Guadeloupe. Tous unis pour convaincre l’Europe

A l’initiative d’Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe et président des RUP — il tient à ce titre qui n’est pas que symbolique, on le verra plus loin — les forces vives du pays se sont retrouvées à l’Espace régional ce matin.

Pourquoi faire ? Parler stratégie. Il y avait Bruno Blandin, patron du Medef, accompagné de Jean-Paul Fischer, Patrick Vial-Collet, président de la CCI-IG, Alain Bièvre, président de l’aéroport international Guadeloupe-Maryse Condé, Jean-Yves Ramassamy, vice-président de la Fédération du BTP, Alan Nagam, de la FTPE, Nicolas de Fontenay, président d’Albioma, Nicolas Philippot, président de Gardel, Viviane François-Julien, du Grand Port Maritime de la Guadeloupe, Victor Nanette, de l’Iguaflhor, Alain Bazir, de l’Iguavie, Hélène Poirier, de Nautic Blue Caraïbes, etc.

A côté d’Ary Chalus, le député européen Rody Tolassy (RN).

Rody Tolassy, député européen (RN), ary Chalus, président des RUP et président de Région Guadeloupe, Rudy blombou, directeur de cabinet d’Ary Chalus. @AJV

Pourquoi sont-ils là ? L’heure est grave, en fait.

Ary Chalus :

Renationaliser les fonds européens, un net retour en arrière

Le 16 juillet 2025, la Commission européenne a présenté sa proposition pour le futur CFP —  le Cadre Financier Pluriannuel (CFP) constitue la planification budgétaire de l’Union européenne qui fixe les grandes orientations de dépenses de l’UE sur une période de 7 ans  — , portant sur une enveloppe globale d’environ 2 000 milliards d’euros, incluant le remboursement du plan de relance NextGenerationEU, estimé à 24 milliards d’euros par an, soit 168 milliards d’euros sur la période.

Le nouveau CFP marque une réorganisation importante des instruments de financement

. Fusion des politiques de cohésion (territoires), de la politique agricole commune (PAC) et d’autres fonds dans un Fonds unique géré via des « plans nationaux et régionaux » plutôt que des lignes budgétaires séparées.
. Création d’un Fonds pour la compétitivité, visant à renforcer l’industrie, l’innovation, la transition écologique, la souveraineté stratégique (notamment en matière de technologies et défense).
. Pour l’action extérieure, un instrument unifié (ex-fusion des programmes de développement, coopération, pré-adhésion, aide humanitaire, etc.) est proposé, dans ce qu’on appelle l’instrument « Global Europe ».

Que va-t-il se passer ? A l’annonce de ces nouveautés en juillet dernier, les présidents des RUP sont montés au créneau, mais cela ne suffit pas.

Sur le plan financier, les RUP contestent la baisse significative du budget proposé au sein du pilier 1 du projet de cadre financier pluriannuel et l’absence de lignes budgétaires relatives à la compensation des surcoûts pour le POSEI agricole, le secteur de la pêche et de l’aquaculture, le secteur des transports, ainsi que les dotations additionnelles de compensation des effets de contraintes au titre du FEDER et du FSE+. Ces mesures, bien que répertoriées, ne font pas l’objet d’enveloppes financières dédiées alors même qu’elles ont jusqu’à présent constitué des avancées fondamentales pour les RUP, traduisant une véritable reconnaissance de leur situation particulière au sein de l’Union.

L’absence d’une enveloppe dédiée aux RUP obligatoire dans chaque politique de l’union européenne constituerait un frein considérable au développement économique et social de nos régions fragilisées, et pénaliserait les filières traditionnelles et fondamentales de l’agriculture et de la pêche. Cela conduirait à supprimer de fait sur le plan budgétaire 30 ans d’acquis communautaire.
Sur la gouvernance du prochain cadre budgétaire européen, les RUP contestent les allocations financières dédiés aux RUP intégrées à des programmes nationaux négociés uniquement avec les États membres, au détriment du dialogue direct avec la Commission européenne qui a jusqu’ici assuré le respect de l’article 349 du TFUE.

Confier la gestion de ces politiques aux seules autorités nationales alors que les RUP relèvent de trois États membres différents mettrait en péril le principe d’un traitement commun et coordonné des régions ultrapériphériques, qui doit être préservé quel que soit le PIB de ces régions, soutiennent les spécialistes.

Une lourde responsabilité sur les épaules d’Ary Chalus

Qu’a dit Ary Chalus, pour introduire le sujet ?

« En tant que président de la Conférence des Présidents des RUP), j’ai la responsabilité d’assurer cette cohésion : rassembler les neuf RUP, unifier nos positions et porter une voix claire, crédible et structurée auprès de la Commission et du Parlement. Le CFP n’est pas une abstraction. C’est la ligne de vie financière qui détermine nos capacités d’investissement pour :
• Nos infrastructures et nos projets de transition énergétique.
• Notre économie bleue et notre agriculture.
• La formation, la recherche, et notre résilience face aux crises climatiques et logistiques.
Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Nos priorités sont précises et sont au nombre de cinq :
1. Préserver nos enveloppes spécifiques RUP.
2. Renforcer les financements pour les secteurs stratégiques (comme l’énergie et le climat).
3. Faire reconnaître nos surcoûts structurels de manière pérenne.
4. Maintenir les dispositifs vitaux : taux de cofinancement majorés et aides au transport.
 5. Obtenir plus de flexibilité pour réaffecter rapidement les fonds en cas de crise.

