Le Conseil départemental propose aux Guadeloupéens un mois de mai consacré aux mémoires en partage : créer, transmettre, réparer. C’est le thème des manifestations dans le cadre de Fò an fanmi.
Depuis 2010, le Conseil départemental fait du mois de mai celui de la mémoire de l’esclavage. Il s’agissait, alors, et jusqu’en 2022, de commémorer les acteurs de la révolte de 1802 et la deuxième abolition de l’esclavage en 1848. Depuis, l’événement Fò an fanmi a évolué : la commémoration est toujours le 27 mai, au Fort Delgrès, mais c’est tout le mois de mai qui est consacré à cette mémoire. Les journées mémorielles de la liberté sont sur l’ensemble de l’archipel et comprennent des rendez-vous artistiques, culturels, scientifiques autour d’une thématique affirmée.

Il s’agit de créer, transmettre, réparer, c’est ce qu’a rappelé Michel Mado, président de la commission Culture et Patrimoine du Département, accompagné de Cynthia Phibel, directrice adjointe des Politiques culturelles, et de Jean-Luc Romana, responsable des Politiques mémorielles au Département.
Qu’a dit Michel Mado en introduction à cette conférence de presse de présentation du mois de mai mémoriel ? Qu’il s’agit d’un mois d’introspection et de pédagogie, mettant en avant la culture, l’art, la mémoire afin de mieux comprendre le passé pour mieux envisager l’avenir : faire que ceux qui arrivent puissent se souvenir…
Michel Mado :
Cynthia Phibel, directrice adjointe des Politiques culturelles du Département a réalisé, après concertation avec les partenaires de Fò an fanmi, un programme ambitieux qui reflète les souhaits du président Guy Losbar et de la Commission Culture et Patrimoine que préside Michel Mado.
Mais, a-t-elle dit, au-delà du programme, il s’agit d’une réflexion autour de mémoires en partage. C’est le thème du mois de mai : Mémoires en partage : créer, transmettre, réparer.
En fait, il s’agit de tisser des liens entre passé, présent et avenir : partout sur le territoire, expositions, concerts, ateliers, colloque, vont permettre de réfléchir, d’échanger, pour en savoir plus sur la période esclavagiste, sur les combats menés pour abolir cet esclavage, ceci afin de réfléchir, d’en savoir plus afin d’édifier les générations actuelles et futures.
La programmation qu’a présentée Cynthia Phibel appelle à s’interroger, à se cultiver, à réfléchir car, comme il a été rappelé, « la mémoire collective est un vecteur d’unité, de dialogue, donc de cohésion sociale. »
Les grands axes de la programmation de Fò an Fanmi sont ponctués d’événements incontournables.
Le 2 mai, l’ouverture du cycle mémoriel se fera au Fort Delgrès, avec une exposition immersive, Legacy, projet artistique d’envergure internationale, cofinancé par l’Union européenne. Cette exposition explore les héritages de la traite Atlantique et de l’esclavage au moyen de réalité virtuelle, de réalité augmentée, de créations audiovisuelles.
Cette exposition comprend six œuvres d’artistes caribéens qui seront réparties sur quatre sites : outre le Fort Delgrès, l’Ecomusée de Marie-Galante, le Fonds d’art contemporain, La Ramée. Projections, visites d’écoles, ateliers, rencontres permettront d’aller plus loin.
En parallèle, le Département va inaugurer un parcours Epopée mémorielle, intégré à l’application Bav’Art : les hauts lieux de mémoire du territoire vont retrouver de la visibilité afin que la Guadeloupe se les approprient.
Le 7 mai…
C’est Brother Jimmy, partenaire de Fò an fanmi à travers le Karukera sound System, qui explique la manifestation qui se déroulera, au Fort Fleur d’Epée, de 19 heures à minuit.
