Haïti. CPT-PM et alliés dégustent les délices d’une transition stérile

Laurent Saint-Cyr fait comme ses prédécesseurs.

Il compose avec les trois inculpés de corruption dans le scandale de corruption de la BNC, incontournables au fonctionnement du Conseil présidentiel de transition (CPT). Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, oint par le Conseil pour entrer et durer à la Primature, tire son épingle politique du jeu. En position de force sur l’échiquier, cet exécutif, quasi fusionnel ces temps-ci, pose ses premiers actes.

Rameau Normil, un « DG.a.i. sans bilan », passe à la trappe. Éjecté, il est remplacé par un « homme de confiance », Vladimir Paraison. Installé vendredi 8 août, M. Paraison a entamé la prise en main de la PNH. Il a placé des d’hommes de confiance dans les directions clefs. En quelques mois, la PNH a perdu plus d’une quinzaine de blindes sur divers théâtres d’opération contre une dizaine en panne, selon une source digne de foi. La livraison d’une commande d’une trentaine de véhicules blindés de deux compagnies est attendue à Port-au-Prince au moment ou plus de trois milliards de gourdes du budget d’investissement de la PNH cherchaient office, avons-nous appris.

Malgré les difficultés, les hommes en uniforme et les autorités politiques sont attendus au tournant des résultats : le rétablissement de la sécurité. L’exécutif, le vendredi 8 août, a également instauré l’état d’urgence pour une durée de 3 mois dans les départements de l’Ouest, de l’Artibonite et du Centre.

La Primature, dans un communiqué le week-end dernier, a justifié cette décision par l’obligation « de décréter une grande mobilisation des ressources et des moyens institutionnels de l’État afin de rétablir la sécurité ». « Dans cette perspective, pour poursuivre la lutte contre l’insécurité et répondre à la crise agricole et alimentaire, il a été décidé d’instaurer l’état d’urgence sur les départements de l’Ouest, de l’Artibonite et du Centre pour trois mois, par décret. Cette décision vise à accorder aux autorités concernées le temps ainsi que les voies et moyens nécessaires pour rétablir la sécurité et la paix », a expliqué le communiqué de la Primature.

A l’expiration de cette période d’état d’urgence en novembre 2025, l’on fera le bilan et on sera devant l’évidence que l’exécutif semble suggérer : les conditions sécuritaires pour la tenue d’élections dans trois départements dont deux des plus peuplés d’Haïti ne seront pas garanties.

Si le CPT, le gouvernement et leurs alliés, sont aujourd’hui aux anges en considérant le rapport de force sur l’échiquier politique à la fin de l’été 2025, le début de la fin de cette expérience de gouvernance a sonné.

Cela dit, en position de force, l’équipe au pouvoir, qui tient en place grâce à des alliances coûteuses, qui maintient ce statu quo terrifiant pour la population, veut plus d’avantages, avec, en prime, un brevet d’impunité en poche, a appris Le Nouvelliste.

Plus d’avantages, des têtes sous la guillotine du CPT-PM

Plusieurs sources interrogées par le journal indiquent que les prochaines cibles du CPT et du PM Alix Didier Fils-Aimé sont les directeurs généraux de l’Administration générale des douanes (AGD), Julcéne Edouard et celui de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), Hans Ludwig Joseph.  

Le secrétaire exécutif d’Ensemble contre la corruption (ECC), Edouard Paultre, dans une lettre au coordonnateur du CPT, Laurent Saint-Cyr, le 11 août 2025, a exprimé « ses plus vives protestations face aux allégations persistantes portant sur le renvoi imminent du directeur général de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), Me Hans Ludwig Joseph et du directeur général de l’Administration générale des douanes, Julcène Édouard. »

« Nommé par arrêté présidentiel le 23 juillet 2020 à la tête de l’ULCC, Me Hans Jacques Ludwig JOSEPH n’a jamais cessé de faire ses preuves à la direction de cette institution. À titre d’illustrations : Au cours de l’année fiscale 2021-2022, I’ULCC a produit dix (10) rapports d’enquête et émis 70 requêtes de déclaration de patrimoine ; En 2022-2023, l’institution a publié onze (11) rapports d’enquête sur des faits avérés de corruption. En 2023-2024, l’ULCC a rendu publics neuf (9) rapports d’enquête, dont celui visant trois (3) membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) dont vous assurez la coordination. Ils sont aujourd’hui inculpés dans le cadre du scandale de corruption les concernant », peut-on lire dans cette lettre.

