La Grande interview. Changement climatique : « Il est encore temps d’agir ! »

Eric Jalton, président de Cap Excellence, maire de la Ville des Abymes

Il est intervenu, souvent, pour alerter les Guadeloupéens sur les dangers du réchauffement climatique. C’est le moment de donner la parole à Eric Jalton, parce que son message est porteur. Entretien sans réserve et exclusif.

Vous alertez les populations sur les dangers du changement climatique. Que se passe-t-il ?

Il se passe que pendant longtemps nous avons, comme beaucoup d’autres, considéré les alertes sur la dégradation de la planète et sur le réchauffement climatique comme des propos de scientifiques qui ne nous concernaient pas.

Aujourd’hui, nous sommes dans la réalité du changement climatique qui s’accélère et qui chez nous se manifeste par des pluies désordonnées et denses, des inondations qui tuent, des ouragans d’une extrême violence, l’érosion de nos côtes, la hausse du niveau de la mer, des sécheresses répétées qui menacent les productions agricoles, les poissons qui meurent…

Ces événements météorologiques sont les conséquences maintenant palpables et mesurables du réchauffement de la planète. Ils témoignent de la réalité et de l’ampleur du défi climatique auquel nous sommes confrontés.

« Ce sont nos comportements, nos modes de vie
et de consommation qui polluent l’atmosphère,
massacrent l’environnement et réchauffent le territoire. »

Nous comprenons aujourd’hui que la planète c’est tout simplement là où nous habitons et que chacun d’entre nous, comme le colibri, doit en urgence, assumer sa part de responsabilité dans la préservation de notre environnement.

J’alerte pour que tous et chacun entendent que ce n’est pas une malédiction mondiale qui nous tombe dessus, et surtout que ce sont nos comportements, nos modes de vie et de consommation qui polluent l’atmosphère, massacrent l’environnement et réchauffent le territoire.

J’alerte, parce qu’il est encore temps d’agir, et urgent, pour protéger notre population et le territoire, de s’adapter au changement climatique, c’est à dire non seulement gérer les urgences, mais aussi séquencer les actions qui doivent contenir le réchauffement, faire de l’adaptation la colonne vertébrale de toutes les politiques territoriales, et surtout vivre désormais autrement, sobrement disent les scientifiques, pour éviter la catastrophe annoncée par les meilleurs experts pour la zone des Caraibes.

Il va sans dire que des politiques publiques anticipatrices et musclées doivent être mises en œuvre, mais qu’en outre, une mobilisation sans pareil des acteurs et des citoyens ordinaires est désormais nécessaire pour faire face à ce défi.

En quoi les politiques mises en place à Cap Excellence sont-elles vertueuses ?

Cap Excellence a fait de la question environnementale une de ses toutes premières priorités et à ce titre, a initié des projets qui lui ont valu plusieurs labels : « Territoire engagé – transition écologique Climat AIR Energie » ; « territoire à énergie positive pour la croissance verte »; « Label territoire innovant » …

La zone de Dothémare, labélisée Iso 14 000… et haute qualité environnementale, témoigne de cet engagement.

Nous nous sommes également fortement engagés dans la lutte contre les inondations avec les PAPI 1 et 2, la protection contre les risques de submersion marine à Pointe-à-Pitre notamment, ou encore dans des actions exemplaires pour le nettoyage des canaux, la sensibilisation des jeunes à la protection de la biodiversité, ou la création d’écoquartier, comme celui de l’Assainissement.

Pour aller plus loin, de manière planifiée, nous avons mis en place un Plan Climat Air énergie territorial (PCAET), un plan Paysage, et tout récemment, un projet de territoire dont le fil rouge est la transition écologique.

Ce projet a été voté à l’unanimité par le conseil communautaire, ce qui est le signe d’une préoccupation environnementale largement partagée au sein de Cap Excellence.

Ce projet de territoire met en perspective une action publique vertueuse en termes d’habitat et d’aménagement urbain. Il prévoit notamment un urbanisme circulaire, des logements résilients, et des quartiers qui mêlent, habitat, activités, infrastructures de bases et mobilités propres. Le NPNRU sera l’outil d’intervention pour cette conception renouvelée des quartiers et de l’habitat.

