Quand l’insécurité menace l’artisan haïtien

Avec la conjoncture actuelle marquée par l’insécurité qui sévit en Haïti, un secteur est de plus en plus menacé : l’artisanat.

Il s’agit d’un ensemble de métiers qui se nourrit de créativité et d’inspiration, mais aussi du tourisme local et international. Invité sur les ondes de Magik 9 le 18 décembre 2025, Blaise Emilien exprime ses craintes quant à l’avenir de l’artisan en Haïti.

La 19e édition de la grand-messe culturelle est prévue pour les 20 et 21 décembre 2025. À cet effet, de nombreux artisans se préparent à y prendre part, venant de différents départements du pays, malgré la conjoncture actuelle.

« Artisanat en fête est une activité que tous les artisans de Jacmel préparent pendant toute l’année, mais avec l’insécurité, et aussi le manque de moyens, les préparations se font au dernier moment », explique l’artisan, qui se dit déjà prêt pour l’événement.

Le parcours de Jacmel à Pétion-Ville, à cause des routes nationales contrôlées par les gangs, est particulièrement pénible. Néanmoins, M. Emilien évoque trois options : prendre des bateaux disponibles à Petit-Goâve, bien qu’il estime que ce parcours soit trop long ; se rendre de Léogâne à un port pour prendre un bateau ; ou encore faire la route à moto en passant par Léogâne et Carrefour. « Cette année, nous devrions être huit artisans de Jacmel, mais en cours de route certains n’étaient pas prêts à cause du manque de moyens ; deux ont dû se désister pour se préparer pour l’année prochaine », précise-t-il.

Jacmel, connue pour l’ingéniosité de ses artisans et considérée comme le bastion du papier mâché, est devenue une véritable cour cloîtrée pour ces derniers en raison de la conjoncture, explique l’artisan. Il n’y a pratiquement plus de va-et-vient. Certains n’ont pas pu vendre un seul produit cette année. Ils ont alors dû chercher d’autres moyens pour vivre durant l’année.

Néanmoins, l’amour de l’art pousse plusieurs d’entre eux à résister, guettant des activités comme l’Artisanat en fête afin d’exposer leurs travaux. Il avance que, malgré cette opportunité, certains estiment n’avoir pas vendu assez, car les dépenses effectuées, notamment le transport, dépassent les recettes.

L’artisanat en Haïti est avant tout, au-delà de l’art, une transmission générationnelle. Néanmoins, pour que cette transmission puisse faire son chemin, il faut que le métier puisse être exercé. Il faut des demandes afin d’augmenter l’offre, mais aussi pour stimuler la créativité. En effet, M. Emilien explique que le fait de travailler quotidiennement augmente la créativité et favorise la transmission.

Les enfants, en voyant leurs pères et leurs proches travailler chaque jour, s’adonnaient automatiquement à l’art du papier mâché ; nul besoin d’école pour enseigner cet art prisé à Jacmel, les ateliers se mettaient naturellement à la tâche.

L’artisan de Jacmel se rappelle également de son propre parcours. Étant élevé au sein d’une famille ou des proches exerçaient ce métier, il l’a appris sur le tas, sans savoir qu’il deviendrait plus tard l’une des références dans le domaine en Haïti. « Nous sommes isolés, nous ne pouvons exercer notre métier et nous sommes sans espoir ; certains ont dû abandonner le métier. Les choses sont difficiles pour ceux qui vivent de ce métier dans le Sud du pays », explique Blaise Emilien.

L’insécurité tue nos artisans, sans compter ceux qui ont migré vers les États-Unis, le Chili et le Brésil ; certains se sont reconvertis dans la maçonnerie. À ce stade, M. Emilien craint une pénurie de main-d’œuvre artisanale si les ateliers ne reprennent pas leur activité normale.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/262718/quand-linsecurite-menace-lartisan-haitien

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De Léogâne à Pétion-Ville, le difficile périple de Lenor Baldomère pour participer à Artisanat en fête

Artisan spécialisé dans la production d’œuvres en pierre taillée, Lenor Baldomère est présent les 20 et 21 décembre à la 19e édition d’Artisanat en fête, chez les Frères de l’Instruction chrétienne.

Comme de nombreux autres artisans attendus à cette grande manifestation culturelle, Lenor Baldomère a dû surmonter d’énormes difficultés pour y prendre part. Quitter Léogâne pour rejoindre Pétion-Ville lui a pris près de trois jours, en raison de l’insécurité, rendant inaccessible certaines routes. Une partie du trajet a même dû être effectuée par bateau.

« À cause des routes bloquées, j’ai été obligé de quitter Léogâne pour aller prendre un bateau à Petit-Goâve à destination de Port-au-Prince. J’ai pris le bateau samedi et je suis arrivé à Port-au-Prince lundi pour déposer mes pièces », a-t-il confié sur les ondes de Magik 9, jeudi 18 décembre. Il regrette que plusieurs autres artisans souhaiteraient, comme lui, faire le déplacement, mais n’y parviennent pas.

Pour transporter ses œuvres, M. Baldomère a dû dépenser environ 100 000 gourdes, alors qu’en temps normal le trajet lui coûterait entre 15 000 et 20 000 gourdes. De Léogâne à Petit-Goâve, il a payé 25 000 gourdes pour acheminer ses marchandises. Une fois au wharf, il a déboursé 35 000 gourdes supplémentaires pour rejoindre Port-au-Prince.

Pour le transport d’autres produits entre Carrefour et Pétion-Ville, un chauffeur lui a exigé 40 000 gourdes, invoquant la présence de neuf postes de péage contrôlés par des bandits le long du trajet.

« C’est un grand sacrifice que je fais pour participer à la foire, reconnaît-il. Mais je suis obligé, car c’est de cela que je vis, moi et ma famille. »

En ce sens, l’artisan invite le public à profiter de cette occasion pour venir acheter les œuvres exposées et ainsi soutenir les artisans locaux.

Présent à Artisanat en fête depuis ses débuts, Lenor Baldomère déplore l’impact de l’insécurité sur le secteur artisanal. « Autrefois, nos clients venaient directement dans nos ateliers. Aujourd’hui, c’est devenu très compliqué. Les routes sont impraticables : les clients ne peuvent plus venir à Léogâne et nous ne pouvons pas non plus livrer nos produits », regrette-t-il.

Cette année, il exposera plusieurs créations en pierre taillée, notamment des bols décoratifs, des fleurs, des œufs, des cœurs, des vases, des jets d’eau et des statues.

Il appelle les participants à soutenir les artisans, soulignant que sans l’appui du public, la production artisanale risque de disparaître. Il a également salué la détermination et la persévérance des organisateurs d’Artisanat en fête, qui maintiennent l’événement malgré un contexte sécuritaire particulièrement difficile.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/262714/de-leogane-a-petion-ville-le-difficile-periple-de-lenor-baldomere-pour-participer-a-artisanat-en-fete

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