Lundi 30 juin, le président Ferdy Louisy réunissait le Conseil syndical du Syndicat Mixte de Gestion de l’Eau et de l’Assainissement de la Guadeloupe (SMGEAG) et la presse pour expliquer que, compte tenu de la situation en interne et du déficit croissant — 47 millions ou peu s’en faut — le préfet recommandait de régler le budget du syndicat en suivant les directives tirées du rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) Antilles-Guyane. Pierre Grimaud, président de la CRC, a présenté mardi 1er juillet la situation de l’établissement et les conclusions du rapport.
C’est par une simple demande de contrôle déposée sur la plateforme citoyenne que la CRC a engagé un long travail — un an — qui a mobilisé trois spécialistes pour auditer le SMGEAG.
il y a deux volets à ce travail, celui de l’eau potable et celui de l’assainissement. C’est le premier volet, 130 pages, qui a été présenté. Il concerne les années 2023 et 2024.
« Le SMGEAG, a dit M. Grimaud, qui était accompagné devant la presse par Jean-Charles David, vérificateur, est de création récente (2021) et cristallise l’histoire mouvementée de la Guadeloupe sur la gestion de l’eau. »
« Il a, a-t-il noté, hérité d’un lourd héritage sinon d’un lourd passif. »
En fait, le contrôle a permis de satisfaire la CRC qui souhaitait voir « comment était géré le SMGEAG. »
Pour pallier cette situation difficile, que chacun connaît, les autorités — Etat, Région, Département, qui mettent au pot commun des sommes considérables — ont placé à côté du Conseil syndical un Conseil local d’accompagnement avec le préfet, les présidents des collectivités majeures.
La situation reste difficile, après une longue présidence de Jean-Louis Francisque, maire de Trois-Rivières, remplacé par Ferdy Louisy, maire de Goyave, qui avait un temps présidé aux destinées malheureuses du SIAEAG, prédécesseur du SMGEAG. Prenez les mêmes…
Cette situation difficile se voit surtout par une situation financière difficile. Malgré des aides conséquentes de l’Etat — 63 millions d’euros entre 2023 et 2025 — et des deux collectivités, Région et Département — 19,25 millions — le déficit global de l’établissement oscille entre 41 et 47 millions d’euros, selon le moment où l’on fait le calcul.
Pourquoi ? Pierre Grimaud rappelle que les charges de personnel absorbent 45% du budget, alors que, « normalement, dit-il, l’eau paie l’eau. »
La facturation de l’eau devrait permettre, sans soutien financier à perte de l’Etat, de la Région, du Département, de régler les salaires et d’investir.
Malheureusement, comme le révèle le rapport, il y aurait 150 agents de trop au SMGEAG qui continue de recruter, de faire appel à des intervenants extérieurs pour pallier les incompétences techniques diverses, et à des intérimaires.
« De plus, notait Pierre Grimaud, les rémunérations pratiquées au SMGEAG sont 70% plus importantes que la moyenne nationale. »
Pour arriver à un résultat assez étonnant dans un territoire où l’eau coule à flot : cette eau est facturée 3,34 euros par mètre cube contre 2,21 euros par mètre cube moyenne nationale.
« Le rendement du système est, de plus, pas très bon avec 70% de fuites… sur le réseau. », assenait Pierre Grimaud.
Pour tenter de remédier à cette situation en tous points calamiteuse, l’Etat engage en ce moment 165,5 millions d’euros, les deux collectivités Région et Département 35,5 millions d’euros. Le but recherché est de mettre fin, ou à tout le moins, de réduire les tours d’eau qui concernant 70 000 foyersn en faisant en sorte que 50 000 sortent de ces tours d’eau d’ici 2026, les autres ensuite.
Néanmoins, Pierre Grimaud notait quelques succès : 18 000 compteurs ont été changés, plus performants, pour tenter de pallier un taux d’impayés de 60%. « Il devrait falloir 10 ans pour renouveler le parc. »
Autre succès — relatif, en verra pourquoi plus loin — 8 à 9 000 fuites du réseau sont traitées chaque année.
