Création d’un parquet national anticriminalité organisée, prisons renforcées, possibilité de prolonger la garde à vue des « mules » en Outre-mer, de nouveaux pouvoirs pour les préfets…, ce qu’il faut retenir de la nouvelle loi.
Promulguée en juin 2025, la loi contre le narcotrafic marque un tournant dans la lutte contre la criminalité organisée en France. Elle dote les autorités de nouveaux outils et mécanismes pour démanteler les réseaux criminels et protéger la société, de la phase d’enquête à celle de l’exécution de la peine.
La France a adopté, le 29 avril 2025, une nouvelle loi pour lutter contre le narcotrafic. Ce phénomène touche tout le territoire, sans épargner les villes moyennes et les zones rurales, selon les conclusions de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France, publiées en mai 2024. Elles soulignent l’explosion du trafic de cocaïne en dix ans, et la violence extrême des réseaux.
Création d’un Parquet national anticriminalité organisée (Pnaco)
Un parquet spécialisé est institué pour traiter les infractions les plus graves de la criminalité organisée, y compris économiques et financières. Inspiré des modèles existants pour le terrorisme (Pnat) et la finance (PNF), il sera opérationnel à partir de janvier 2026.
Renforcement de la lutte contre le blanchiment d’argent
La loi prévoit :
- la possibilité pour les préfets de fermer temporairement des commerces ou locaux soupçonnés de blanchiment
- l’élargissement des capacités de collecte de renseignements par le service de renseignement financier Tracfin et des pouvoirs des douanes
- l’extension des obligations de vigilance à de nouveaux professionnels (loueurs de voitures de luxe, vendeurs de yachts, promoteurs immobiliers…), qui devront signaler les opérations suspectes à Tracfin
- l’application de la présomption de blanchiment aux opérations impliquant des « mixeurs » (service qui mélange des fonds pour brouiller leurs origines exactes) de crypto-actifs
- la création d’une procédure administrative de gel des fonds, sur le modèle de la lutte anti-terroriste.
Le Conseil constitutionnel a encadré certaines mesures, notamment la fermeture des locaux associatifs, pour garantir le respect des libertés fondamentales.
Régime carcéral plus strict pour les trafiquants dangereux
Des quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) sont créés dans certaines prisons. Ils accueilleront les détenus les plus dangereux, sur décision du ministre de la Justice, pour un an renouvelable.

Le régime de détention renforcé dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) prévoit :
- un isolement strict et des mesures de sécurité renforcées (parloirs avec séparation, fouilles systématiques)
- une utilisation accrue de la visioconférence pour limiter les extractions
- l’anonymisation des agents pénitentiaires dans les actes de procédure et la gestion des détenus.

La première prison de haute sécurité, à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), a accueilli, le 22 juillet, les 17 premiers narcotrafiquants « parmi les plus dangereux de France », a indiqué le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Salah Abdeslam, condamné à la perpétuité pour les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, Rédoine Faïd, braqueur multirécidiviste Rédoine Faïd y ont été transférés. Mohamed Amra, narcotrafiquant, dont l’évasion, en mai 2024, a coûté la vie à deux agents pénitentiaires devrait y être incarcéré, ainsi que d’autres détenus au profil particulier.
Une autre prison de haute sécurité devrait ouvrir à Condé-sur-Sarthe (Orne) en octobre 2025.
Nouvelles techniques d’enquête et outils judiciaires
Les services de renseignement disposent de moyens élargis, avec :
- la prolongation jusqu’au 31 décembre 2028 du dispositif expérimental des interceptions satellitaires pour les atteintes particulièrement graves à l’ordre public
- la création d’un « dossier coffre » (procès-verbal distinct auquel le justiciable n’a pas accès) pour protéger l’identité des personnes et éviter de révéler des techniques spéciales d’enquête
- un anonymat renforcé pour les enquêteurs spécialisés et les interprètes,
- la possibilité, sous conditions, d’activation à distance des appareils électroniques, comme des téléphones portables, en vue d’une captation de son et d’image, et d’infiltration civile des informateurs dans des groupes terroristes ou des organisations criminelles (ce qui signifie que le ministère public permet l’infiltration d’une personne n’appartenant pas aux services de police mais travaillant sous son contrôle),
- des mesures contre l’usage abusif des nullités de procédure.
Réforme du statut des « repentis » et protection des témoins
Le régime des collaborateurs de justice, dits « repentis », est élargi : les personnes impliquées dans des crimes de sang (meurtre, homicide, assassinat) peuvent désormais bénéficier d’une réduction de peine en échange de leur coopération.
La protection des victimes et des témoins dénonçant des réseaux criminels est également renforcée.
Répression accrue du recrutement de mineurs et des organisations criminelles
Le recrutement de mineurs par les réseaux de narcotrafic, notamment via les réseaux sociaux, devient un délit pouvant être puni de 7 ans de prison et 150 000 euros d’amende.
La simple appartenance à une organisation criminelle devient également une infraction, inspirée du modèle italien « antimafia ».
La garde à vue des « mules » dans les Outre-mer peut être prolongée jusqu’à 120 heures, et une peine complémentaire d’interdiction de vol ou d’embarquement maritime est prévue.
Mesures administratives et locales renforcées
Les préfets disposent de nouveaux pouvoirs pour fermer des lieux liés au trafic, geler temporairement les avoirs, et expulser plus facilement les locataires impliqués dans le trafic.
Des interdictions administratives de paraître sur les points de deal sont instaurées.
Lutte contre le trafic en ligne et dans les prisons
Des mesures spécifiques visent à empêcher la poursuite des trafics depuis les établissements pénitentiaires, avec notamment :
- un allongement des peines pour trafic en détention
- l’utilisation de drones pour prévenir l’introduction d’objets interdits
- le renforcement de la sécurité des convois pénitentiaires (avec notamment des caméras embarquées).
Le dispositif Pharos pourra demander le retrait de contenus en ligne proposant la vente de drogue.