Tribune libre. Le pape est créole : une révélation historique enracinée dans l’héritage culturel profond de la Louisiane

PAR ALEX DAPAUL LEE*

Oui, c’est vrai, le pape Léon XIV, né Robert Francis Prevost, O.S.A., le 14 septembre 1955, à Chicago, Illinois, est d’origine créole de Louisiane.

En tant qu’historien et généalogiste, j’ai toujours souligné à quel point la tradition catholique de la tenue des dossiers détaillés est vitale pour tracer les ancêtres.

Aussi l’importance des lignées matrilinéaires. L’histoire familiale du pape Léon XIV en est un exemple remarquable, une histoire profondément enracinée qui lie la Louisiane, Haïti, l’Espagne, la France et le monde créole au sens large. Bien que Prevost ait attiré beaucoup de Créoles de Louisiane à remettre en question sa connexion, c’est en fait à travers sa lignée maternelle qu’il a documenté des liens avec la communauté créole de Louisiane.

Sa mère, Mildred Agnes Martinez, est née le 30 décembre 1911, à Chicago, Illinois, et est décédée le 18 juin 1990. Elle a épousé Louis M. Prevost le 25 janvier 1949, dans le comté de Cook, Illinois (Licence de mariage #2069185). Lors du recensement américain de 1930, Mildred est classée comme blanche, avec son père né à Saint-Domingue (historiquement compris comme Saint-Domingue ou Haïti moderne) et sa mère née en Louisiane.

Comme beaucoup de familles créoles, les dénominations raciales ont changé dans les dossiers, du blanc au noir au mulâtres, selon le magnétophone, le lieu ou l’époque. C’est un phénomène bien documenté dans la généalogie créole de Louisiane. Par exemple, sa tante maternelle, Margaret Martinez, a été enregistrée comme noire quand elle est née à la Nouvelle-Orléans, le 24 mai 1898, de Joseph N. Martinez et Louise Baquié.

Lors du recensement de 1900, son grand-père maternel Joseph, sa femme Louise et leurs enfants étaient classés comme noirs, vivant dans le 7th Ward de la Nouvelle-Orléans, un quartier connu pour sa riche histoire créole. Joseph, un fabricant de cigares, a indiqué que son lieu de naissance était Hayti (Haïti) et ses deux parents étaient nés en Louisiane, renforçant ainsi davantage les liens entre la Louisiane et les Caraïbes. Louise a rapporté que ses deux parents sont nés en Louisiane également, ce qui l’attache à plusieurs générations nées dans l’État.

La grand-mère maternelle du pape, Louise Baquié, est issue d’une famille créole de Louisiane établie de longue date. Le recensement de 1870 la place à la Nouvelle-Orléans avec ses parents, Ferdinand Baquié, un cordonnier, et Eugenie Baquié, née Grandbois, née vers 1841 à la Nouvelle-Orléans.

Dans une succession déposée le 23 mars 1909 au tribunal civil de la paroisse d’Orléans (n° 890895), Louise Baquié est nommée fille de Ferdinand et Eugénie. Les registres de succession montrent que la propriété familiale dans le troisième district de la Nouvelle-Orléans, située sur O’Reilley Street, d’une valeur de 1 250 $, un bien important à l’époque.

Du côté de son père, Louis Lanti Omarius Prevost est né à Chicago de Jean Lanti Prevost, avec des racines qui s’étendent sur les territoires français historiques de la Louisiane. Le nom de famille Prevost/Provost est profondément lié aux premières familles créoles de Louisiane car ce qui a intrigué tant d’entre nous Créoles de Louisiane que c’est le nom de famille qui apparaît souvent dans les familles créoles de Louisiane, en particulier dans le sud-ouest de la Louisiane.

Voici maintenant un petit contexte historique où il est natif de l’Illinois !!!! Saviez-vous que ça faisait partie du territoire de la Louisiane ? Bien que la famille immédiate Prevost du pape Léon XIV ait émigré d’ailleurs au cours des dernières générations, il reste historiquement significatif qu’ils aient eu une famille Provost qui a été établie à Kaskaskia dans les années 1700, pendant l’ère coloniale française. Bien qu’il n’y ait pas de relation directe confirmée, la présence du même nom de famille dans la région où il est né est plutôt ironique. Les lieux de naissance de ses ancêtres lie la migration créole de Louisiane à ses territoires les plus éloignés.

Le grand-père maternel du pape Léon XIV, Joseph N. Martinez, était inscrit comme blanc sur son certificat de décès. Il est né en Haïti, dans les Antilles, le fils de Jacques Martinez (également listé comme Theodore Martinez selon son certificat de décès), né en Espagne et d’une mère originaire de la Nouvelle-Orléans. Il travaillait comme fabricant de cigares, un commerce commun entre les Créoles dans des centres urbains comme la Nouvelle-Orléans et Chicago.

En regardant les Martinez au début du recensement, selon le recensement de 1870, ils étaient également classés comme mulâtres. Ce que j’ai trouvé significatif, c’est que les enfants de Jacque, Michel, Girard, Adèle et Norval, le grand-père du pape, étaient tous inscrits à l’école, ce qui reflète l’accent mis sur l’éducation catholique et l’alphabétisation au sein des familles créoles

Cette identité créole, profondément ancrée dans le catholicisme, le multilinguisme et l’héritage afro-français-caraïbes, a longtemps été façonnée par la relation unique entre la Louisiane et Haïti. Il y avait beaucoup de familles en Louisiane qui ont des origines familiales en Haïti.

