Auteure de l’album jeunesse à succès, Comme un million de papillons noirs, Laura Nsafou présente son nouveau roman, Ecrire avant l’aube : Toni Morrison, publié chez Albin-Michel, en Guadeloupe, du 13 au 17 novembre, avec l’association Les Pacotilleuses.
Vous êtes attendue en Guadeloupe pour une tournée. Qu’est-ce que ce nouveau séjour dans l’archipel aura de particulier ?
Laura Nsafou, auteure : Je trouve important d’avoir l’occasion de présenter mon travail sur ces territoires, qui ne sont pas forcément accessibles par nos maisons d’édition, d’amener des conversations culturelles sur ces territoires. Et aussi, parce que, depuis plus de 10 ans, je travaille sur des questions de représentation en littérature jeunesse ou adulte, ce qui m’amène à traiter des questions diasporiques. Enfin, faire le lien avec les territoires de la Caraïbe, pour moi qui suis aussi Caribéenne par ma mère, Martiniquaise, cela me permet de « boucler la boucle » !
Qu’y aura-t-il au programme en Guadeloupe ?
Comme j’ai un catalogue qui est à la fois destiné aux enfants, aux adultes et aux adolescents, je m’adresserai à différents publics, notamment les adolescents pour promouvoir la lecture auprès de cette génération.
En présentant l’aspect roman biographique avec la trajectoire de Toni Morrison, et ce que cela signifie de raconter des histoires de femmes afro-descendantes aujourd’hui en 2025, alors qu’elles sont encore peu connues. On connaît les romans de Toni Morrison, mais pas sa personne, y compris dans le monde anglophone. Parmi les rencontres qui sont programmées, il y aura des lectures pour enfants, des interventions dans des classes pour montrer l’accessibilité à la profession d’auteur.e : comment fait-on un livre ? À qui on s’adresse ? Comment on présente un projet ? Tout cela pour montrer qu’il est possible d’avoir une carrière d’auteur.e.



Ces échanges avec le public des Antilles nourrissent votre réflexion ?
Complètement ! Surtout avec les jeunes parce qu’on est facilement « déconnecté » de ce qui se joue pour eux. Pourquoi ils abandonnent la lecture ? Quelles histoires ils aimeraient lire… En tant qu’auteur, on n’a pas souvent l’occasion d’entendre quels imaginaires manquent à cette génération, ce qui les intéresse. Pour les adultes, particulièrement dans nos communautés, je pense qu’il y a une forme de timidité vis-à-vis du monde littéraire. Souvent, jeunes ou adultes n’osent pas demander comment on fait un livre, alors qu’il faut oser ! Le monde de l’édition est vraiment cloisonné, avec ses codes.
Sur la question de la représentativité, les mentalités ont-elles évolué, selon vous ?
Quand l’album jeunesse, Comme un million de papillons noirs est sorti, il y a plus de 7 ans, une conversation est née dans l’Hexagone sur la nécessité de représenter tous les enfants parce que je m’intéresse à la représentation des Afro-descendants. Mais, sur la question du handicap, il y a encore plein d’enfants absents de la littérature. Il y a eu une marge d’amélioration très faible de quelques pourcents qu’on peut observer. Les statistiques de la production littéraire américaine permettent d’avoir une petite projection de ce qui se passe en France. Mais, ce qu’on observe aussi, c’est qu’il y a un essoufflement et une baisse des publications mettant en avant des personnages principaux noirs…
C’était une tendance ?

Oui, mais ce qui est rassurant, en revanche, c’est que l’offre en autopublication contre cette baisse : il y a une vraie proposition littéraire qui continue de grandir. Le fait qu’on ait beaucoup d’œuvres, comme celle de l’auteur guadeloupéen, Joshua Servier, en autopublication et qui a rejoint le circuit éditorial traditionnel, montre que l’industrie du livre sera forcée de se pencher sur les succès auto-publiés.
Votre nouveau livre, le 14e, sorti le 15 octobre, vous a permis de retrouver l’une de vos sources d’inspiration : Toni Morrison…
C’est une auteure que je suis depuis mes 15 ans ! Elle m’a toujours passionnée, inspirée et donner la force de continuer face aux discriminations de l’industrie du livre. Ma maison d’édition a une collection dédiée aux biographies romancées, Toni Morrison était dans la liste : c’était l’occasion.
Ce travail de recherche était incroyable : se confronter à des sources qui ne sont pas forcément accessibles, j’ai pu consulter les archives du FBI, me rendre à Princeton, où Toni Morrison a légué ses archives personnelles et professionnelles, lire le courrier personnel de Toni Morrison et de sa famille. C’était vraiment une écriture très particulière qui a révélé la personne par rapport au monument littéraire qu’on connait et a aussi permis de dévoiler certains aspects de la réécriture de Toni Morrison.
Lesquels ?
Souvent, les préfaces où elle se livrait sur les raisons qui l’ont amenée à écrire un livre et les difficultés, les discriminations qu’elle a subies dans les années 1970, n’étaient pas traduites en français.
J’ai aussi été frappée, quand je suis partie aux Etats-Unis, pour un séjour de recherche de constater que Toni Morrison devient un sujet d’étude à l’université, mais il n’y a pas d’exposition sur elle, comme on peut en voir sur Maya Angelou ou James Baldwin. Même des lycéens américains que j’ai interrogés ne la connaissaient pas. Toni Morrison reste dans un cadre académique qui n’a pas encore su l’amener au grand public. En cela, ce livre, Ecrire avant l’aube, est important à partager.
Le titre, Ecrire avant l’aube, qu’est-ce qui vous l’a inspiré ?
Le titre est tiré d’une citation de Toni Morrison. Dans une interview donnée en 1993, elle explique qu’en tant que mère célibataire, elle était obligée d’écrire « avant l’aube », avant le réveil de ses garçons.
Entretien : Cécilia Larney
Où retrouver Laura Nsafou ?

À l’initiative de Malika Bellony, fondatrice de l’association Les Pacotilleuses, Laura Nsafou animera une masterclass d’auteur, rencontrera les étudiants de prépa Lettres à Gerville-Réache (Basse-Terre), des seniors pour un atelier d’écriture. Pour le grand public, trois rendez-vous sont au programme :
- Basse-Terre, Maison du patrimoine : vendredi 14 novembre, à 19 heures.
- Le Moule, médiathèque : samedi 15 novembre, à 9 h 30.
- Baie-Mahault, Jabrun, Boutique de la presse : samedi 15 novembre, à 15 heures.