Le Karukera Sound System (KSS) est, a-t-il rappelé, né dans le ghetto de Boissard il y a 30 ans, permettant l’émergence de talents et de musiques : Admiral T, Krys…d’autres encore, qui à leur tour ont passé ou passent le relais.
Ce soit là, le concert mêlera gwoka, musiques urbaines, dans une volonté d’engagement. Les artistes invités ? Ceux de KSS : Puppa Alain, Oliver Stone, Fight, Supa Boo, Billy le Kid, Wonda Fazer, Ti Bob, Lovyjam et BJ.
Il y aura aussi les friends : Daddy Yod, MC Janik, Pleen Pyroman, Riddla, SamX, Little espion.
La présence de King Daddy Yod s’imposait, « qui a ouvert la voie dix ans avant le KSS », a rappelé BJ.
Les manifestations sont nombreuses, tout le mois de mai, sur divers sites : les 23 et 24 mai, Lawonn o konba : arts de combats noirs et mémoire vivante, au Musarth et place de la Victoire, mais pas que là.
Le 26 mai, Les femmes de la liberté, création musicale et mémoire au féminin, au Musée Edgar-Clerc du Moule, mettra en avant la place des femmes dans la mémoire de l’esclavage et des luttes pour son abolition.
Le 27 mai, ce sera la traditionnelle cérémonie officielle au Fort Delgrès mais aussi une soirée léwoz, une grande première au fort. A 19 heures, David Murray sera l’invité de Christian Laviso avec d’autres artistes.
Christian Laviso :
Jean-Luc Romana est le responsable des Politiques mémorielles du Département.
« Il n’y a pas de peuple sans récit et pas de récit sans histoire », a -t-il dit en préliminaire à son propos.
Il existe un trouble mémoriel et il s’agit de réparer les mémoires traumatiques, afin de réaliser une mise en perspective de la communauté guadeloupéenne : faire famille, faire peuple.
4 axes à cette réflexion :
. Retrouver le patrimoine immatériel familial jusqu’en 1848, faire l’arbre généalogique de chaque famille guadeloupéenne ;
. Raconter le récit de manière efficace : « restaurer les lieux où nos parents ont été victimes » (vie, résistance, sépultures)
. Travailler sur une nouvelle grammaire mémorielle
Qui commémore-t-on ? C’est une question fondamentale. Il faut commémorer les combattants, les victimes… Il faut se confronter avec d’autres communauté qui gèrent cette mémoire.
. D’où un colloque, les 28 et 29 mai, pour questionner les modalités de réparation et de valorisation des lieux de mémoire à travers la création contemporaine. L’ambition du Département est de faire émerger une réflexion partagée en vue de la mise en place d’un parcours mémoriel cohérent.
Jean-Luc Romana a rappelé certains de ces hauts lieux : les cimetières d’esclaves de Raisins Clairs à Saint-François et de Sainte-Marguerite, au Moule, l’ancien quartier servile de la Pieta, à Port-Louis, l’Habitation la Mahaudière, à Petit-Canal, le Canal des Rotours, creusé par les esclaves au XIXe siècle, à Morne-à-l’Eau, etc.
Tous sites et d’autres encore qu’il faut, pour certains sortir de terre, pour tous restaurer, mettre en valeur, pour que l’on n’oublie pas. C’est l’histoire de la Guadeloupe !
Ce colloque se fera avec des représentants des lieux de la traite, dont une délégation de Ouida au Bénin, une délégation américaine qui parlera d’expériences aux Etats-Unis, dont la Plantation Whitney en Louisiane, premier musée américain dédié à l’esclavage, et l’Habitation de Georges Washington à Richmond, et le cimetière d’esclaves de New York.
Le colloque se clôturera avec l’installation du comité départemental mémoriel de la Guadeloupe.
Jean-Luc Romana :
Le 30 mai, au Complexe Gaël Monfils de Petit-Bourg, ce sera La nuit de l’oralité, et le 31 mai une grande conférence internationale sur le marronnage.