Après les Journées annuelles des managers hospitaliers de Guadeloupe, Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération Hospitalière de France, a participé, en Martinique, au séminaire sur la Responsabilité populationnelle. Ce dispositif de la Fédération Hospitalière de France, qui améliore la prise en charge des patients grâce à une meilleure coordination des professionnels de santé, sera déployé en Martinique, pour la première fois en Outre-Mer.
Quel a été le sens de votre intervention face aux managers hospitaliers de Guadeloupe, Guyane et Martinique, réunis les 20 et 21 novembre, en Guadeloupe, autour du thème, La santé dans la cité ?

Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération Hospitalière de France : Pour moi, c’était une première et j’y ai pris un immense plaisir. À la fois, parce que ces Journées prennent tout leur sens avec le thème La santé dans la cité et aussi parce que la santé est le ciment de notre démocratie : il n’y a rien de plus injuste que de ne pas pouvoir maintenir un patient en bonne santé. Au moment où l’on observe certaines fragilités dans notre démocratie, faire santé, c’est faire société.
La thématique choisie pour les Journées annuelles des managers hospitaliers de Guadeloupe est extrêmement pertinente. Elle est d’actualité car elle porte un message d’espoir et de confiance dont on devrait pouvoir s’inspirer vraiment. La santé est un moteur de cohésion, de confiance, d’appartenance, d’émancipation.
C’était aussi l’occasion de rappeler aux managers hospitaliers guadeloupéens, martiniquais, guyanais…, qu’ils sont un maillon essentiel et incontournable de l’organisation et du fonctionnement des soins à l’hôpital et dans le champ médico-social. Chaque jour, ce sont les managers qui s’assurent que les organisations sont bien en place, que les aléas du quotidien sont réglés. C’est une mission H24 et 7/7J. Sans eux, la chaîne du soin ne tient pas. Elle est importante partout, et particulièrement dans les territoires ultramarins.
Pourquoi ?
Les territoires ultramarins font face à des inégalités en santé, à une hausse des maladies chroniques, à un vieillissement de la population… Ces contraintes supplémentaires pèsent à la fois en termes de charge mentale et imposent aux équipes soignantes et aux managers de les prendre en considération.
Le contexte d’exercice des managers de santé est plus compliqué en Outre-Mer. Ce contexte, très spécifique, lié notamment à l’insularité, oblige aussi les managers à faire preuve d’ingéniosité, à développer une capacité assez exceptionnelle d’innovation, d’agilité et de résilience. C’est fondamental et très inspirant.
Secteur essentiel, la santé manque cruellement de moyens…
Oui. La santé est la deuxième préoccupation des Français en 2025. Mais, quand on parle de la santé qui est « sacrifiée », c’est l’hôpital public et les structures médico-sociales publiques qui pâtissent des décisions.

Depuis trois ans, la Fédération Hospitalière de France appelle à une Loi de programmation en santé. Il y a une Loi de programmation pour la Justice, une autre pour la Défense, une autre pour l’Intérieur.
Pour faire bouger les choses, nous avons rédigé une Loi de programmation en santé, le seul secteur qui est régulé et qui pèse uniquement sur l’hôpital public ! Dans les Outre-Mer, par exemple, 85 % des prises en charge aux Urgences sont assurées par l’hôpital public.
On constate qu’au-delà de la pression qu’on met sur les hôpitaux publics, l’égalité de l’accès aux soins se dégrade. On ne forme pas assez de médecins dans les disciplines dont on a besoin : on manque de psychiatres, de gériatres, de gynécologues-obstétriciens. Ce qui pose de gros problèmes, y compris dans les territoires d’Outre-Mer où en plus se pose la question de les former sur place.
Si on ne veut pas fragiliser encore plus notre démocratie, il va falloir y répondre.
Lors de votre passage aux Antilles, vous avez également assisté à un séminaire sur la Responsabilité populationnelle dont la Martinique sera le premier territoire d’Outre-Mer à bénéficier. En quoi consiste ce dispositif déployé par la Fédération Hospitalière de France ?
La thématique des Journées annuelles des managers de Guadeloupe était particulièrement intéressante parce qu’elle permet de penser la santé dans la cité, hors les murs. Le sujet, c’est d’éviter l’hospitalisation. Aujourd’hui, on sait qu’on peut éviter l’hospitalisation, maintenir en santé, éviter certaines complications.
Il faut penser une santé construite avec et pour les habitants. Si on veut maintenir en santé les populations, il faut sortir d’un système curatif pour être dans un système préventif et cela ne peut se faire qu’en y associant les patients. Il faut aussi une action avec tous les acteurs parce que la question du soin s’entend avant, pendant et après le soin. Il faut une articulation avec la prévention, le logement, l’éducation, la culture, l’emploi et la solidarité. C’est ainsi qu’on allègera la charge sur les établissements et surtout, qu’on arrivera à maintenir en santé les populations.

Avec la Responsabilité populationnelle, le dispositif que nous avons initié en Martinique permet aux professionnels de santé, qu’ils exercent à l’hôpital ou en ville, de travailler ensemble autour de programmes cliniques. L’objectif, c’est de mieux dépister, par exemple, les personnes souffrant du diabète de type 2 et d’éviter les complications. La Martinique est le premier territoire ultramarin à le mettre en place.
Quel bilan sur les territoires où la Responsabilité populationnelle a été mise en œuvre ?
Dans l’Hexagone, la Responsabilité populationnelle a été déployée sur 6 territoires. En 4 ans, on a constaté :
- une chute des amputations, l’une des complications courantes chez les diabétiques de type 2,
- une baisse des hospitalisations de 50 % via les Urgences,
- une augmentation des prises en charge en ambulatoire,
- le développement d’Hôpitaux de jour et de soins programmés, ce qui signifie que les patients sont pris en charge avec un programme de soins et qu’ils n’attendent pas d’être dans un état dégradé. Tout ceci a aussi un effet bénéfique pour les équipes ce qui permet dans certains hôpitaux, de transformer des unités d’hospitalisations en hôpitaux de jour.
Il existe des solutions, à condition qu’on fasse confiance aux acteurs de terrain et qu’on les accompagne pour qu’ils ne s’essoufflent pas.
Entretien : Cécilia Larney

























