Opinion. Si les Haïtiens n’ont pas de projet, aucune intervention ne les aidera

PAR FRANTZ DUVAL

Le 14 août 2023 marquera les deux ans du séisme de 2021 qui avait dévasté les Nippes, le Sud et la Grand’Anse. Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste, donne son point de vue.

Le 14 août 2023 marquera les deux ans du séisme de 2021 qui avait dévasté les Nippes, le Sud et la Grand’Anse. 

Deux ans plus tard, comme le rapportent des articles publiés dans Le Nouvelliste, moins de 25 % des fonds disponibles auprès de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et de la Banque Mondiale (BM) ont pu être engagés. 25 % après 24 mois. L’échec a une image claire. La reconstruction n’est pas au rendez-vous. Pas à cause des problèmes qui l’entravent mais à cause des solutions non inventées. 

Ce qui se passe avec le séisme de 2021 s’était déjà produit avec celui de 2010. Haïti, ses gouvernements, sa société civile, son secteur privé et sa population sont inaptes à enclencher les mécanismes d’un projet national quand le pays se retrouve devant un défi, des besoins, une catastrophe. 

Comme en 2010, pour ne pas remonter aux fonds PetroCaribe et à toutes les assistances accordées au pays le plus pauvre de l’hémisphère, nous patinons. Nous ratons des rendez-vous. Nous sommes incapables de respecter les délais. Infichus de nous plier aux procédures. Le B-A BA qui conduit aux marches du développement dépasse nos capacités de lecture et d’écriture. 

Nous les Haïtiens, ne nous leurrons pas, nous sommes le principal problème d’Haïti. Nous ne pouvons mettre en œuvre ni les mécanismes de l’aide internationale ni convertir les ressources du budget national en projet abouti. 

13 ans après le 12 janvier 2010, la reconstruction du local de l’hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti traîne encore et la gouvernance de la nouvelle institution n’est pas encore conçue. L’Ecole normale supérieure n’a toujours pas une adresse digne de sa mission. La reconstruction de Port-au-Prince a été abandonnée. Les banques et financiers haïtiens n’ont pas pu inventer les produits qui auraient pu convertir les décombres du séisme en pactole et en projets de logement. Rien. Il n’existe même pas un digne monument dédié aux deux cent mille victimes du séisme. 

Pour couronner l’échec de plusieurs générations, il n’existe toujours pas d’institutions solides ni de plans de secours pour la prochaine catastrophe naturelle ni de plan de communication pour y préparer la population. Rien de constructif n’est sorti des ruines de goudougoudou, rien sinon cette musique urbaine qui invite à la fête et au coït pour remplacer les disparus : le rabòday. 

Le grand séisme de 2010 ne nous a pas remis le pied à l’étrier pour reconstruire la capitale ni pour protéger le grand Nord. Le séisme d’août 2021, survenu en province, n’a pas reçu de réponses appropriées. Partout reconstruction et préparation de l’avenir sont en échec. 

De 2010 à aujourd’hui, le pays est sorti des rails de la démocratisation, fait partir la Minustha, remobilisé les Forces Armées d’Haïti (FADH), fait prospérer la misère, laissé libre cours aux gangs et appelle à nouveau à un support international armé pour l’aider à résoudre ses devoirs oubliés. 

Haïti vient de perdre 13 ans faute de plans, de projets communs, de schémas directeurs, de rêves partagés. En ce mois d’août 2023 l’échec collectif a le visage du premier ministre, de son gouvernement, de l’opposition et de la société civile dans ses grandes largeurs. Aucun secteur ne réussit mieux qu’un autre. Tous participent à la course au pire. 

Alors que l’Organisation des Nations Unies s’apprête à se prononcer sur la nécessité d’envoyer de nouvelles forces étrangères en Haïti pour porter assistance aux Haïtiens, il est à craindre que l’absence de leadership et de vision nous entraînent dans les mêmes chemins des occasions perdues. 

Nous n’avons pas faim de sécurité ou de poisson mais de comment apprendre à nous organiser, comment pêcher avec les moyens du bord. En sommes-nous conscients ???

Aucune intervention, dans aucun domaine, ne nous aidera si nous n’avons pas de plans. De logiciels. D’objectifs plus grands que passer les prochains mois. 

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/243883/si-les-haitiens-nont-pas-de-projet-aucune-intervention-ne-les-aidera

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​