Opinion. La vie chère ? La démonstration

PAR ALAIN PLAISIR*

La vie est chère en Guadeloupe et cela n’est pas récent. D’ailleurs, le grand mouvement social de 2009, animé par le LKP, a été provoqué par l’insupportable vie chère, dénommée la pwofitasyon.

Ce mouvement a été suivi également en Martinique et à la Réunion.

Les causes de la vie chère ont été d’abord identifiées par les négociateurs du LKP, mais confirmées par deux rapports officiels : celui de l’Autorité de la Concurrence et celui du Sénat.

L’Autorité de la Concurrence, saisie par le ministre des DOM, a réalisé, en septembre 2009, des relevés comparatifs entre la France et les DOM à partir d’un panier de 100 produits commercialisés en grande surface, essentiellement des produits importés de France.

L’autorité énonce : « La première constatation devant être formulée concerne le niveau des écarts ainsi relevés. La médiane des écarts de prix relevés se situe à 65 % en Guadeloupe, 70 % en Martinique et en Guyane.
Le niveau de concentration est élevé. Le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire dans les DOM est trop peu concurrentiel. Certains groupes détenant des parts de marché en surfaces commerciales supérieures à 40%. »


Qui l’a permis ? La non répercussion des marges arrière dans le prix de revente au consommateur.
Le recours à des grossistes importateurs, répercutés par les distributeurs dans le prix final au consommateur.

Elle préconise de réprimer les pratiques anticoncurrentielles.

Des relevés réalisés au cours de l’enquête ont révélé des marges commerciales relativement élevées dans les DOM, fréquemment supérieures à 40 %, pour certaines catégories de produits.

Quant à la mission sénatoriale, elle constate des écarts de prix très importants entre la France et la Guadeloupe.

A titre d’exemple, le prix du « Nesquick », produit importé, est très supérieur dans les DOM : de 128 % en Guadeloupe et de 142 % en Guyane.

Non, l’octroi de mer et le transport
ne sont pas toujours responsables

L’étude du phénomène de la vie chère est connue et pourtant, depuis quelques temps, certains, pour détourner l’attention sur les principaux responsables de la vie chère, veulent nous faire croire que c’est l’octroi de mer, voire le transport, qui sont responsables de la vie chère.

Dans la plupart des cas c’est complètement faux.

L’ Autorité de la Concurrence désigne clairement les responsables de cette vie chère.

« … Des relevés réalisés au cours de l’enquête ont révélé des marges commerciales relativement élevées dans les DOM, fréquemment supérieures à 40 %, pour certaines catégories de produits. »

Afin de conforter ces études, je vous présente, ci-dessous, un exemple de formation des prix et surtout l’exemple concret de la liquidation des taxes à partir d’une déclaration de douane.

Ce sont des ignames importés du Nicaragua, pour un poids de 22 356 kg et une valeur de 14 734€.

Les éléments du calcul :
. Prix facture (montant transaction vendeur-acheteur)
. Prix du transport (fret)
. Les différentes taxes au port de dédouanement
. Le droit de port

Dédouanement à partir d’un exemple concret

On considère 22 356 Kg d’ignames originaires et en provenance (directe) du Nicaragua
➢ Prix Coût Assurance Fret (CAF) : prix à l’arrivée au port en Guadeloupe = 14 734 €
➢ La douane applique les taxes en vigueur : TVA, octroi de mer, octroi de mer régional
Dans le détail
. TVA au taux de 2,1% : Soit 318 €
. OM au taux de 15% : Soit 2 110 €
. OMR au taux de 2,5% : Soit 368 €
TOTAL 2 896 €
Auquel on doit ajouter le droit de port : 205 €.

En quittant le port de Jarry pour le local de l’importateur, ces ignames dédouanés lui sont revenus à :
14 734 € + 2 896 € + 205 € = 17 835 €.

Calculons maintenant le prix au KG
Prix au kilo chez l’importateur : 17 835 : 22 356 = 0,79 € le Kilo (0,65 € avant le dédouanement).

Si le prix de revient des ignames est de 0,79 €, en revendant à 1,50 €, voir 1 € en promotion, le profit serait déjà très juteux.

Dans la réalité, cet igname est vendu entre 2,50 € et 3 €, voire plus sur le marché local.

A noter que, le plus souvent, l’octroi de mer n’est pas à 15% comme l’igname, mais plutôt à 7%. Quelquefois même (rare) le produit importé est exonéré d’octroi de mer.

Depuis quelques mois, on veut faire croire que se serait l’octroi de mer, voire le transport, qui seraient responsable de la vie chère ? Ce que démentent les rapports et notre démonstration.

En conclusion, nous disons que le commerce, doit, bien sûr, avoir une marge bénéficiaire correcte, mais il appartient aux gouvernants locaux d’imposer un alignement des marges commerciales sur celles pratiquées en France.

Il y a urgence d’un contrôle des prix. Appelons-les comme on veut, encadrement ou surveillance des prix, il faut arriver à une baisse d’environ 25% des prix.

Sinon, il ne faudra plus s’étonner de situations de révolte.

Les mesures actuelles (Bouclier des prix) sont dérisoires.

La volonté et le courage politique peuvent-ils exister dans notre pays ?

*Inspecteur des douanes à la retraite, fondateur du CIPPA, auteur d’un ouvrage de référence L’Octroi de mer (Id Communication)

Alain Plaisir interviendra de soir, à Basse-Terre

La troisième édition du rendez-vous initié par Michel N. Christophe autour du livre prendra ses quartiers à la mairie de Basse-Terre, ce vendredi 26 août.
Rendez-vous mensuel, A la rencontre des auteurs permet aux auteurs de présenter leur production et au public d’échanger avec des auteurs sur leurs écrits et plus. Pour cette troisième édition, Marie-Héléna Laumuno, auteure, entre autres, de Semeur de sperme, l’autre crime : le cas de la Guadeloupe, Cécilia Larney (Le gwoka de A à Z), Alain Plaisir (La Préférence guadeloupéenne) et Raymond Procès (Extermination) interviendront autour du thème, Dire et écrire pour changer quoi ?
Basse-Terre, hôtel de ville, salon d’honneur. Vendredi 26 août, à partir de 18 heures.

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