ces erreurs ont généré des anomalies sur les comptes de trésorerie alors que seul un compte DFT est en vigueur. L’ensemble des écritures erronées a été contrepassé en 2024, après bascule correcte des bilans d’entrée. Le dossier est désormais clôturé. » Ouf !
Il y a encore des lignes obscures… mais on y arrive.
En ce moment, le courageux Ferdy Louisy travaille avec sa petite équipe — il y a eu quelques départs — à divers chantiers importants : l’accélération des travaux dans les zones perturbées, notamment du Gosier à la Désirade en passant par Sainte-Anne et Saint-François, le renouvellement des compteurs, pour récupérer des sous, une communicationn renforcée sur les tours d’eau et la potabilité. Les tours d’eau ne sont pas fiables parce que le réseau explose chaque jour, la potabilité mérite que les analyses soient accélérées comme l’information des usagers.
Un appel à la solidarité
La gouvernance, Ferdy Louisy l’a promis, sera participative avec les élus de proximité qui dovent faire remonter les informations. Autre priorité : obtenir des collectivités qu’elles fournissent un état du patrimoine transféré au SMGEAG. Deux chantiers pas simples…
Ah oui, la gouvernance à 4 aurait-elle du plomb dans l’aile ?.. C’est, a dit Ferdy Louisy, au SMGEAG qu’il doit y avoir gouvernance.
Mais, il voulait finir son long propos de presque deux heures, avec ceci, le président Ferdy Louisy attend beaucoup des EPCI et des maires. Il a cité un président d’EPCI, Jean Bardail, président de la CANGT, qui a promis de prendre à sa charge certains travaux pour aider le SMGEAG. Jules Otto, maire de Vieux-Habitants, a dit qu’il prendrait à sa charge (du moins à celle de la commune) certains travaux sur son périmètre d’intervention, toujours pour aider. Jeanny Marc, maire de Deshaies, finance la station d’épuration de Bas-Vent. Encore pour aider.
Il y a des volontés d’avancer. Mais, Ferdy Louisy se veut réaliste : « Si les présidents d’EPCI et les maires ne viennent pas au secours du SMGEAG en faisant preuve de solidarité, et c’est une action patriotique, Guadeloupéenne, qui est demandée… les présidents des EPCI et les maires devront un jour payer les dettes du SMGEAG qui aura disparu. »
Un avertissement sans frais.
André-Jean Vidal
aj.vidal@karibinfo.com