VOLET 2 Inceste : des procédures judiciaires complexes

Dans le premier volet de ce dossier, Errol Nuissier, psychologue, montrait comment l’inceste était fréquent sous nos latitudes, sociétés traumatisées par la colonisation. Dans ce deuxième volet, Me Sandra Divialle-Gélas, présidente de l’union des jeunes avocats, expose le volet judiciaire de la procédure.

Quand une victime d’inceste décide de porter plainte contre son bourreau, elle s’engage dans une procédure judiciaire complexe due à l’unicité du crime reproché. En outre, beaucoup de victimes engagent des procédures de nombreuses années après les faits.

Les cas d’incestes sont compliqués à amener en justice pour de nombreuses raisons. Premièrement, il s’agit majoritairement de viols ou attouchements sexuels sur mineur commis par un ascendant. La victime, comme prise au piège dans son entourage familial, n’a pas toujours les ressources d’amener l’affaire à l’attention de la justice.

L’enfant se confie…

Me Divialle-Gélas rappelle que la victime a trente ans à partir de sa majorité sur déposer plainte.

Souvent, l’enfant victime d’inceste fait une confidence à un adulte de confiance, une personne de son école (une assistante sociale ou un professeur), ou a un parent proche. Cette personne est souvent la personne qui dénonce les faits et saisit le procureur de la République.

« Une enquête est alors ouverte par le parquet afin d’interroger l’entourage de la victime, ses parents, afin de déterminer s’il y a d’autres victimes et surtout pour appréhender la personne à qui on reproche ces faits pour pouvoir l’entendre », explique l’avocate Sandra Divialle-Gélas, présidente de l’union des jeunes avocats.

Des peines
trop légères ?

Le viol sur mineur commis par un ascendant est un facteur aggravant, il est puni d’une peine maximale de 20 ans de prison. Cependant, les peines sont parfois jugées trop légères, compte tenu du crime et de sa gravité. L’une des raisons est le déroulement du procès. Dans la prononciation de sa peine, la Cour d’assises va prendre en compte la gravité de l’infraction, les circonstances dans lesquelles l’infraction s’est déroulée et la personnalité de l’accusé. Si l’accusé est une personne qui a commis son premier crime, qui présente des remords, qui demande l’amende honorable à la Cour, qui s’est réinséré dans la société la peine pourrait être moins lourde que celle d’un récidiviste ou que celle réservée à quelqu’un qui a plusieurs affaires similaires à son encontre.

La prescription,
une donnée importante

Lorsqu’une personne est victime d’une infraction pénale, elle dispose d’un délai pour apporter l’affaire devant la justice. La procédure est prévue par le code pénal. Dans les affaires de viol, la prescription est de 20 ans. Dans les cas de viols incestueux la prescription est de 30 ans. En clair, la victime dispose de 30 ans pour porter plainte contre son agresseur. Au-delà de ce délai, les crimes sont « prescrits », l’agresseur ne peut plus être poursuivi pour les crimes. En ce qui concerne l’inceste, le délai de prescription ne commence pas dès l’infraction pénale, mais à la majorité de la victime.

« Quand la personne est mineure, elle ne peut pas porter l’affaire devant le procureur, ce sont toujours ses parents ou son tuteur qui peuvent le faire. Le législateur ne voulant pas punir un enfant qui n’a pas pu agir dans les délais parce que ses parents ou son tuteur n’ont pas fait le nécessaire, a prévu que le délai de prescription commence à partir de la majorité de la victime dans le cas d’un viol incestueux sur mineur. La personne a donc jusqu’à ses 48 ans pour porter l’affaire devant le procureur de la République », ajoute Me Sandra Divialle-Gélas.

Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a récemment proposé de modifier cette prescription dans les cas de viols qui pourraient s’appliquer aux viols incestueux. « Par exemple, dans le cas où une personne A a 50 ans lorsqu’elle porte plainte, mais l’accusé à d’autres affaires similaires non prescrites, le garde des Sceaux propose de lever la prescription de la personne A et lui permettre de rejoindre les plaintes auxquelles l’accusé fait face. Parce qu’il y a d’autres victimes pour lesquelles les faits ne sont pas prescrits, sa plainte est recevable même plus de trente ans après sa majorité ».

Tafari TIROLIEN

Démontrer la faute

La plus grande difficulté dans les affaires d’inceste est de démontrer qu’il y a eu viol ou attouchement sexuel. Souvent, les faits se sont déroulés de nombreuses années auparavant, les avocats ne peuvent donc pas compter sur des preuves tangibles qui ont déjà disparues avec le temps. « Quand la victime à 5 ou 6 ans au moment des faits ce n’est pas un problème, mais quand la victime à 15 ou 16 ans, il faut démontrer la surprise, ou la contrainte, ce sont des critères à caractériser. Il faut prouver l’absence de consentement », explique Sandra Divialle-Gélas.

Les avocats insistent alors sur les détails autour de l’agression ou du viol. Ces détails peuvent aller aux vêtements que l’agresseur portait, jusqu’à ce que la victime faisait avant ou après l’agression. Ces détails permettent de crédibiliser la version de la victime. « Il arrive souvent, mais très souvent que la personne accusée, quand elle voit la douleur qu’elle a infligé, surtout des années après, va admettre avoir commis les faits », expose Sandra Divialle-Gélas.

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