PAR PATRICK KARAM*
Les Outre-mer sont les grandes oubliées des politiques nationales, alertent plus de 70 personnalités des mondes politique et associatif dans une tribune au « Monde ». Face à des crises multiples, ces territoires ne peuvent pourtant plus « servir de terrain d’expérimentation pour des politiques improvisées », et la situation appelle la mise en place d’un plan d’investissement massif
La situation des Outre-mer est plus critique que jamais. Confrontés à des crises sociales, économiques, institutionnelles et sécuritaires d’une ampleur inédite, ces territoires essentiels à la présence de la France dans le monde entier, à la richesse et à la diversité de notre pays subissent de plein fouet pauvreté, chômage, vie chère, retards économiques et carences criantes des systèmes de santé, d’éducation et d’infrastructures. Les crises à répétition révèlent des failles structurelles profondes et une paupérisation dramatique. Il est temps de repenser la relation entre la République et ses outre-mer, non de différer encore cette question.
Une réaction forte et cohérente de l’État est indispensable. Pourtant, les réponses demeurent timides, bureaucratiques ou méprisantes, renforçant le sentiment d’abandon. La nomination de Naïma Moutchou au poste de ministre déléguée chargée des Outre-mer envoie un signal désastreux à des territoires fragilisés. Sept ministres en trois ans pour un portefeuille aussi stratégique traduisent un désintérêt inquiétant.
Les Outre-mer ne peuvent être un levier d’équilibre politique : elles exigent compétence, constance et connaissance fine des réalités locales. À l’inverse, Manuel Valls, lorsqu’il avait repris ce portefeuille dans un contexte de crise, avait montré qu’un Premier ministre pouvait s’impliquer pleinement et redonner espoir de stabilité et d’écoute. Ce cap semble aujourd’hui perdu.
En Nouvelle-Calédonie, l’évolution statutaire, la réforme du corps électoral ainsi que la relance du plan nickel sont essentielles à la stabilité d’un territoire sinistré après les émeutes. À Mayotte, l’immigration incontrôlée en provenance des Comores et le retard à reconstruire après le cyclone Chido provoquent détresse et colère.
Aux Antilles et en Guyane, la population subit la vie chère, la flambée de la violence et la libre circulation des armes liée au trafic de drogue. La crise de l’eau, qui perdure depuis quinze ans, symbolise le désengagement de l’État : en Guadeloupe, il deux siècles seraient nécessaires pour renouveler le réseau au rythme actuel. Le scandale du chlordécone, pesticide cancérigène, a contaminé durablement les sols et provoqué une explosion des cancers sans qu’aucune responsabilité n’ait été reconnue.
S’ajoute à cela la crise des sargasses, ces algues brunes qui empoisonnent l’air, détruisent la pêche et le tourisme. Là encore, l’État reste sans plan global ni soutien suffisant. La Réunion et la Polynésie française, confrontées à la cherté de la vie, au chômage et à la dépendance énergétique, attendent, elles aussi, un engagement fort et durable.
Alors que le Premier ministre connaît les réalités ultramarines, il sacrifie les territoires les plus paupérisés de France en sabrant le budget qui perd 1,6 milliard d’euros sur l’effort total de l’Etat et 628 millions d’euros du ministère des Outre-mer, sur un peu moins de 3 milliards d’euros en 2025. En chute libre les crédits alloués pour financer les politiques d’aide aux entreprises, d’accès au logement, la continuité territoriale ou encore le soutien aux collectivités.
Le choix d’une telle austérité s’apprête à affaiblir des économies déjà fragiles. Dans le même temps, aucun ultramarin n’a été intégré au gouvernement — absence inédite et symboliquement lourde, niant l’existence de femmes et d’hommes compétents pour assumer les plus hautes responsabilités.
Cette marginalisation s’étend à tous les domaines, et la considération manque jusque dans les détails : débats budgétaires initialement programmés un dimanche, suppression du créole à l’agrégation, absence de mesures pour les jeunes contraints de partir étudier ou travailler, souvent sans retour possible.
Ces départs privent les territoires de leurs forces vives. Les sportifs ultramarins, eux aussi, se heurtent à un manque criant d’infrastructures et de soutien, alors qu’ils incarnent l’excellence française.
Partout, le sentiment d’injustice grandit. Les Français d’Outre-mer ne réclament ni privilèges ni faveurs, mais l’égalité réelle à laquelle ils ont droit. Beaucoup s’interrogent : la France les considère-t-elle encore comme pleinement Français ? Ce doute alimente la tentation du repli ou de la rupture. Seule une action forte et juste peut apaiser ces colères. Il est temps que la République assume ses responsabilités et restaure la confiance, non par des mots, mais par des actes.
Les Outre-mer ne peuvent plus servir de terrain d’expérimentation pour des politiques improvisées. Territoires stratégiques aux richesses immenses, ils sont les avant-postes de la France dans le monde. Il faut un plan d’investissement massif pour moderniser les infrastructures, développer l’économie verte et bleue, et désenclaver numériquement ces régions. L’éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté et l’illettrisme doivent devenir des priorités absolues. Les collectivités, au bord du précipice, doivent être soutenues et leurs capacités d’action restaurées.
Après des décennies d’attente, les Outre-mer réclament l’égalité réelle. Cette exigence de justice est aussi celle de l’unité nationale. Il ne saurait y avoir de citoyens durablement relégués selon leur lieu de naissance. Faire des Outre-mer une priorité n’est pas une faveur : c’est une obligation républicaine, un engagement moral et stratégique.
