La situation des Haïtiens en République dominicaine ne cesse de se détériorer.
La situation des Haïtiens en République dominicaine ne cesse de se détériorer. Les mesures migratoires récemment durcies par les autorités dominicaines ont conduit à une vague massive de retours, forcés ou volontaires, vers Haïti.
Lors d’une visite effectuée ce lundi 5 mai 2025 à la frontière nord, à Ouanaminthe, on a pu constater de visu l’arrivée continue de dizaines de ressortissants haïtiens.
Bagages en main, sacs à dos et quelques objets personnels, hommes, femmes et enfants de tous âges se présentent en file indienne pour quitter la République dominicaine. Ce mouvement migratoire, souvent silencieux et empreint de douleur, témoigne d’un rejet systématique des Haïtiens, quelle que soit leur situation professionnelle ou administrative.
Des parents avec enfants, des ouvriers du bâtiment, des commerçants ou encore des personnes âgées affluent vers Ouanaminthe, fuyant une hostilité grandissante.
« J’ai décidé de rentrer en Haïti volontairement afin d’échapper aux pressions imposées par les dirigeants dominicains », témoigne Roosevelt Pierre, 24 ans, maçon de profession.
Expulsions arbitraires et violences psychologiques
Sous une pluie fine, d’autres migrants arrivent entassés dans des camions de l’immigration dominicaine. Visiblement humiliés, nombre d’entre eux refusent de s’exprimer. Une adolescente rapatriée, âgée de 17 ans et séparée de ses parents, déclare néanmoins avec émotion : « La souffrance de l’Haïtien prend une autre forme en République dominicaine. C’est inacceptable ! Les autorités haïtiennes doivent enfin se comporter comme de vrais responsables pour contraindre les Dominicains à respecter notre peuple. »
La semaine dernière, plusieurs migrants rencontrés à la frontière avaient déjà décrit des conditions de vie inhumaines.
« En République dominicaine, il n’y a plus de vie pour les Haïtiens. On nous pourchasse comme des criminels », confie Jhonson Pluviose, ouvrier du bâtiment.
Même les Haïtiens en situation régulière ne sont pas épargnés. Hugues Pierre, jeune père de famille, rapporte : « Même avec mes papiers en règle, j’ai été arrêté et expulsé sans explication. Ils ne veulent tout simplement plus de nous. »
Un climat d’hostilité sans précédent
Chabine Nicolas, 72 ans, mère de cinq enfants et installée depuis plus de quarante ans en République dominicaine, confie son amertume :
« Malgré mes 40 ans là-bas, je n’ai jamais vu une telle chasse aux Haïtiens. Je suis vieille maintenant, je n’ai plus la force d’endurer tout ça. J’ai préféré rentrer dignement. Peyi moun yo pa pou mwen, m retounen lakay mwen », dit-elle en larmes.
À leur arrivée à Ouanaminthe, les migrants sont pris en charge par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des institutions locales, comme l’Institut du bien-être social et de recherche (IBESR), tentent également d’apporter leur soutien. Toutefois, ces structures sont confrontées à de sérieuses contraintes logistiques et humaines.
« Nos capacités sont limitées et nous ne pouvons pas répondre rapidement à toutes les exigences de cette crise », admet Rémy Occéan, responsable de l’IBESR dans la région.
Présence militaire accrue à la frontière
Le constat est clair : le calvaire des migrants haïtiens s’intensifie. Le long de la frontière, de Ferrier à Capotille en passant par Ouanaminthe, l’administration dominicaine renforce sa présence militaire, comme l’a observé notre équipe sur le terrain. Cette militarisation contribue à créer un climat d’intimidation et de peur, poussant davantage de ressortissants haïtiens à fuir un pays devenu pour eux synonyme d’exclusion.