
Les Outre-mer. L’Hexagone, ne parlons pas de la « métropole », la France ayant perdu ce statut depuis longtemps. Outre-mer, par rapport à qui, demandait un élu. Hexagone…
Les régions ultramarines (vues de paris) font l’actualité. Parce qu’une évolution est souhaitée par les élus, voire par l’Etat.
PAR ANDRÉ-JEAN VIDAL
Depuis quelques années, les régions ultramarines se sentent pousser des ailes. Début 2022, une délégation de la Guadeloupe est allée à Paris, s’entretenir avec Sébastien Lecornu, alors ministre des Outre-mer, des problèmes du pays.
Celui-ci sortait d’émeutes urbaines au cours desquelles des représentants de l’autorité avaient essuyé des tirs à balles réelles.
Stupeur au plus haut niveau de l’Etat, envoi du GIGN et du RAID, interpellations… et le calme de nouveau, mais une impression d’inachevé.
Les élus, fortement ébranlé par ces émeutes d’une violence jamais connue auparavant — ces mêmes élus, allant à la rencontre des barragistes se sont vus renvoyés vertement — ont dit au ministre le malaise d’une partie de la population, notamment les chômeurs, les jeunes, puis affirmé que « les meilleurs experts de la Guadeloupe, ce sont les Guadeloupéens. » avant de demander ès-qualité d’experts élus… « une domiciliation locale de certaines compétences » détenues par l’Etat.
LE PIÈGE ?
Sachant combien la population guadeloupéenne est chatouilleuse quand les élus parlent d’autonomie, symbole à ses yeux de perte d’avantages, d’aventurisme, Sébastien Lecornu a répliqué en substance : « Vous voulez l’autonomie ? Très bien, nous allons y travailler ! »
Et de faire le tour des radios et télévisions pour dire que si la Guadeloupe veut son autonomie, le gouvernement n’est pas contre.
Si les Guadeloupéens ont reculé d’un pas, d’autres « Domiens » ont sauté sur l’occasion : Gabriel Serville en Guyane, président de la CTG, s’est dit « prêt pour un changement de statut ». En Martinique, profitant d’une réunion des régions ultrapériphériques de l’Europe, Serge Letchimy, président de la CTM, a réuni Ary Chalus, de la Guadeloupe, Louis Mussington, de Saint-Martin, Gabriel Serville, de la Guyane, Huguette Bello, de la Réunion, Ben Issa Ousseni, de Mayotte et les a incités à signer l’Appel de Fort-de-France.
L’Appel de Fort-de-France reprend les griefs portés contre l’Etat français et la volonté de revoir les rapports entre celui-ci et les régions d’Outre-mer.
LA PROPOSITION D’EMMANUEL MACRON
A Paris, le Chef de l’Etat, Emmanuel Macron, réélu pour un second mandat, a dit tout son intérêt pour cette suite logique engagée depuis le début de l’année. Il a reçu une délégation des signataires de l’Appel et a donné six mois aux différentes régions pour déposer à Matignon un dossier comprenant les griefs contre l’Etat et les solutions proposées.
Le nouveau ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérard Darmanin, et le ministre délégué chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, suivent l’évolution des discussions — des rencontres et échanges ont lieu régulièrement entre les représentants des régions et le gouvernement — en attendant la tenue d’une grand-messe, en juin, dénommée Comité interministériel pour l’Outre-mer, afin de faire le point des souhaits et des possibilités d’y répondre.
DES RÉACTIONS DIVERSES
Disons-le : les Guadeloupéens, bons élèves, ont remis, en temps et en heure, leur document intitulé « Préconisations de la Commission mixte ad-hoc pour le Comité interministériel pour l’Outre-mer. » Document sous embargo.
Dont on sait, néanmoins, qu’il est remarquable en ce sens qu’il balaie les difficultés locales et propose des solutions. D’autonomie, pas un mot.
En Guyane, Gabriel Serville a réuni le Congrès des élus, avance vers une proposition d’autonomie, ceci pour faire enfin décoller la Guyane qui se débat dans des difficultés économiques, sociales, sociétales.
En Martinique, Serge Letchimy s’est doté d’un drapeau, d’un hymne — national », et entame une série de rencontres et visites dans sa grande région, jusqu’au Brésil, pour développer d’autres rapports économiques entre autres qu’avec Paris.
Louis Mussington, à Saint-Martin, a fait ses derniers discours en anglais pour coller avec la composition de sa population.
A la Réunion, Huguette Bello, légaliste, ne bouge pas une oreille mais reçoit bien volontiers des élus guadeloupéens — forts discrets sur ce voyage — pour initier des rapports entre l’île de l’Océan Indien et l’île de la Caraïbe. Au prétexte que l’économie est florissante, même si le nombre de chômeurs et de « pauvres » est toujours plus important…
A Mayotte, le malheureux Ben Issa Ousseni est en butte à des difficultés dont on a peu idée… à 10 000 kilomètres de là.
Quoiqu’il en soit, les problèmes des Outre-mer commencent à intéresser Paris. D’autant qu’ici aussi l’inflation, la hausse des coûts des produits importés… n’ont pas amélioré les chances de ces territoires.
Et cette écoute, c’est nouveau !
Martinique « souveraine »