Pendant la révolution haïtienne (1791-1804), des milliers de réfugiés, dont des personnes libres de couleur, se sont enfuis en Louisiane, enrichissant de façon spectaculaire sa culture créole. Plus tard, pendant la guerre civile américaine, de nombreux Créoles de couleur en Louisiane, confrontés à l’hostilité raciale et à la répression légale, ont choisi de migrer vers Haïti, où la gouvernance noire et le catholicisme ont fourni un sentiment d’autonomie et d’identité.

Cette migration bidirectionnelle a contribué à définir un monde créole transatlantique qui vit dans des familles comme le pape Léon XIV, un monde construit sur la langue, la foi et les similitudes culturelles partagées. Il y a donc plusieurs Pierre dans les familles créoles de Louisiane tout comme c’est très commun chez les Haïtiens.

Une autre ligne importante de l’héritage du pape Léon XIV est la famille Lemelle. Son arrière arrière grand-mère maternelle, Celeste Lemelle. Elle était la mère de Ferdinand David Baquié, née le 10 octobre 1837, à La Nouvelle-Orléans, Louisiane. Lors du recensement de 1870, il a été classé mulâtre et en 1880, classé blanc, mettant à nouveau en évidence la fluidité raciale à laquelle font face de nombreuses familles créoles d’ascendance mixte.

Les Lemelle descendent de François Lemelle, père, immigré d’origine française et l’un des premiers boulangers commerciaux de la Nouvelle-Orléans, opérant sous le nom de « Bellegarde » à l’angle des rues St. Ann et Chartres dans les années 1700. Son fils, François Lemelle, fils, est l’ancêtre de la bande d’Opelousas qui a servi comme lieutenant de milice au poste d’Opelousas, c’est là que la connexion d’Opelousas intervient. Bien que les Lemelle soient originaires de la Nouvelle-Orléans, ils ont fait déménager plus de membres de la famille à Opelousas que n’importe où ailleurs. Il y avait autrefois un endroit appelé Lemelle’s atterrissage près de Washington, en Louisiane.

Ce qui est particulièrement significatif, c’est sa relation avec Marie Jeanne Davion, une femme libre de couleur (mulatresse libre) avec qui il a eu six enfants. Ils vivaient ensemble, et leurs enfants ont été baptisés et soutenus par ses enfants blancs légitimes et leurs demi-frères et sœurs mixtes, montrant l’intermêlement profond des familles à travers les lignes raciales en Louisiane coloniale comme le montre cette entrée catholique : Lemelle, Francois Narcisse – [le disque n’indique en fait que « Francois Narcisse »] (« hijo naturel de » [fils naturel de] Francisco Lemelle & Maria Juana – « mulata que vive en su casa » [mulatto qui vit dans sa maison]]) b. 8 août 1785; bt. 1er novembre 1785 Spons : François & Julie – « quarterons libres, hermanos de la Bautizado » [tous deux quatroons libres, frère et sœur des baptisés]. Fr. Joseph de Arazena (Opel. Ch.: v. 1-A, p. 53).

La famille Lemelle était parmi les créoles de couleur les plus riches de la paroisse Saint Landry et mariée avec d’autres familles d’élite, dont les Bello, descendants de l’officier militaire italien Donato Bello. Ces puissantes alliances ont créé une classe de propriétaires fonciers de créoles mixtes qui ont contribué à façonner l’histoire antebellum de la Louisiane.

Aujourd’hui, les descendants de Lemelle sont par milliers et couvrent toutes les identités raciales. Ils embrassent fièrement leur histoire et comptent maintenant parmi eux un pape.

Le pape Léon XIV est maintenant le premier pape né aux États-Unis, et son histoire est l’histoire de l’Amérique créole, superposée, complexe, multilingue et multiraciale. Il est un témoignage vivant du mélange culturel qui a défini la Louisiane à partir de ses influences fondatrices, françaises, espagnoles, africaines, haïtiennes et indigènes, toutes convergentes dans une riche identité créole.

Son ascension n’est pas seulement une étape religieuse, c’est une affirmation historique. À l’heure où l’identité et l’héritage raciaux sont réexaminés, les ancêtres documentés du pape Léon XIV, dont les racines noires, espagnoles et créoles de Louisiane, réclament une vision plus inclusive de ce que signifie être américain, catholique et mondial. C’est plus que de la généalogie. C’est l’héritage. Les ancêtres du pape Léon XIV comprennent des Français, des immigrés espagnols, des gens libres de couleur, des boulangers, des propriétaires terriens et des fidèles catholiques. Leurs histoires, conservées dans les dossiers, les recensements et les sacrements, convergent en un seul homme qui dirige maintenant l’Église catholique.

Un homme dont les racines s’étendent de la Nouvelle-Orléans à Haïti, des ancêtres espagnols aux familles libérées de l’esclavage, se tient maintenant à la tête de plus d’un milliard de catholiques. Son héritage est la preuve que l’histoire créole n’est pas une note de bas de page, elle est fondamentale.

Nous ne faisons pas seulement partie de l’histoire, nous la façonnons.

Et que cela soit clair, personne n’a besoin de suggérer que la famille du pape Léon XIV est « passée » comme blanche. Ce récit n’est pas seulement inutile, mais il déforme aussi la vérité d’une famille qui, comme beaucoup d’autres, s’est simplement assimilée à la société dans laquelle elle vivait. Assimilation, migration, identité, cela font partie de l’expérience humaine universelle.

Lorsque nous regardons au-delà des lentilles étroites de la race et des constructions sociales, nous commençons à voir le tableau complet, que la vie est plus que de la couleur, et que cette peau est simplement la teinte de la génétique, pas la somme de qui nous sommes. L’histoire du pape Léon XIV n’est pas sur le passage, mais sur l’appartenance, la foi et les riches intersections culturelles qui ont façonné sa lignée, et maintenant, sa papauté.

*Alex DaPaul Lee est historien et généalogiste

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