Haïti. L’île de la Gonâve en train d’être asphyxiée par les bandits-pirates de Viv ansanm

Après la terre ferme, les bandits de la coalition criminelle Viv ansanm jettent désormais leur dévolu sur la mer, notamment le transport maritime.

Sur l’île de la Gonâve, les habitants subissent de plein fouet l’occupation des eaux haïtiennes par ces caïds, qui pillent les bateaux, tuent des passagers et font grimper le coût de la vie sur l’île. Invité à l’émission Panel Magik, mardi 1ᵉʳ juillet, le journaliste Johann W. Sébastien Joseph a tiré la sonnette d’alarme sur cette situation préoccupante.

C’est une situation qui devient de plus en plus insoutenable pour les habitants de l’île de la Gonâve. Depuis quelque temps, les bandits contrôlent les eaux territoriales haïtiennes. Leurs récentes opérations leur permettent désormais de contrôler une bonne partie de la côte sud de l’île de la Gonâve, selon le journaliste Johann W. Sébastien Joseph. Cette situation menace la survie même de l’île, qui dépend en grande partie de ses connexions avec la « grande terre ».

Selon Johann W. Sébastien Joseph, depuis début 2025, « les bandits ont établi leur base à « Lilètkresan », où des patrouilles sont réalisées en face de la sixième section (Petite Anse) ».

Les habitants de cette communauté, qui regardent avec impuissance les bandits dicter leurs lois, ne savent à quel saint se vouer. Le coût de cette nouvelle réalité est lourd : « Les bateaux ne peuvent plus laisser le port de Petite Anse », alors que l’économie de l’île dépend fortement de ce trafic qui la relie à une bonne partie du pays.

Ces bandits qui contrôlent désormais le trafic maritime kidnappent, pillent et tuent en toute impunité. « Le 24 juin dernier, ils [les bandits] ont envahi la petite île de « Ti Gonav » et ont tué Deliswa, un businessman qui faisait du commerce de poissons en gros.

Ensuite, ils ont forcé les personnes présentes à nettoyer le sang qui jonchait le sol, avant de repartir avec le cadavre. Depuis, cette petite île, qui servait de refuge pour les bateaux en difficulté provenant du Nord, a été abandonnée par ses habitants », explique M. Sébastien.

Les cas d’exaction des caïds sont légions tant en mer que sur la terre ferme, selon le journaliste. Samedi dernier, c’est un agent de santé du MSPP qui a été froidement assassiné – et son corps jeté à la mer – alors qu’il essayait de se rendre à Saint-Marc à bord d’une petite embarcation « pour encaisser son chèque ».

Quelques jours avant, le bateau d’un transporteur assurant le trajet Wharf Jérémie/Anse-à-Galets a été kidnappé, et une rançon d’un million de gourdes a été réclamée pour sa libération. Il y a environ deux mois, un autre bateau et ses occupants ont été kidnappés par les caïds, avant d’être libérés en échange d’une rançon de 50 000 dollars américains.

Face à cette situation, les marins sont contraints de réduire leurs déplacements. Ceux qui continuent à prendre la mer le font au péril de leur vie. « Les marins doivent surveiller les mouvements qui se font sur la mer avant de se résoudre à voyager », ajoute M. Sébastien.

Ils sont également obligés de payer des sommes faramineuses dans certains ports, comme celui de Wharf Jérémie, où les tarifs peuvent atteindre jusqu’à 100 000 gourdes. Outre la menace constante, la situation provoque une anxiété croissante parmi les familles, qui redoutent pour la sécurité de leurs proches obligés de prendre la mer. « Les parents ne peuvent être en paix tant qu’ils n’ont pas la certitude que leurs proches sont arrivés à destination sains et saufs », a ajouté le journaliste.

Une crise sécuritaire avec des conséquences économiques

La situation n’est pas sans conséquences économiques pour l’île. Selon Sébastien Joseph, « à cause des postes de péage, le prix des produits est en moyenne 50 % plus élevé par rapport au reste du pays. » Pour les trajets encore assurés, les prix ont également connu une envolée exponentielle. À titre d’exemple, le trajet reliant la commune de Petit-Goâve au port de Cariès est passé de deux mille à dix mille gourdes.

La circulation des produits et des denrées est également affectée. Le bétail, élevé localement à la Gonâve, ne peut pas rejoindre la grande terre, alors que cette activité constitue un pilier de l’économie locale. Des melons produits sur place sont aussi en train de pourrir, faute de pouvoir être acheminés vers le reste du pays.

« À la Gonâve, nous avons une pluviométrie difficile. L’île dépend fortement du reste du pays pour sa survie. Seul le port de Pointe-à-Raquette fonctionne normalement, puisqu’il est relié à celui de Miragoâne. Les voyages via les autres ports ne sont pas sans risque, et les prix sont exorbitants », se plaint M. Joseph.

Le journaliste décrit la réalité d’une île incapable de se ravitailler normalement, ce qui menace grandement la survie de sa population.

Une indifférence inquiétante des autorités

« Jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a été prise du côté des autorités locales », déclare le journaliste. Dans son discours d’installation, le 4 mars dernier, le vice-délégué de l’arrondissement de Pointe-à-Raquette, Edner Désir, a promis de travailler en synergie avec son homologue de Saint-Marc pour « faciliter un couloir sécuritaire afin d’accompagner les bateaux » en provenance de l’Arcahaie et de Wharf Jérémie.

Mais, selon Sébastien, aucune action concrète n’a encore été entreprise en ce sens. En dépit des annonces, « ce sont les marins qui s’organisent, généralement en payant le passage. Mais du côté de la marine et des garde-côtes, il n’y a pas vraiment d’actions. »

Il déplore l’indifférence des autorités étatiques, qui semblent ne pas mesurer la gravité de la situation. « Le président du CPT a promis l’arrivée de quatre bateaux pour effectuer des patrouilles [dans les eaux haïtiennes, ndlr]. Mais la Gonâve fait-elle vraiment partie de leurs priorités ? » s’interroge-t-il, sceptique. Selon lui, « la Gonâve est une île totalement abandonnée par l’État haïtien. »

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