Histoire. Les marins des Petites Antilles (1650-1713)

Dans « Varreurs, flibustiers, mariniers… » Les marins des Petites Antilles françaises dans les premiers temps de la colonisation, 1650-1713, Nicolas Ribeiro, professeur certifié au sein de l’académie de Poitiers, cherche à reconstituer ce que fut la place des marins au sein de la société coloniale des Petites Antilles françaises.

En 1625, des marins français font la conquête de l’île de Saint-Christophe. Vingt‑cinq ans plus tard, ces colons sont installés dans neuf îles des Petites Antilles. Une fois le temps des conquêtes achevé, il faut administrer, défendre et assurer la subsistance de tous les résidents de ces colonies. Or, dans cet espace insulaire, tout passe nécessairement par l’usage de la navigation.

Grâce à l’étude d’une forte documentation, le livre « Varreurs, flibustiers, mariniers… » Les marins des Petites Antilles françaises dans les premiers temps de la colonisation, 1650-1713 cherche à reconstituer ce que fut la place des marins au sein de la société coloniale des Petites Antilles françaises. Il observe comment se pratiquait la navigation aux Antilles, quels usages étaient faits de la mer et comment les membres de cette société se comportaient face à cet élément nouveau dont ils dépendaient.

Le temps des conquêtes

« Avant 1650, les colonies ne sont qu’à leur prémisse. À partir de cette date, les colons semblent assez bien maîtriser l’espace pour envisager d’installer leur modèle de façon définitive. Dès 1650, les colons se projettent dans d’autres espaces de la Caraïbe, toujours dans l’objectif d’étendre leur modèle et de faire acquisition de biens détenus par les populations amérindiennes comme à la Grenade, aux Saintes ou à Marie-Galante. » Dans le nord de l’archipel, c’est la concurrence entre les nations européennes qui poussent aussi à la conquête de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Sainte-Croix. Seul le traité de 1660, passé avec les Kalinas, met une pause à cette volonté expansionniste.

Carte des Antilles au XVIIIe siècle.

Les années 1650-1664 correspondent aussi à l’apparition de la culture de la canne à sucre.

Alors que la première exploitation agricole fut celle du tabac, la chute de son prix sur le marché européen entraîne une volonté de diversification des pratiques agricoles et de développement de nouvelles cultures. La réussite de l’exploitation de la canne entraîne ainsi une réorganisation de la société des Petites Antilles. Les îles qui ont les meilleures qualités pour garantir son exploitation sont favorisées : la Martinique, la Guadeloupe et dans une certaine mesure, Saint-Christophe. À l’échelle régionale, la Martinique prend de plus en plus de poids, attirant à elle les marchands venus des ports d’Europe.

Au cours de cette période, une distinction se fait de plus en plus marquer entre les grands propriétaires détenteurs d’habitations conséquentes où servent engagés venus d’Europe et esclaves amérindiens et africains. À leur côté s’installent, dans les bourgs et villes naissantes, les « Petits Blancs », artisans et ouvriers pour la plupart.

Le sucre, exploitation exclusive pour le royaume de France

La société coloniale esclavagiste se développe et l’accaparement des terres par les plus grands propriétaires se fait de plus en plus ressentir.

La mise en place de la compagnie confirme ce poids de la Martinique dans la Caraïbe puisque ses représentants en font leur lieu de résidence à partir de 1670.

L’exploitation des îles est tournée en priorité vers l’exploitation du sucre pour le compte du royaume de France de façon exclusive. C’est en tout cas ce que souhaitent le roi et ses ministres. Les marchands hollandais qui assurent le commerce aux îles avant 1664, se trouvent exclus du marché antillais français à partir de cette date. Loin de se résigner, ils favorisent l’apparition d’un commerce interlope entre les îles hollandaises de Curaçao et Saint-Eustache et les îles françaises.

Face à cet échec, la compagnie disparaît en 1674 laissant place à l’administration directe.

Les années 1674-1688 sont marquées par une période de paix et de développement. Les îles sont maintenant administrées par des représentants du roi de France.

Le gouverneur général et les gouverneurs particuliers sont nommés par lui et responsables devant lui. Un intendant est nommé à partir de 1677. L’organisation administrative se développe, chacun ayant une tâche à accomplir dans l’optique d’apporter en France la richesse des îles. Le commerce interlope continue d’exister malgré la présence d’escadres royales et de soldats permanents. La colonisation continue aussi de se développer et les résidents sont de plus en plus nombreux. La canne à sucre continue à se répandre même si elle n’éclipse pas définitivement les autres cultures comme le coton, le tabac, l’indigo et les agricultures de subsistance.

1688 : le retour des conflits

La dépendance des populations locales est aussi de plus en plus forte d’autant plus que de véritables fortunes naissent aux îles et que ces membres fortunés aiment adopter les mœurs des bourgeois européens. Cette période de prospérité s’achève avec le retour des conflits en 1688. Les échanges avec le royaume de France s’amoindrissent. Le développement des îles est ralenti.

Saint-Christophe et les îles du Nord sont perdues à plusieurs reprises. Sainte-Croix est abandonnée et beaucoup des anciens résidents de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin trouvent refuge à la Guadeloupe et à la Martinique. La société coloniale se réorganise. Des grandes fortunes disparaissent pendant que d’autres émergent grâce à la course et au commerce.

Ces quelques éléments chronologiques montrent que la mer joue un grand rôle dans l’histoire antillaise. C’est par la mer que les colons sont arrivés. C’est en traversant l’Atlantique que les mains d’œuvre serviles sont débarquées aux îles. C’est le contrôle de la mer qui permet d’assurer le commerce, le développement des colonies et leur maintien dans la sphère d’influence du royaume de France. Ces considérations ont permis d’envisager une étude des relations entre les habitants des Petites Antilles et la mer.

Pour aller plus loin…

Nicolas Ribeiro est professeur certifié au sein de l’académie de Poitiers. En 2019, après avoir travaillé sous la direction de Martine Acerra, professeure d’histoire moderne à l’université de Nantes, il a soutenu une thèse sous le titre La place de la mer au sein de la société coloniale des Petites Antilles françaises de 1650 à 1713. Il est chercheur associé au CRHIA Nantes. Ses travaux portent sur la mise en place de la société coloniale aux Petites Antilles et sur sa pratique de la navigation au XVIIe siècle.

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