Eric Jalton, maire des Abymes et président de Cap Excellence, a écrit une lettre ouverte à Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, demain en visite dans le département.
Monsieur le Ministre,
Votre venue en Guadeloupe intervient à un moment où notre société est profondément éprouvée, traversée par des tensions multiples — sociales, économiques, sécuritaires — qui appellent une action publique cohérente, forte et juste.
La question de l’eau, en apparence technique, cristallise en réalité un sentiment d’injustice et de relégation largement partagé. Coupures quotidiennes, rationnements imprévisibles, absence de perspectives fiables : pour des milliers de familles guadeloupéennes, l’accès à l’eau n’est plus un droit garanti, mais une épreuve quotidienne. Cette situation nourrit un climat anxiogène, accentue les inégalités et fragilise l’autorité
publique.
Depuis la mise en place du SMGEAG, issu de la loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, les promesses d’amélioration n’ont pas été tenues.
La centralisation du service, décidée sans réelle concertation locale, a retiré aux intercommunalités une compétence de proximité essentielle, aggravant les dysfonctionnements au lieu de les corriger.
Je souhaite donc appeler votre attention sur le manque d’eau – au sens du Code de la santé publique – que vivent plus de 100 000 Guadeloupéens depuis plusieurs mois, sans que des mesures alternatives conformes au droit à l’eau soient mises en œuvre.
Ce manque d’eau est une source indéniable de tensions et de violences, dont nous observons la montée dans les familles, dans les quartiers et sur les points de distribution d’eau en bouteilles.
Je me permets donc d’insister, Monsieur le Ministre, pour que la question de l’accès à l’eau — et plus largement de l’accès aux droits — figure en bonne place, à côté des moyens humains, matériels et logistiques nécessaires pour s’attaquer résolument et efficacement aux violences, aux armes à feu, aux drogues et au narcotrafic qui gangrènent notre société et font de la Guadeloupe une plateforme de transbordement de premier rang des drogues vers la France et l’Europe.
C’est pourquoi nous vous appelons, en tant que Ministre de l’Intérieur, à aborder la sécurité dans sa globalité, en considérant l’accès à l’eau, au logement, à l’éducation, à la santé comme des fondements mêmes de la stabilité républicaine.
La paix publique ne se décrète pas : elle se construit sur la justice, l’écoute, et la présence effective des services de l’État aux côtés des collectivités et des citoyens.
Nous sommes prêts à prendre toute notre part dans cette reconstruction de la confiance. Encore faut-il que l’État reconnaisse aussi ses responsabilités et s’engage dans un dialogue sincère, apaisé et courageux sur les voies d’une gouvernance territoriale réhabilitée.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.