Le séminaire dédié au Service public de la petite enfance, organisé par la CAF de Guadeloupe et Saint-Martin, avec des experts locaux et nationaux, a été l’occasion pour Gaëlle Choquer-Marchand, directrice déléguée en charge des politiques familiales et sociales à la Caisse nationale des Allocations familiales (CNAF) de rappeler pourquoi chaque famille doit disposer d’une solution d’accueil adapté à ses besoins.
Quels sont les impacts du stress sur l’enfant à naître ?
Gaëlle Choquer-Marchand, directrice déléguée à la CNAF : La connaissance scientifique sur ces questions a énormément évolué. Des données mettent en évidence que, dès la gestation, le stress de la maman est perçu par le bébé. Le développement physiologique de l’enfant prend en compte cette réalité et génère des mécanismes de protection de la part de l’enfant qui vont influer sur son développement neuronal, hormonal et sa construction en tant qu’individu.
Des travaux scientifiques menés à l’échelle internationale démontrent qu’un enfant qui, soit pendant la grossesse, soit pendant ses premières années de vie, a été confronté à un environnement stressant, pas suffisamment sécurisé, en gardera des conséquences.
Lesquelles ?
Ces conséquences peuvent être psycho-sociales, un retard langagier qui va impacter sa réussite scolaire, une plus grande difficulté à entrer en relation avec les autres, ce qui peut amener à des comportements de défense, d’agressivité… Les recherches mettent en évidence que ces enfants ont davantage de risques de cancers, d’addictions, de suicide… Ce qui se joue pendant la grossesse de la maman et pendant les premiers mois de naissance de l’enfant sont extrêmement cruciaux sur toutes les dimensions de ce que sera cet individu jusqu’à la fin de sa vie.
Du stress, il y en a toujours, même dans l’environnement le plus heureux, mais il s’agit spécifiquement de situations où les conditions de vie sont très dégradées.
Quelles solutions peuvent être envisagées ?
Tant pour les parents que pour les enfants, il y a un enjeu à accompagner. Si la maman ou les parents ont des difficultés, il faut qu’on puisse apporter de la sécurité à l’enfant, notamment grâce aux professionnels de la petite enfance dans les crèches.
D’où l’intérêt de mobiliser les collectivités locales pour que chacune offre un espace de garde aux familles.
Souvent, certains parents dans le besoin se marginalisent…
En effet, il faut qu’il y ait des services pour les parents, quelle que soit leur situation. Mais, il faut aussi que les parents sachent que ces services existent et osent passer le pas de la porte. Il y a à la fois un enjeu de développement, d’information et d’accompagnement.
Au-delà de la petite enfance, un professionnel de santé peut aussi être un relais pour orienter une maman vers les structures ou associations qui pourront l’aider. C’est bien plus large que la petite enfance.
Investir dans la petite enfance est plus que jamais une nécessité ?
Oui. On a souvent pensé l’accueil du jeune enfant comme un moyen de faciliter l’activité des femmes dans l’emploi et on se rend que cela joue sur beaucoup d’autres aspects. Il est d’autant plus pertinent d’investir dans ces secteurs. La petite enfance a aussi des effets sur l’économie, la société et la santé.
Les travaux scientifiques ont montré que, même si des parents souhaitent garder leur enfant jusqu’à ses 3 ans, il est recommandé qu’il aille, de temps en temps, dans un accueil collectif, dans un espace Parent/Enfant, pour lui apporter des éléments supplémentaires, pour qu’il se prépare à l’entrée en Maternelle. Chaque famille étant différente : il faut être capable de répondre aux besoins de chacune.
Dans ce chantier au long cours, comment appréciez-vous la situation en Guadeloupe ?

La Guadeloupe ne part pas de rien. On aborde souvent l’accueil du jeune enfant par le taux de couverture en évaluant le nombre de solutions d’accueil par rapport au nombre d’enfants de moins de 3 ans. Pour la France entière, il y a 60 solutions pour 100 enfants, il y en a 48 en Guadeloupe pour 100 enfants. On peut se dire qu’il y a du retard par rapport à la moyenne nationale, mais d’autres territoires sont bien plus en retard ! En Guadeloupe, les acteurs sont déjà mobilisés.
D’autre part, on trouve, en Guadeloupe, les différents types de services qui peuvent être proposés : accueil individuel, accueil collectif… Cette diversité contribue à offrir une réponse plus adaptée aux familles qui n’ont pas toutes les mêmes besoins. C’est un point important.
Ensuite, en Guadeloupe, il y a une très forte mobilisation partenariale, ce qui est une chance ! Là où, dans d’autres territoires, les échelles administratives sont différentes, en Guadeloupe, il y a le Département et la Région avec les acteurs du social et les acteurs de la formation, de l’emploi, les crédits de l’Union européenne mobilisables à la même échelle administrative. C’est un facteur de facilitation des coopérations.
Enfin, ce qui m’a frappée en Guadeloupe, c’est ce lien entre l’accueil du jeune enfant et l’accompagnement à la parentalité qui est déjà une réalité : c’est un énorme avantage.
Venir en Guadeloupe permet d’observer ce qui se fait et d’alimenter les réflexions nationales sur ces sujets.
Aujourd’hui, il faut, dans un premier temps, accompagner les cinq communes qui n’ont pas encore de solutions d’accueil. Les actions liées à la petite enfance se construisent dans le temps, nécessitent des financements, de la coordination avec les acteurs. Il faut aussi que les familles aient confiance dans les offres d’accueil et tout cela prend du temps. Il faut arriver à rythmer l’action que certaines étapes se fassent dès maintenant, tout en pensant à ce qui nécessitera un temps plus long pour aboutir.
Propos recueillis par Cécilia Larney