En Martinique, il y a eu Aimé Césaire, politicien professionnel, écrivain reconnu. Et puis, Alfred marie-Jeanne, autre politicien professionnel, enseignant à ses heures. Enfin, il y a Serge Letchimy, qui a partagé sa vie entre une profession assurée jusqu’à sa retraite et des ambitions politiques.
Autonomiste, le président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique, est aussi un fin manœuvrier, qui obtient quasiment tout ce qu’il veut de l’Etat français et de l’Europe. On annonce un milliard ici, deux là. Des euros, bien sûr, pour doter la Martinique d’infrastructures de développement, soit économique, soit de l’humain. Soit des deux.
Le jeu du drapeau et de l’hymne, s’il permet d’ancrer la Martinique dans une posture souveraine (tant qu’il y a des aides) est surtout un chiffon rouge qu’on agite devant le taureau Paris pour l’exciter, lui donner à réfléchir. La paix a un prix.
On doit à l’habile — et parfois impatient — Serge Letchimy un coup de pied dans la fourmilière : l’Appel de Fort-de-France. Que tous les présidents de collectivités d’Outre-mer sont signé. Même si, après la fête, certains se sont réveillés avec une solide gueule de bois.
Ainsi, il a fallu que Serge Letchimy fasse le voyage et secoue les puces des uns et des autres pour que tous fassent levoyage à Paris, rencontrent les ministres, puis la Première ministre, enfin le président de la République, Emmanuel Macron.
Entretemps, si Gabriel Serville, de la Guyane, a réaffirmé sa volonté d’autonomie, les autres ont simplement demandé des compétences, soit transférées soit partagées. En bref, ils veulent simplement la plupart du temps, avoir leur mot à dire sur les décisions de Paris.
Congrès ? Le 12 juillet 2022, le Congrès des élus s’est réuni. Cette instance qui regroupe les 60 élus de la CTM, les 34 maires et les 6 parlementaires a pour mission de proposer des formules d’organisation des pouvoirs publics sur le territoire.
Soyons direct : le Congrès doit statuer sur une réforme institutionnelle, un changement de statut ou de simples adaptations des lois afin de rendre plus efficace l’action des collectivités locales. Depuis juillet 2022, le congrès s’est réuni à trois reprises, le dernière fois le 21 décembre 2022.
Cette dernière réunion du 21 décembre 2022 a été conclue par les mots de Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique : « Nous avons encore un mois ou deux pour parfaire techniquement nos propositions pour préparer le dernier Congrès qui sera le Congrès des Résolutions, afin de conjuguer les réponses du quotidien, l’affirmation de nos responsabilités et demander une évolution avec le peuple, pour le peuple, qui devra bien sûr se prononcer. »
Comme d’habitude, devant le peuple, on lance les grandes phrases, on fustige « l’Etat français », tout en ne s’apercevant pas qu’on fait plaisir aux pique la lune et qu’on indispose une grande partie des populations… d’autant que celles-ci voient bien que vous allez régulièrement tendre la sébille à Paris. Ah, dignité !
Guadeloupe : compétences partagées

Le Congrès des élus, élargi aux maires et présidents d’EPCI, va plancher en juin sur le document qui a été remis au ministre délégué chargé des Outre-mer. Les élus devront débattre sur son contenu, le valider, avant la tenue du CIOM.
Quoique le document ne soit pas public, des propos tenus par le président Guy Losbar, président du Conseil départemental, président du Comité ad’hoc chargé de présenter le document au ministre, il ressort que ce que veulent les personnalités qui ont préparé le document et tenu pour ce faire des réunions, c’est plus de partage de compétences avec l’Etat, plus de discussions avant de prendre des décisions qui regardent la Guadeloupe.
En fait, et ceci revient souvent dans les reproches faits à l’Etat, si la pandémie mondiale de la Covid-19 avait été gérée depuis la Guadeloupe tout se serait mieux passé et il n’y aurait pas eu tous ces morts, des soignants suspendus qui squattent depuis 18 mois le parking du CHUG, et partant les émeutes de fin 2021, etc.
Quoique ceci soit toujours à démontrer, quoique certains élus n’en parlent plus, ayant sans doute réfléchi entretemps, ces idées ont été mises dans la tête des gens par réseaux sociaux interposés et bien ancrées.
Que veulent les élus, en final de compte ? Retrouver de la légitimité, bien écornée au fil des ans, en ayant plus de compétences partagées ou non avec l’Etat. Pour influer sur certains dossiers, ayant listé tout un tas de dysfonctionnements de l’Etat qui, c’est l’évidence, bloquent ou gênent le développement de l’archipel.
Ces dysfonctionnements ont été listés et des solutions proposées, fort pertinentes, dit-on à Paris. Attendons la suite.
Cayenne vers l’autonomie

Déterminé Gabriel Serville, président de la CTG. « Nous demandons l’inscription de la Guyane dans la Constitution comme étant un territoire à statut particulier doté d’autonomie » a dit le président de la Collectivité territoriale.
« Le président de la République a donné comme date butoir septembre 2023 pour qu’on arrive devant lui avec un projet ficelé qui passe en revue toutes les thématiques et compétences qu’on souhaite partager avec l’État, ou celle qu’on voudrait récupérer », a-t-il précisé.
Les réunions en cours traitent de thèmes et sujets divers comme le foncier, l’énergie, l’éducation, l’environnement, l’économie, l’Europe. Une méthode qui n’est pas sans rappeler les travaux sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
D’après le compte rendu de la réunion du 19 octobre, un point d’étape « au plus haut niveau de l’État » devrait avoir lieu en juin 2023.