Le directeur exécutif de l’OCNH, Me Camille Occius, fait le point sur la situation de millions de personnes vivant principalement dans les zones reculées, privées de tout document d’état civil.
La question de l’état civil demeure une problématique majeure en Haïti, notamment dans les sections communales reculées où des milliers de citoyens ne disposent aucun document d’état civil. Le problème persiste, mais aucune solution durable ne semble se dessiner à l’horizon. Participant à l’émission Panel Magik de ce vendredi 12 décembre 2025, le directeur exécutif de l’Organisation des citoyens pour une nouvelle Haïti (OCNH), Me Camille Occius, a attiré l’attention sur le problème.
« Beaucoup de citoyens qui vivent dans le pays actuellement sont en risque d’apatridie », lance le défenseur des droits humains, comme pour alerter sur la gravité du problème. Dans des propos prononcés un jour auparavant, lors de la présentation du bilan annuel de son organisation, Me Occius a estimé à trois millions le nombre de personnes vivant dans le pays sans acte de naissance, ce qui constitue une violation du droit de ces millions de personnes à l’identité.
Les raisons sont multiples. Pour la plupart des personnes concernées, notamment celles vivant dans les sections communales, cela s’explique par l’absence de bureaux d’office de l’état civil à proximité. Ces personnes doivent parcourir des kilomètres pour obtenir ce document, avec parfois un coût économique que ces familles démunies ne peuvent pas supporter. Dans le département de la Grand’Anse, l’OCNH a également recensé de nombreuses personnes vivant sans acte de naissance depuis le passage de l’ouragan Matthew en 2016.
La situation aurait été moins catastrophique s’il existait un plan pour remédier au problème de l’état civil. Mais, selon le défenseur des droits humains, « la question de l’état civil est totalement négligée par le MJSP ». Ainsi, de nombreux bureaux d’office de l’état civil sont dirigés par des clercs, sans la présence d’officiers, tandis que dans d’autres zones, les officiers ne disposent pas de bureaux. En outre, de nombreux bureaux ne disposent pas du matériel nécessaire à la réalisation de leurs travaux.
À côté de ces problèmes structurels, certains registres sont bloqués depuis plus d’une dizaine d’années dans les bureaux de l’état civil, s’alarme Me Occius, tandis que d’autres ont été détruits par des catastrophes naturelles. L’absence de reconnaissance de l’existence légale des personnes concernées se traduit par des difficultés dans leur vie quotidienne et contribue à la violation de leurs droits les plus basiques, tels que « le droit à la santé ou le droit à l’éducation », martèle le défenseur des droits humains.
Avec l’approche des élections, ce sont aussi les droits civils et politiques des personnes concernées qui risquent d’être bafoués. « Pour pouvoir voter aux prochaines élections, il faut qu’ils aient une carte d’identification nationale. Et pour l’avoir, ils doivent disposer d’un acte de naissance. Or l’État ne prend aucune disposition pour faciliter cela », regrette le directeur exécutif de l’OCNH.
Me Camille Occius analyse également la faiblesse du système de l’état civil haïtien sous un autre aspect. Cela facilite, selon lui, « le changement d’identité des repris de justice », du fait de sa non-numérisation. « Plusieurs personnes possèdent plusieurs actes de naissance. Certaines personnes en contravention avec la justice parviennent à changer de nom », informe Me Occius.
Fort de ces constats, il appelle à une réforme de l’appareil de l’état civil haïtien. Selon Me Occius, certaines dispositions du Code civil, en application depuis 1825, doivent être revues en profondeur. Des mesures doivent aussi être adoptées pour permettre à l’État haïtien de reprendre la main sur la question de l’identité, qui, pour l’instant, semble échapper à tout contrôle étatique.
En attendant, Me Camille Occius indique que son organisation continue de former les officiers d’état civil, de renforcer les bureaux qui sont en manque de tout et de sensibiliser les citoyens à l’importance de l’identité, en particulier dans les zones reculées du pays.
Source : Le nouvelliste
Lien : https://lenouvelliste.com/article/262527/me-camille-occius-tire-la-sonnette-dalarme-sur-la-crise-de-letat-civil-en-haiti
























