Si le 25 avril 2024 les membres du Conseil présidentiel de transition ont pu prêter serment en catimini au Palais national pour ne pas attirer l’attention des groupes criminels, 12 mois après, ils ne peuvent même pas fréquenter les zones limitrophes du Champ de Mars voire le palais national. Après seulement un an au pouvoir, le CPT a rendu le pays à un point où il y a de moins en moins de doutes sur la perte totale de Port-au-Prince et de tous les symboles de l’État avec…
Vendredi 25 avril 2025 a marqué la première année de gouvernance du Conseil présidentiel. Composé de représentants des principaux partis politiques et organisations de la société civile et des affaires du pays, le CPT, appuyé par la communauté internationale, a été mis en place pour réussir là où Ariel Henry et ses alliés de l’accord du 21 décembre avaient échoué. D’où la signature de l’accord du 3 avril.
Les organisations et regroupements politiques Fanmi Lavalas, Pitit Dessalines, EDE-RED-Compromis, Collectif des partis 30 janvier, Accord de Montana, Accord du 21 décembre, les associations patronales, REN et le Groupe de la société civile se sont mis d’accord pour diriger ensemble le pays. Ils ont respectivement désigné au CPT : Leslie Voltaire, Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin, Edgard Leblanc Fils, Fritz Alphonse Jean, Louis Gérald Gilles, Laurent St-Cyr, Frinel Joseph et Régine Abraham. S’ils n’ont pu « ni diriger ni administrer le pays », comme l’aurait dit feu le bâtonnier Monferrier Dorval, ils se sont cependant assurés d’un partage presque parfait des postes ministériels, des directions générales de l’administration publique, des missions diplomatiques, de tous les privilèges imaginables et même au-delà.
Un an après, l’histoire du CPT est très courte : implication de trois membres du Conseil dans un scandale de corruption qui fait d’eux des inculpés, les groupes criminels se sont renforcés et occupent beaucoup plus de territoires, la communauté internationale qui n’a pas respecté ses promesses craint la prise du pouvoir par les gangs, la population vit dans un désespoir inouï, les membres du CPT, le gouvernement et leurs alliés se la coulent douce… très douce.
Il y a eu aussi en un an la mise en place de plusieurs structures comme le Conseil électoral provisoire, le Comité de pilotage de la conférence nationale pour un référendum devant changer la Constitution et l’organisation des élections. Deux institutions qui fonctionnent à l’image du CPT. Mal. Très mal.
Dans un arrêté publié le vendredi 20 décembre 2024 dans le journal officiel Le Moniteur, le Conseil présidentiel de transition a établi le Conseil national de sécurité (CNS). Cette nouvelle structure prévue par l’Accord du 3 avril devrait être un « organe consultatif sous l’autorité du CPT » avec pour mission d’assister les autorités du pays dans leurs démarches visant à trouver une solution à la crise de sécurité que vit Haïti.
Le CNS est un « organe consultatif ad hoc en vue d’assister les plus hautes autorités de la République pour donner une réponse aux différents aspects de la crise de sécurité du pays. Il est placé sous l’autorité du Conseil présidentiel de transition ». Le CPT n’a jamais donné vie à cette structure. Comme à beaucoup d’autres instances.
En un an, le Conseil présidentiel a nommé aussi deux Premiers ministres, Gary Conille qui a eu des conflits avec les conseillers et Alix Didier Fils-Aimé qui a eu des conflits ouverts avec le directeur général de la Police nationale Rameau Normil. Un conflit qui a conduit à la perte de la commune de Kenscoff où les groupes criminels continuent encore de faire des victimes au sein de la population et des forces de l’ordre.
En un an, jamais les groupes armés n’ont occupé autant de territoires dans les départements de l’Ouest, de l’Artibonite et de Centre. Jamais Port-au-Prince n’a été aussi isolé du reste du pays et du monde. Jamais les routes nationales n’ont été aussi dangereuses et l’aéroport international Toussaint Louverture déserté par les compagnies aériennes.
Après un an au pouvoir, le CPT et le gouvernement adoptent un budget de guerre avec les mêmes vieilles promesses de l’ère de Jovenel Moïse : le renforcement de la Police nationale et des Forces armées d’Haïti…
L’Accord du 3 avril 2024 est l’un des plus inclusifs accords politiques jamais signé entre toutes les forces vives du pays. Les principales organisations politiques, les organisations de la société civile, des confessions religieuses, la communauté internationale… tout le monde ou presque est partie prenante de ce document qui a conduit à la formation du Conseil présidentiel de transition. Un an après, ce document n’existe que de nom et la plupart des signataires ont pris leur distance, en tout cas officiellement, avec leur représentant au CPT.
Si le 25 avril 2024, les membres du CPT ont pu prêter serment en catimini au Palais national situé au Champ de Mars, ils ont par la suite réalisé une autre rencontre au palais avant de l’abandonner pour se retrancher à la Villa d’Accueil. Forcées par les groupes criminels, les autorités du pays ont abandonné presque toutes les institutions publiques, symboles de l’État au centre de Port-au-Prince.
Toutes les autres communes limitrophes de la capitale comme Carrefour, Gressier, Cité Soleil, Delmas, Tabarre, Croix-des-Bouquets, Kenscoff, entre autres, sont contrôlées en tout ou partie par les groupes criminels. Ces dix derniers mois, le CPT n’a pas pu freiner les gangs armés qui continuent d’occuper de nouveaux territoires. Le nombre de territoires perdus a considérablement augmenté ces 12 derniers mois.
Après le rétablissement de la sécurité, l’organisation des élections générales dans le pays est censée être la deuxième mission pour laquelle ce Conseil présidentiel existe. Le Conseil électoral provisoire a déjà transmis à l’exécutif un projet de calendrier et une proposition de budget pour la réalisation du référendum constitutionnel.
Le CEP souhaitait idéalement organiser le référendum au cours du mois de mai de cette année pour pouvoir par la suite réaliser les élections générales dans le pays entre novembre et décembre. Le CEP s’était fixé cet objectif en janvier dernier. A moins d’une semaine du premier jour de mai rien ne va.
Aujourd’hui, le Comité de pilotage de la conférence nationale n’est pas capable de dire quand il sera en mesure de présenter au pays la nouvelle proposition de la Constitution. Le CEP n’est pas en mesure de dire s’il y aura un référendum et des élections au pays cette année. Le CPT, quant à lui, ne contrôle même pas la zone où se trouve la Villa d’Accueil, son siège, après avoir abandonné le centre-ville de Port-au-Prince.
Un an après son installation à la tête du pays, le pays est à feu et à sang et le CPT ne cache pas son incapacité à reprendre le contrôle de la situation.
Ce vendredi 25 avril, le Conseil présidentiel de transition est à dix mois de la fin de son mandat. L’Accord du 3 avril, le décret du 12 avril 2024 portant création et fonctionnement du CPT, le décret du 27 mai 2024 déterminant l’organisation et le mode de fonctionnement du CPT ont tous affirmé que le mandat du CPT prend fin le 7 février 2026 et que le Conseil présidentiel ne peut bénéficier de prolongation de mandat.
Source : Le Nouvelliste
Lien : https://lenouvelliste.com/article/255578/le-cpt-a-douze-mois-au-pouvoir-et-haiti-va-de-mal-en-pis