« Avec 15 kilomètres de canalisations changées chaque année, il faudra 208 ans pour renouveler complètement le réseau d’eau de l’archipel. »
Constat sans appel ? Le président Pierre Grimaud a souhaité lancer un appel : à la direction du SMGEAG, aux élus, aux citoyens même, pour qu’ils prennent conscience de cette faillite du système et de l’obligation qu’il y a d’y remédier.
D’abord, il faut un projet stratégique, toujours en cours d’élaboration… Ensuite il faut des statuts : mettre en place une régie pour l’exploitation.
Ensuite il faut une organisation des effectifs pour mettre en place la stratégie. Ces effectifs, pléthoriques, souffrent d’un manque d’encadrement. De nombreux dysfonctionnements ont été constatés. « L’encadrement intermédiaire a des difficultés à intervenir auprès du personnel. »
Ce qui veut dire ? Pierre Grimaud laisse le soin aux curieux de lire le rapport.
Il note néanmoins des actions volontariste depuis la présidence de Ferdy Louisy : sur le train de vie de l’établissement, le recouvrement des factures.
Néanmoins, on est en droit d’attendre que soient réglés les problèmes de personnels et que le recouvrement des factures soit ampifié.
« Il faut, a répété Pierre Grimaud, une implication de l’ensemble des élus et du personnel, mais aussi des citoyens pour que le SMGEAG ait une situation financière meilleure et qu’on atteigne la fin des tours d’eau. »
Le préfet précise
Tandis que le président Grimaud détaillait le rapport sur le SMGEAG, le préfet Xavier Lefort souhaitait, après la sortie de Ferdy Louisy, lundi, expliquant que le SMGEAG était sous tutelle, qu’il n’y a pas de tutelle. Le SMGEAG est l’affaire des élus, avec le soutien de l’Etat.
« Le préfet de région Xavier Lefort a pris connaissance des interventions du président du SMGEAG, qui ont fait
suite au comité syndical du lundi 30 juin, et souhaite apporter les précisions suivantes.
Un passage du SMGEAG et de la gestion de l’eau « sous la tutelle de la préfecture » n’est nullement à l’ordre du
jour et serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Le rôle du préfet vis-à-vis des collectivités et de leurs syndicats s’exerce en effet dans le strict cadre du Code
général des collectivités territoriales. Dans le cas présent, le vote d’un budget en déficit conduit l’autorité
préfectorale à saisir la chambre régionale des comptes afin que cette dernière formule un avis sur le budget du
syndicat et propose les mesures de redressement nécessaires.
Il appartiendra ensuite au SMGEAG de mettreen œuvre ces mesures.
La gestion de l’eau en Guadeloupe est et demeure de la responsabilité des collectivités territoriales, membres
du SMGEAG et du comité syndical où siègent ces collectivités.
La situation du syndicat appelle de leur part des mesures fortes qui ne peuvent se limiter à présenter un budget
en déséquilibre, sans présenter dans le même temps le plan d’action permettant de redresser sérieusement et
rapidement cette situation. Il revient donc aux collectivités membres du SMGEAG de prendre toutes les mesures
qui s’imposent, y compris en apportant les moyens nécessaires au redressement financier
et budgétaire du syndicat.
L’État continuera d’exercer vis-à-vis du SMGEAG son double rôle d’accompagnement et de contrôle. Il le fait au
travers de son assistance technique, composée d’une dizaine d’experts, et j’invite la gouvernance du syndicat à
suivre utilement les conseils et les recommandations que cette assistance ne manque pas de formuler. Il le fait à
travers une aide substantielle de prés de 25 M€ par an sur les 3 dernières années, aide qui est et restera
conditionnée aux efforts encore attendus du syndicat en termes d’économies et de rigueur de gestion. Ces
efforts doivent être poursuivis et amplifiés et reposent entièrement sur l’engagement et la volonté des
collectivités membres et sur l’engagement et la volonté de leurs élus. »