Haïti. « Pour diriger, il faut être un leader », affirme Wilson Jeudy, maire de Delmas

Avec l’emprise croissante des gangs sur les communes avoisinantes, Delmas accueille de plus en plus de personnes déplacées.

Depuis plusieurs mois, l’adresse de nombreuses institutions publiques et privées se situe désormais à Delmas. Le maire Wilson Jeudy le reconnaît : sans la construction et la réhabilitation des routes, la circulation automobile serait aujourd’hui impossible dans sa commune.

Delmas est l’une des rares communes — sinon la seule — à bénéficier d’une autonomie administrative et financière. À la tête de la municipalité depuis 18 ans, Wilson Jeudy a mis en place un système de collecte des taxes. Le chemin reste toutefois long. « Moins de 25 % des habitants paient leurs impôts, peste Wilson Jeudy. C’est triste à dire. Nous avons rencontré le maire de Saint-Domingue, qui nous a confié que 99 % des propriétaires de sa commune s’acquittaient de leurs impôts. Ici, les gens refusent de payer. C’est incompréhensible. Nous devons trouver une formule pour contraindre les citoyens à s’acquitter de ce devoir. Ailleurs, c’est une obligation, une responsabilité civique. La DGI, de son côté, n’apporte aucune aide. Même pour l’État central, elle ne contribue pas à la collecte de taxes. Ce n’est certainement pas pour la mairie qu’elle le ferait », fustige le maire.

Selon lui, si de nombreuses rues de Delmas ont été asphaltées, c’est grâce aux maigres taxes collectées : à peine 10 %. « On essaie de faire le maximum avec le peu dont nous disposons », affirme-t-il. Contrairement à d’autres communes, Delmas dispose d’une flotte d’équipements qui lui permet de réaliser elle-même certains travaux. « C’est une question de leadership. Pour diriger, il faut être un leader », insiste M. Jeudy, qui nous reçoit dans le palais municipal qu’il a fait construire après avoir visité la mairie de Saint-Domingue. « Nous ne devons pas toujours exposer nos misères au monde. Nous ne pouvons pas être pauvres, comme on le dit, et sales en plus. Chaque fois que je tombe sur une route en terre battue, délabrée, cela me dérange. Nous travaillons sans relâche pour réhabiliter les routes et connecter les quartiers. »

Après près de vingt ans à la tête de la commune la plus riche du pays — qui emploie environ 800 personnes — Wilson Jeudy éprouve un sentiment de fierté, même si beaucoup reste à faire. « En parcourant Delmas, je me demande parfois comment tous ces travaux ont pu être réalisés, confie-t-il. Nous avons construit près de 80 ponts avec nos propres ressources, en grande partie grâce à nos équipements. Nous avons encore un problème de nids-de-poule un peu partout. Malheureusement, la mairie ne dispose pas de cette expertise. Que fait le Fonds d’entretien routier avec les taxes collectées ? Personne ne demande de comptes. Les TPTC auraient aimé faire notre travail, mais avec l’argent de la mairie », ironise-t-il.

Avec la progression des groupes armés qui contrôlent une grande partie de la capitale, le haut de Delmas est devenu un lieu de refuge pour de nombreuses institutions publiques et privées ainsi que pour des centaines de milliers de personnes chassées par les gangs. Depuis plusieurs mois, le bureau de la DGI de Delmas est installé dans les jardins du palais municipal.

Le maire a également accueilli le tribunal de paix et a offert un autre espace à l’Office de la Protection du citoyen (OPC). De plus, le parquet de Port-au-Prince, la cour d’appel, l’Unité de lutte contre la corruption et d’autres institutions se sont repliés à Delmas. « J’ai reçu récemment un appel du bureau du Sénat de la République m’informant de sa présence dans la commune », rapporte Wilson Jeudy.

La pression démographique entraîne aujourd’hui des embouteillages dans des rues autrefois désertes de Delmas. Les loyers y ont triplé, voire quadruplé, notamment dans le haut de Delmas et à Pétion-Ville, zones encore épargnées par les terroristes du groupe Viv ansanm. « Sans la construction de ces routes, la circulation automobile serait impossible aujourd’hui. Peut-être que les gangs auraient déjà conquis la commune », souligne le maire. L’un des plus grands défis demeure toutefois la gestion des déchets.

Malgré cela, Delmas reste la commune la plus propre de la région métropolitaine. « C’est un travail quotidien qui exige beaucoup de ressources, surtout en carburant. Quand on a une responsabilité, on doit l’assumer. Si nous ne ramassons pas les déchets un seul jour, les rues deviennent méconnaissables », prévient-il.

Après plusieurs mois d’inaccessibilité au bas de Delmas en raison de la violence des gangs, les équipes de la mairie ont été aperçues la semaine dernière nettoyant la route principale, de Delmas 30 jusqu’à Delmas 2, autrefois jonchée de carcasses de véhicules et de barricades érigées par les criminels. Le maire reconnaît cependant que plusieurs quartiers échappent à son contrôle.

Selon lui, la crise sécuritaire est le fruit de « la tolérance des citoyens » et de « l’irresponsabilité de l’État ». « Il faut admettre que nous avons commis des erreurs dans la gestion du pays. Aujourd’hui, nous payons le prix de cette irresponsabilité. Nous n’avons plus le même pays, ni la même société. Comment réparer ? Que faire ? Il faut un effort collectif pour sauver Haïti », appelle Wilson Jeudy.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/259727/pour-diriger-il-faut-etre-un-leader-affirme-wilson-jeudy-maire-de-delmas

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