« De son côté, poursuit la lettre de Edouard Paultre à Laurent St- Cyr, M. Julcène ÉDOUARD, nommé directeur général de l’Administration Générale des Douanes en juillet 2022, a dirigé avec succès deux (2) exercices fiscaux marqués par des performances remarquables, notamment : En 2022-2023, la Douane a collecté 108 852 000 000 GHT, dépassant largement son objectif de 90 000 000 000 GHT; En 2023-2024, elle a atteint 99 % de ses prévisions, avec 103 601 560 124 GHT collectées sur un objectif fixé à 104 159 835 245 GHT. A titre de comparaison, son prédécesseur M. Romel BELL à la tête de ladite institution de septembre 2018 à juillet 2022 n’a, au cours de l’année fiscale 2020-2021, collecté que 43 000 000 000 GHT », selon cette correspondance de ECC qui souligne que « ces résultats témoignent de l’efficacité et de l’engagement de ces deux (2) dirigeants dans la mission qui leur a été confiée ». 

« C’est pourquoi ECC vous appelle, Monsieur le Président, à mettre un terme à ces allégations qui manifestement minent la confiance de la population en la volonté réelle des dirigeants de lutter contre la corruption au sein de l’administration publique et de nommer / garder les citoyens et citoyennes à des postes de responsabilités, sur la seule base de leur performance et non de leur accointance politique », peut-on dans cette lettre. 

Plus et le brevet d’impunité en plus

« Oui, un groupe bien connu de conseillers ne jurent que par le renvoi de Hans Ludwig Joseph. Par-dessus tout, ils ne digèrent pas du tout le rapport BNC. Par ailleurs, des hauts fonctionnaires du MJSAC sont des protégé (es) de certains conseillers et d’autres personnalités influentes. Nul besoin d’ajouter le dossier de l’Agriculture. L’ULLC a reçu au moins cinq plaintes contre le ministère de l’Agriculture, notamment sur le commerce d’anguilles », a confié une source bien informée qui a souligné l’autre enjeu concernant la mainmise sur l’ULCC. « L’autre enjeu de taille aussi, c’est après la fonction des conseillers-présidents. Beaucoup d’informations sont en traitement sur d’autres cas graves », a poursuivi cette source.

« Oui, l’information circule », a confié une source informée des tractations pour renvoyer le directeur général des Douanes. En trois ans, les recettes records perçues par les douanes, ont été révélatrices. De l’importance de la sous-évaluation en douane de beaucoup de produits importés.

Les recettes records ont eu lieu dans un contexte de récession économique, de baisse du volume des importations à cause de la violence des gangs. Les dirigeants de la douane se sont fait des ennemis puissants, a poursuivi notre source, inquiète par ce qui se passe à Malpasse. Au point de passage de Malpasse, les douaniers ont été chassés depuis plusieurs mois par des hommes armés « d’une brigade d’auto-défense ».

Le fer, le ciment, des pâtes alimentaires et d’autres produits passent à la frontière sans verser de droit de douane. Il est fort probable que des armes et des munitions arrivent en Haïti par ce point de passage qui n’est plus sous contrôle de l’État, en dépit de la présence d’éléments de Polifront. Le problème est connu par les plus hautes autorités du pays depuis plusieurs mois, ont expliqué nos sources.

Entre-temps, le CPT, le gouvernement et leurs alliés sont en position de force. Ils dégustent les délices d’une transition quasi stérile pour Haïti. Ils peuvent imposer tout ou presque, oubliant peut-être, que la force, ici, a été la source de faiblesse de tant de chefs. Qu’à ce CPT, l’alternative, le plan B se dessinera avec le temps, dans l’énonciation de voies de sortie possible après cet échec à rétablir la sécurité, à avancer de manière viable sur la route des élections, une petite étape qui ne doit pas occulter l’immense chantier de la reconstruction de l’Etat.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/258888/cpt-pm-et-allies-degustent-les-delices-dune-transition-sterile

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​