L’avenir de la France passe par la réussite de ses territoires ultramarins. Il est temps de le comprendre, de l’assumer et d’agir, par devoir, par respect et par conviction.
A l’initiative de :
*Patrick Karam
Ancien Délégué Interministériel pour l’Égalité des Chances des Français d’Outre-mer,
Fondateur et ancien Président du Collectifdom et du Conseil Représentatif des Français d’Outre-Mer (CREFOM).
Vice-président de la Région Île-de-France en charge des Sport, de l’Héritage olympique et paralympique, des Loisirs et de la citoyenneté.
Marie José Pérec, Triple championne olympique ;
Muriel Hurtis, Championne du monde et médaillé olympique ;
Patrice Quarteron, Champion du monde ;
Christine Arron, championne du monde et d’Europe, Adjointe au sport à Champigny-sur-Marne
Pierre-Marie Hilaire, Président du club des Olympiens et Paralympiens de Guadeloupe,
Daniel Dalin, Président du Conseil Représentatif des Français d’Outre-Mer (CREFOM) ;
Julien Karam, Élu local et dirigeant de l’association ANELU,
Vanina Noël, Dirigeante de l’association C’FOMM,
Jenny Hippocrate, Dirigeante de l’association APIPD ;
Chantal Daroso, Dirigeante de l’association OMEF ;
Nicole Hoyez-Pitou, Dirigeante de l’association A.C.R. ;
Patrice Lerus, Dirigeant de l’association Team 94 Cycling ;
Constance Edwige Becea, Dirigeante de l’association SOFRADOM ;
Samuel Féréol, Dirigeant de l’association CHOUKAJ ;
Danielle Girondin, Dirigeante de l’association Génération 2 citoyenneté intégration ;
Alain Mirza, Dirigeant de l’association ASCS Lys Antilles ;
Sylvania Octave Ibalot, Dirigeante de l’association Soley k Rayib ;
Vincent Travailleur, Dirigeant de l’association Martigua SCL ;
Jacqueline Angèle Makpangou, Dirigeante de l’association CTOM78 ;
Céline Damas Agis, Dirigeante de l’association Cap Caraibeean ;
Jennifer Pelage, Dirigeante de l’association Belles d’âme ;
Josiane Jeau, Dirigeante de l’association Terre Natale ;
Géraldine Ory, Dirigeante de l’association A Nou La ;
Stève Philémond-Montout, Dirigeant de l’association Visions partagées ;
Franck Pétrose, Dirigeant de l’association AMU ;
Philippe Louison, Adjoint au Maire en charge des Sports ;
José Althey, Dirigeant de l’association ANÉOM ;
Nicole Chicot, Dirigeante de l’association La Libellule, conseillère municipal ;
Martial Gamiette, Dirigeant de l’association Karibk 91 ;
Jimmy Alexis, Dirigeant de l’association Soleil Caribéen ;
Maximilienne Alphonso, Dirigeante de l’association Karukéa/Madé et Kéra ;
Leone Pavilla, Dirigeante de l’association groupe d’entraide mutuelle et CAP ;
David Andrew, Fondateur de l’association E.O.M.A ;
Jessica Richards, Dirigeante de l’association KREYOL’YS ;
Franck Anretar, Dirigeant de l’association UNOMF ;
Abdoulaye Koné, Journaliste ;
Michelle Jean-Baptiste, Dirigeante de l’association Humains en action ;
Azz Braga, Blogueur ;
Fred Caby, Dirigeant de l’association Zanmi TANBOU ;
Anais Balaire, Dirigeante de l’association Survivre ;
Vanessa Lodin Montanari, gérante de société ;
Corinne Reine, Dirigeante de l’association Amicales des antillais d’Epinay-sur-Seine ;
Jacques Ambrosio, Dirigeant de l’association ACCOLADE ;
Marie Chantal Ibalot, Dirigeante de l’association ACCOLADE ;
Vincent Datil, Dirigeant de l’association Les jardin familiaux de Stains ;
François Jarvis, Dirigeant de l’association CMC ;
Séverine Dany, Dirigeante de l’association LABEL’KARAÏB ;
Freddy Pater, Élu municipal et dirigeant associatif ;
Annelise Filomin, Dirigeante de l’association Amazones Paris ;
Sylviane Cédia, Chanteuse, auteure, compositrice guitariste ;
Angèle Guiougou, Dirigeante d’association ;
Jean-Marc Justine, Dirigeant de l’association ANEOM ;
Ruddy Nelhomme, Entraîneur sportif ;
Charles Nebot, Chef d’entreprise AUPREA ;
Sandrine Filomin, Dirigeante de l’association Futsal Académie Martinique ;
Alfred Jocksan, Journaliste ;
Frédérique Sabine Merciris, Dirigeante de l’association Panier Caraïbes ;
Tony Mardaye, Président du comité Mémoire citoyenneté Outre-mer ;
Christian Bidonot, Dirigeant de l’association Promodom ;
Viviane Vaugirard, Dirigeante de l’association AGORA KARAYIB de Clichy 92 ;
Paul Gérard Guimba, Dirigeant de l’association Actrom Madras 97 ;
Georges Chipan, Dirigeant de l’association ACCOLADE ;
Clarisse Bonaro, Dirigeant de l’association AFRO KREOL MOUV’,
Lydie Anglionin, Présidente Arc en ciel d’Orly DOM TOM,
Luc Larbaletrier, Président Lucafrika.

























