À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, L’Observatoire B2V des Mémoires alerte sur l’impact encore trop méconnu du tabagisme sur la mémoire.
Si les conséquences respiratoires et cardiovasculaires du tabagisme sont bien documentées, l’impact sur la mémoire et sur le cerveau dans l’installation et la persistance de la dépendance reste largement sous-estimé. « Or, comprendre les mécanismes cérébraux qui sous-tendent l’addiction pourrait bien ouvrir de nouvelles pistes pour mieux la prévenir… et la traiter », selon les experts de L’Observatoire B2V des Mémoires.
Fumer laisse une trace… dans la mémoire
Quand on parle des effets du tabac, on pense cancer, cœur ou poumons. Mais peu savent que la cigarette impacte aussi directement les capacités cognitives. Des études menées chez des adultes de 50 à 60 ans montrent une baisse marquée de la mémoire et du raisonnement chez les fumeurs – en particulier les hommes – avec un risque accru de maladie d’Alzheimer (+14 %).
Des travaux d’imagerie cérébrale confirment que la consommation de tabac accélère la perte de volume de l’hippocampe (siège de la mémoire déclarative), réduit l’épaisseur du cortex, et altère la substance grise.
Le cerveau, le moteur de l’addiction
L’addiction n’est pas juste une mauvaise habitude, c’est une véritable maladie chronique qui repose en partie sur la façon dont le cerveau encode et stocke les souvenirs de plaisir. À chaque consommation, la nicotine déclenche un shoot de dopamine, renforçant les connexions entre l’acte et la sensation agréable. Résultat : la mémoire enregistre cette récompense. Elle devient un allié involontaire de l’addiction. Plus encore, elle retient les contextes : la pause-café, une soirée entre amis, une émotion forte… Tous ces éléments, une fois associés à la cigarette, peuvent suffire à raviver l’envie. C’est ce qu’on appelle le craving. Même après des mois d’abstinence, une simple odeur peut tout faire basculer. La mémoire devient comme un allié… de l’addiction.
Les émotions en ligne directe
Le cerveau ne se contente pas d’enregistrer des gestes ou des routines : il grave aussi les émotions qui les accompagnent. Or, les consommations addictives s’ancrent souvent dans une tentative d’apaisement face au stress, à l’anxiété ou à un mal-être diffus. Très vite, la substance devient associée à un soulagement – même temporaire – et cette association émotionnelle agit comme un puissant déclencheur.
Chez certaines personnes, une difficulté à identifier ou à réguler les émotions négatives renforce encore ce mécanisme, rendant les rechutes plus probables. On fume pour aller mieux, mais on alimente sans le savoir une boucle où mal-être et dépendance se renforcent mutuellement.
Les effets du tabac sur la mémoire des enfants
On sait que les enfants des mères qui ont fumé pendant leur grossesse présentent des risques plus importants de troubles cognitifs incluant des déficits de mémoire. Des études menées chez le rongeur montrent aussi que des rats exposés avant leur naissance à des niveaux de nicotine plasmatique comparables à ceux des mères qui fument pendant leur grossesse présentent ultérieurement des déficits d’apprentissage et de mémoire – notamment spatiale – mettant en jeu l’hippocampe qui joue un rôle essentiel pour la mémoire, notamment pour le stockage et le rappel des souvenirs.
Changer la donne : reprendre le contrôle sur la mémoire
La bonne nouvelle, c’est que le cerveau a une incroyable capacité de réadaptation. Il est possible de « rééduquer » la mémoire et les circuits neuronaux perturbés par les addictions. Des thérapies cognitives et comportementales permettent de neutraliser les déclencheurs, d’atténuer les souvenirs associés à la consommation, et d’ancrer de nouvelles habitudes. Chez les anciens fumeurs ayant arrêté depuis plus de 10 ans, les capacités cognitives redeviennent comparables à celles des non-fumeurs.