Six ans après son arrivée en Guadeloupe, en mai 2019, François Derudder a quitté ses fonctions de Directeur des Affaires culturelles de la Guadeloupe. Particulièrement actif auprès des élus, à l’écoute des acteurs du territoire, il a, avec son équipe, fait émerger de nouveaux labels, établi des conventions pour un meilleur accompagnement des artistes et plus de visibilité de leur travail.
Quelles actions ont marqué votre mission en Guadeloupe ?
François Derudder : Avec mon équipe, nous avons accompagné les porteurs de projets pour leur permettre d’aller au terme de leurs projets ou d’être au début d’une nouvelle aventure. J’ai beaucoup veillé à être présent sur le terrain, à l’écoute des porteurs de projets, en ayant une position claire pour dire ce qui était faisable ou pas. J’ai aussi essayé d’amener les équipes à progresser, notamment en adaptant à la Guadeloupe les labels que le ministère de la Culture ou que l’Etat proposent, qu’il s’agisse du Centre régional de musique et de danse traditionnelles, de l’Atelier de fabrique artistique de Léna Blou, ou encore, le futur conservatoire de Sonis, attendu pour 2026.
Avec les communes, nous avons effectué un très gros travail autour du patrimoine culturel et immatériel, la mise en valeur des métiers d’art…, mais aussi beaucoup d’actions autour du patrimoine bâti et l’architecture du XXe siècle. Il y a aussi eu tous les diagnostics des filières, notamment l’économie du livre, SODAVI (Schéma d’orientation pour les arts visuels). Pendant le festival Terre de blues, l’étude sur les festivals de Guadeloupe a été présentée.
L’ambition, c’est de faire rentrer la Guadeloupe dans le XXIe siècle grâce à une structuration qui n’exclut pas les pratiques amateures et qui prend en compte les nouvelles générations.
Quand je suis arrivé, j’avais le sentiment, y compris dans le discours des artistes, que c’était « mieux ailleurs ». J’ai veillé à ce que l’action de la Direction des Affaires culturelles bénéficie au territoire pour permettre modestement à la Guadeloupe de gagner en visibilité nationale et internationale. Pour faire cela, j’ai eu une bonne équipe avec laquelle j’ai parcouru encore plus de kilomètres ! Je finis ma mission avec Terre de blues, et surtout le label Jardin remarquable à La Désirade pour laquelle j’ai un amour particulier.



Après Pointe-à-Pitre et Basse-Terre, la ville du Moule a aussi obtenu le label Ville d’art et d’histoire…
Oui ! C’est aussi une belle victoire.
Pour autant, le territoire manque cruellement de salles de spectacles ou d’espaces fonctionnels. C’est un constat que vous partagez ?
Complètement. Nous avons essayé, en l’inscrivant dans le Contrat de convergence, de créer un fonds à la diversité de la création. Il permet, suite à un appel à projets, de remettre les équipements en état de marche en permettant d’acheter du son, de la lumière… L’appel à projets sera publié en 2026. Une vingtaine de lieux méritent une remise à niveau technique.
Quelles disciplines, selon vous, doivent être mieux soutenues en Guadeloupe ?
Le théâtre. Il y a un lien à faire entre la santé de l’édition, le théâtre, l’écriture et la lutte contre l’illettrisme. C’est un bloc qui peine à se renouveler. Même s’il y a Estelle-Sarah Bulle, et la littérature afro-futuriste qui émerge…, c’est une niche à développer.
Et la filière qui a le plus progressé ?
La danse ! On voit tout le remarquable travail de tutorat effectué par Léna Blou, Hubert Petit-Phar… Il y a une jeune génération qui émerge.






La professionnalisation a aussi été l’un des axes de travail…
La professionnalisation n’exclut pas le caractère vertueux de la pratique amateure. Les associations emploient des professionnels, des intervenants… pour leur permettre de s’assurer une carrière et éviter des situations sociales insupportables, comme celles que j’ai trouvées en arrivant en Guadeloupe. Avec la crise Covid, on a découvert une génération entière qui n’avait jamais cotisé… Avec le Conseil régional, nous avions mis en place un grand plan de soutien à la relance de l’activité comprenant l’aide à la création, le Café culture, les festivals…
Un GIP (Groupement d’intérêt public) devrait être créé sur le territoire. Quelle sera la mission de cette Agence culturelle régionale ?
Il s’agira d’un GIP Etat/Région qui va agréger tous les établissements publics périphériques qui interviennent dans le champ de la culture, qu’il s’agisse de l’AFDAS, France Travail… L’objectif, c’est d’avoir un outil qui n’intervienne pas sur les contenus, ni sur les esthétiques, mais mette au service des équipes un accompagnement à la structuration dans le domaine juridique, de la communication… Ce GIP devra être très souple avec des actions qui se mettront en place à partir des compétences du territoire. On l’attend depuis 20 ans.
On s’est rendu compte de la nécessité de créer un espace de dialogue et de convergence quand on a fait le SODAVI (Schéma d’orientation pour les arts visuels). On va commencer par mettre en place les Journées d’actualité pour apprendre à être ensemble et à travailler ensemble.
Localement y a-t-il les compétences pour gérer les structures culturelles ?
Oui. Le recrutement d’Isabelle Vestris à la direction du MACTe est un exemple. Les compétences sont là. Ce qui manque, ce sont des établissements d’enseignement supérieur qui permettent à ceux qui vivent en Guadeloupe de poursuivre leurs études jusqu’à leur terme. Ce qui a été fait pour la filière Médecine doit être fait pour les pratiques artistiques.
Entretien : Cécilia Larney