S’agissant des déchets, Cap Excellence est engagée dans une stratégie d’économie circulaire visant à faire de nos déchets une ressource créatrice d’emploi. Nous accompagnons dans ce cadre les initiatives de tri, de réemploi, de recyclage, de production d’énergie. A ce titre, l’unité de traitement en cours de conception sur le site de la Gabarre, produira du combustible solide de récupération (CSR)

Nous ne sommes donc pas restés les bras croisés face à ce défi et nous avons un bilan.

Pour autant, nous sommes bien conscients qu’il faut maintenant, devant la gravité des menaces, aller plus loin, plus fort et plus vite.

Nous mesurons aussi que les investissements publics n’y suffiront pas, qu’il sera nécessaire de prendre des décisions courageuses qui impliqueront, dans un temps court, des changements importants dans nos habitudes individuelles, spécialement en termes de mode de déplacement et de consommation.

Sur la question du transport, notre dialogue avec le SMT (Syndicat Mixte des Transports….) doit pouvoir déboucher sur un plan revisité, intégrant l’urgence des mobilités douces sur le territoire communautaire.

« Nous avons mis en place un Plan Climat Air énergie territorial,
un plan Paysage, et tout récemment, un projet de territoire
dont le fil rouge est la transition écologique. »

Cap Excellence ce sont des communes. Jouent-elles le jeu ? Les moyens financiers sont-ils à la hauteur des projets vertueux ?

Cap Excellence rassemble trois communes : Les Abymes, Baie-Mahault et Pointe-à-Pitre, qui chacune font de la question environnementale et du climat des priorités absolues. A ce titre, elles consacrent une part importante de leurs budgets à ces préoccupations, et s’inscrivent ainsi totalement dans les priorités de la communauté d’agglomération.

Naturellement, nous mobilisons autant que cela est possibles d’autres concours financiers, dont les fonds européens, des subventions Régionales, des subventions de l‘Office Français de la biodiversité, de l’ADEME, des appels à projet nationaux ou européens et des emprunts.

Il reste pour autant évident que les moyens financiers dont nous disposons et que nous déployons sont très loin d’être à la hauteur du défi environnemental et climatique que nous devons relever.

Ces questions étant maintenant d’une brulante actualité nationale, européenne, et internationale, il nous appartient, profitant de la polarisation des esprits, de nous battre pour faire prendre en compte l’urgence climatique par le gouvernement et obtenir des moyens mieux dimensionnés.

Il nous faudra aussi nous mettre tous ensemble d’accord et en ordre de marche sur la réalisation en temps et en heure des projets urgents et pertinents. Nous devrons également inventer une stratégie et une ingénierie financière, à la hauteur du défi et de la responsabilité que nous entendons assumer dans le développement économique et humain durable du Pays.

« Face à l’urgence, les coopérations, le voisinage, les initiatives individuelles, la mobilisation des entreprises et des citoyens
sont plus que jamais nécessaires. »

L’Agropark Caraïbes Excellence verra-t-il le jour ? Où en est-on ?

Oui l’Agropark verra le jour. C’est un projet construit pour et avec les agriculteurs et les agro transformateurs qui doit servir l’autonomie alimentaire, la lutte contre le réchauffement climatique et l’emploi.

Le chantier lancé il y a deux ans a été interrompu par suite d’observations de la DEAL. Les autorisations permettant la reprise des travaux sont en cours. ; Le chantier devrait redémarrer dans les tous prochains jours.

Ne faudrait-il pas que l’archipel tout entier fasse l’objet d’un plan d’aménagement pour préparer ce changement climatique inéluctable ?

En ma qualité de président de Cap Excellence, il m’appartient d’agir à l’échelle du territoire communautaire. Mais, évidemment, l’adaptation au changement climatique et la protection de notre environnement concernent chaque parcelle du pays tout entier, parce que les pollutions, les gaz à effet de serre, et la chaleur n’ont pas de frontière.

Dans ce domaine, et face à l’urgence, les coopérations, le voisinage, les initiatives individuelles, la mobilisation des entreprises et des citoyens sont plus que jamais nécessaires ; il va falloir au-delà du découpage du territoire, sensibiliser, se mettre d’accord, jouer ensemble et travailler « avec », en misant sur les synergies.

Bien entendu, un plan à l’échelle du pays relève aujourd’hui de l’urgence.

Propos recueillis par André-Jean VIDAL

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