Haïti. L’Hôpital La Providence des Gonaïves renaît de ses cendres

Un parmi les nombreux projets post-séisme de construction de centres hospitaliers périphériques en vue d’apaiser la pression sur la capitale d’Haïti, l’Hôpital La Providence des Gonaïves a connu une courte période de bon fonctionnement avant d’être ruiné par la mauvaise gouvernance.

Aujourd’hui, le personnel est renforcé, une nouvelle gouvernance a vu le jour, l’espace est propre et les malades commencent à revenir. La nouvelle équipe au sein du département sanitaire de l’Artibonite souhaite en faire un centre de référence au niveau national dans un contexte où les plus grands centres hospitaliers de l’aire métropolitaine sont fermés, vandalisés quand ils ne sont pas tout simplement brûlés. 

Dans la ville des Gonaïves, samedi 24 mai 2025, un soleil de plomb s’abat sur la ville et fouette le crâne des petits commerçants qui déambulent à pasporte de Morne Blanc. 

À quelques mètres de ce carrefour bondé de tous les côtés, se trouve l’Hôpital La Providence des Gonaïves, une version modernisée de son ancêtre l’Hôpital Bon secours.

Les reportages d’il y a quelques années laissent présager un désert médical. La réalité révèle: un grand gaspillage qui suscite colère et regret tout en nourrissant quelques brins d’espoir en mal d’expression.

L’hôpital est imposant, il domine son espace. Un espace propre dans tous ses recoins, contrasté par une peinture défraîchie: un centre d’imagerie à la pointe de la technologie avec un appareil scanner jamais utilisé, une maternité à la pointe de la modernité – entre salles d’accouchement impeccables et un service de néonatalogie au bout du couloir – les lits du service de chirurgie sont totalement occupés.

Il y a même un service de soins intensifs avec oxygène mural, des appareils pour monitorer le patient, un centre de dialyse parmi les plus avancés du pays, mais inoccupé; des chambres semi-privées climatisées avec tout le confort mais toujours inoccupées, une salle multimédia, un système anti-incendie; une construction parasismique, une salle d’archives destinée au numérique mais remplie de papiers.

L’Hôpital La Providence des Gonaïves concentre en son sein le drame haïtien: des potentialités noyées dans la mauvaise gouvernance. 

Walner Odigé Dorsaint est le chef du service de logistique et l’un des plus anciens employés de l’Hôpital La Providence des Gonaïves. Il garde le souvenir d’un hôpital très fréquenté qui sauvait beaucoup de vies avant la grande chute.

« Entre l’inauguration de l’hôpital en 2014 et 2017, l’hôpital fonctionnait très bien avec un standard international. Aux manettes: une équipe composée de Canadiens qui s’assurait de la bonne marche de l’institution en plaçant le bien-être des patients au centre du projet. Il n’y avait presque pas de lits vides, les patients venaient d’un peu partout du grand Nord et ils étaient toujours satisfaits », se souvient Walner Odigé Dorsaint en entrevue avec Le Nouvelliste. 

Puis, il y a eu le départ des Canadiens et le début d’une gouvernance exclusivement haïtienne. 
« Depuis 2017, l’hôpital se dégrade progressivement, peu après le départ d’une commission de trois femmes qui gérait l’hôpital. 
Puis, la mauvaise gouvernance est passée par là: l’appât du gain a remplacé les patients sur la liste des priorités. Les patients n’arrivent plus à trouver de soins de qualité. Des soins tout court. L’hôpital a perdu la confiance de la population »
, se désole Walner Odigé Dorsaint qui évoque des vols de matériel par le passé, notamment celui de plusieurs panneaux solaires rendant dysfonctionnel un système photovoltaïque de plus de 750 panneaux qui était destiné à faire fonctionner l’institution sans interruption. 

Par ailleurs, Walner Odigé Dorsaint dit capté quelques signaux positifs qui laissent espérer des jours meilleurs. « Depuis quelques temps le Département sanitaire de l’Artibonite avance dans le sillage de la bonne gouvernance et remet le personnel en confiance pour travailler au profit des patients. Des salles qui étaient fermées sont rouvertes, les patients reviennent en grand nombre et l’hôpital commence à jouir d’une bonne réputation auprès de la population gonaïvienne. »

En route vers un statut universitaire 

« Nous sommes un Hôpital de niveau II avec sept grands services : médecine interne, pédiatrie, néonatologie, La Maternité, chirurgie, orthopédie et urgences.  
• Une clinique externe  spécialisée pour les services sus-cités, La dermatologie, l’odontologie, l’urologie, la physiothérapie et  l’ORL »
, a listé le directeur exécutif de l’Hôpital La Providence des Gonaïves, Dr Exène Joseph.