Et de poursuivre : « En parallèle, notre mobilisation constante au sein de la CP-RUP a mené à un travail historique de la Commission européenne : l’élaboration d’un Paquet de Simplification pour adapter les règles européennes à nos réalités.

Le Commissaire Fitto a ouvert une consultation cruciale jusqu’au 15 décembre (elle a été portée au 12 janvier 2026). Et disons-le franchement : ce sont les acteurs économiques, les entreprises, les filières, les porteurs de projets qui connaissent le mieux les blocages du droit européen sur le terrain. Nous avons besoin de votre expertise.

Nous avons jusqu’au 12 janvier, moins d’un mois, pour dire à la Commission européenne quelles normes empêchent les entreprises d’ici de travailler. »

Les ministres français, des paresseux…

Rody Tolassy a détaillé : « Il nous faut obtenir l’adaptation des normes réglementaires européennes, obtenir que les RUP aient droit au fonds de cohésion, d’un montant global de 48 milliards. Il faut aussi éviter la renationalisation des fonds européens. »

En fait, parce que — et cela revient dans toutes les bouches — l’Etat français, les ministres de l’Agriculture et des Outre-mer, entre autres, ne font rien à Bruxelles — « des paresseux », dira même Rody Tolassy — « il faut que, dès que le texte est présenté au Parlement européen, avant même le vote, il soit adapté à ce que nous voulons. Il ne faut pas attendre les amendements, c’est pour cela qu’il faut s’entendre avec les autres RUP.  »

Tour de table des invités.

Bruno Blandin, patron du Medef :

Patrick Vial-Collet, président de la CCI-IG et actionnaire de Corsair, donc sensible aux prix du transport pour amener des touristes dans les îles de Guadeloupe, insiste sur l’importance de l’appartenance à la France, à l’Europe, à l’environnement géographique caribéen. Il regrette que, quand des textes fondamentaux sont votés à Bruxelles, « l’Europe nous oublie. »

Exemple, la taxe carbone inventée par l’Europe pour pénaliser ceux qui voyagent en avion et inciter à prendre le train pour ses grands déplacements.

« Oui, mais nous on ne va pas aller en train de Pointe-à-Pitre à Paris ! Cette taxe, quand la dérogation dont nous bénéficions va être supprimée, va augmenter le prix du billet d’avion de 500 euros. »

Alain Bièvre, président de l’aéroport international Guadeloupe-Maryse-Condé : « Déjà, parce que la taxe carbone s’applique entre les aéroports européens et la Guadeloupe, il y a eu une incidence sur la croisière basée. On a divisé par deux la croisière basée. Cette taxe nous pénalise. Les pays voisins, qui sont nos concurrents, ne sont pas pénalisés par cette taxe carbone. »

Ambiance : Bruno Blandin rappelle quelques préceptes :

Une chance à saisir

« La chance à saisir, rappellera Patrick Vial-Collet, c’est d’avoir l’opportunité donnée par le commissaire européen Fitto de présenter une note disant ce que nous voulons. »

Alan Nagam, président de la FTPE, rappelle que, depuis 2018 avec le Medef de Bruno Blandin, il a soutenu une demande auprès de Bruxelles « pour que nous ne dépendions plus du ministère des Outre-mer et de la Direction générale des Outre-mer. Il faut que nous soyons des RUP à part entière, comme Madère, les canaries, les Açores, qui travaillent directement avec la direction Outre-mer de la Commission européenne. »

Chaque intervenant regrette en fait ce qui sera résumé par Ary Chalus : « Nous ne sommes pas défendus au niveau de l’Europe, ni par le ministère des Outre-mer, ni par le ministère de l’Agriculture… »

Il milite, dit-il, pour un lobbying des RUP pour pousser les dossiers au niveau de la Commission européenne et du Parlement.

Alan Nagam, président de la FTPE :

Les intervenants pour le monde agricole sont inquiets de ce que vont devenir les fonds européens entre les mains des Etats. Quand c’était la règle, avant la mise en place de l’article 349, l’Etat récupérait les fonds et les répartissaient dans l’agriculture « française » et envoyait ce qu’il restait dans les régions d’Outre-mer.

Nicolas Philippot, PDG de la sucrerie Gardel, représentait la filière canne-sucre :

Le représentant des Jeunes Agriculteurs va demander que l’union qui semble se faire jour au niveau de la CCI-IG, du Medef, des associations patronales, les accueille parce que les problèmes des entreprises générales sont aussi les problèmes que rencontrent les entreprises agricoles : dédain de l’Europe pour les régions ultramarines françaises, risque de voir les fonds européens dédiés à l’économie ou à l’agriculture, être détournés pour satisfaire d’autres régions françaises.

Amenamhat Chéron, des Jeunes Agriculteurs :

Reste à faire remonter les doléances des différents secteurs économiques à la Région (il semble que Rudy Blombou, directeur de cabinet, présent à la réunion, soit missionné à cette fin) ainsi qu’à Rody Tolassy. Une synthèse sera rédigée… d’ici le 12 janvier prochain.

Mais, le dossier est à suivre avec attention.

André-Jean Vidal
aj.vidal@karibinfo.com

IL A DIT

Rody Tolassy, député européen (RN) :

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