En plus de ces services, le Dr Exène Joseph a aussi mentionné les programmes prioritaires tels que : la tuberculose, le VIH, la malaria, Le planning familial, entre autres.

Depuis quelques mois, de nouveaux services ont été rendus fonctionnels. C’est le cas pour les urgences pédiatriques, l’ORL, Le Pavillon de soins continus spécialisés.

« Tout ceci s’inscrit dans une dynamique d’amélioration de l’offre et de la qualité des soins telle que stipulé dans le Cadre d’actions prioritaire( CAP) du ministre de la Santé, Dr Bertrand Sinal et réalisé sous le leadership et le dynamisme de cette nouvelle administration, la Direction départementale sanitaire et la participation des médecins et infirmières engagés, des citoyens conséquents de la société civile et du secteur évangélique qui ont été convaincus lors de la journée portes ouvertes réalisée en mars dernier », a fait savoir le Dr Exène Joseph.

En guise de perspectives, le directeur exécutif compte:
«• Créer une unité de Recherche et de formations académiques pour le renforcement des compétences et l’amélioration de la qualité de soins. 
• ⁠Rendre fonctionnel le service de soins intensifs et l’unité de dialyse 
• ⁠Développer un programme de rétention et de valorisation du personnel (cadre de travail attrayant, appréciation de performance : primes, certificat d’honneur et mérite, témoignage de satisfaction, promotion et bourses d’études complémentaires) 
• ⁠Avoir l’accréditation d’un hôpital universitaire du département de l’Artibonite. »

Sur la route de ces perspectives se dressent des défis tels:
«• Électricité : difficulté de garantir l’électricité 24h/24 
• ⁠Transport : Aucun véhicule de fonctionnement, Pas d’ambulance, pas d’autres véhicules rattachés aux services de l’institution. 
• ⁠La gestion des grands appareils et dispositifs biomédicaux (faute de ressources humaines qualifiées, manque de fonds et difficulté à trouver certaines pièces de rechange). 
• ⁠Le financement des activités de prestation de soins (inadéquation entre recettes et dépenses de fonctionnement ). »

« L’Hôpital La Providence des Gonaïves peut jouer le rôle de centre de référence pour la formation médicale », selon le Dr Francito Datus, directeur sanitaire de l’Artibonite.

« Le bon fonctionnement de l’Hôpital La Providence est crucial pour le pays aujourd’hui en général et le grand Nord du pays en particulier, car il assure un accès aux soins de santé de qualité pour la population. Cela contribue à améliorer la santé publique, à réduire la morbidité et la mortalité, et à renforcer la confiance des citoyens dans le système de santé. En cette période de crise sanitaire, économique, politique, sociale et sécuritaire l’hôpital peut également jouer un rôle clé dans la gestion des urgences et des épidémies et épargner des dépenses inutiles aux familles », croit le directeur sanitaire de l’Artibonite, le Dr Francito Datus, qui ne jure qu’à rendre efficient ce centre hospitalier.

« Dans un contexte de fermeture de plusieurs hôpitaux, l’Hôpital La Providence peut servir de référence pour la formation médicale. Il peut offrir des stages cliniques, des formations spécialisées et des programmes de mentorat pour les étudiants en médecine et les médecins résidents en spécialisation. En consolidant ses capacités, il peut devenir un pôle d’excellence qui attire de futurs professionnels de santé, garantissant ainsi la continuité de la formation médicale dans la région en particulier et dans le pays en général », a assuré le Dr Datus.

Pour y parvenir, dans un temps record et sous le leadership du ministre de la Santé publique et de la Population, le Dr Bertrand Sinal, il a recruté plusieurs spécialistes tels que des médecins chirurgiens, des gynécologues, des internistes et des pédiatres. 

« De plus, des cadres en gestion hospitalière et en administration de la santé sont également en cours d’intégration. Ces recrutements visent à renforcer les équipes médicales et à améliorer l’efficacité opérationnelle de l’hôpital », a expliqué le directeur départemental, avant de conclure en rappelant que « l’objectif est de faire de cet hôpital un modèle de soins intégrés, avec un accent sur la prévention, la recherche et l’innovation, tout en répondant aux besoins croissants de la population en matière de santé. »

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/256566/lhopital-la-providence-des-gonaives-renait-de-ses-cendres

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​