Haïti. Rançon de l’indépendance : une proposition de résolution devant l’Assemblée nationale française discutée aujourd’hui

Une proposition de résolution déposée à l’Assemblée nationale française le mercredi 9 avril dernier invite le gouvernement français à reconnaître la « double dette » d’Haïti versée à la France.

Introduite par la députée de la 4e circonscription de La Réunion et membre du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), Émeline K/Bidi, cette proposition de résolution invite le gouvernement à envisager un processus de restitution et de réparation envers Haïti. La proposition de résolution sera discutée lors d’une séance à l’Assemblée nationale jeudi 5 juin.

Dans l’exposé des motifs de cette proposition, les signataires reviennent sur l’historicité de la « double dette » imposée à Haïti sous la menace de bombardements en 1825, en échange de la reconnaissance de son indépendance par la France. « Haïti supportera le prix imposé pour cette reconnaissance, à travers laquelle elle compte assurer son unité nationale et garantir la sécurité de l’État. Ce prix est élevé du triple point de vue financier, commercial et territorial », ont noté les signataires, soulignant qu’en raison de cette « double dette », Haïti, quoique indépendante, est restée sous l’emprise de la France.

« Choquante dans son principe, colossale dans son montant, cette “double dette” est un fardeau vite insupportable pour les finances haïtiennes », lit-on dans l’exposé des motifs, rapportant les recherches de Thomas Piketty, qui a indiqué que l’indemnité imposée à Haïti « représente l’équivalent de trois années de production haïtienne, c’est-à-dire 300 % du produit intérieur brut. »

Les signataires ont souligné que les conséquences provoquées par l’ordonnance de Charles X sur la société et le développement d’Haïti « se sont longtemps prolongées et sont toujours à l’œuvre ».

Ils ont également noté le caractère doublement paradoxal de cette rançon : « Le vainqueur de la guerre est condamné à payer un tribut au vaincu ; les esclaves que la proclamation de “la Liberté générale” avait rendus libres doivent indemniser leurs anciens maîtres. »

De plus, les 17 députés du GDR – qui ont tous soutenu la proposition – ont noté que l’imposition du paiement de 150 millions de francs-or à Haïti par la France a été gardée sous silence pendant plus d’un siècle.

Les signataires ont fait remarquer que la question de la réparation avait été abordée par Jean-Bertrand Aristide, alors président d’Haïti, en 2003, et que le montant de la restitution avait été évalué à 21,7 milliards de dollars.

« La demande stupéfie, fait l’objet de critiques acerbes et même de railleries. Mais l’idée de la restitution est lancée et survivra à l’éviction du président haïtien un an plus tard. Durant ces vingt dernières années, de nouvelles demandes et de nouvelles évaluations sont avancées régulièrement », ont écrit les signataires.

Alors que l’année 2025 a marqué le bicentenaire de cette « double dette », les députés du GDR invitent le gouvernement français à reconnaître « l’injustice infligée à Haïti par l’ordonnance du 17 avril 1825 » ainsi que « ses conséquences et ses prolongements à long terme sur l’ensemble de la société haïtienne. »

La proposition introduite à l’Assemblée nationale française appelle à prendre en compte « les demandes de remboursement » et à « étudier le processus de restitution de la “double dette” imposée à Haïti », laquelle, rappelle-t-on, a été honorée dans son intégralité. Pour faciliter les démarches, les instigateurs de la proposition appellent à la « mise en place d’une commission indépendante » et à initier et soutenir « les initiatives s’inscrivant dans une démarche de justice réparatrice », en particulier les initiatives franco-haïtiennes à portée mémorielle.

Le 17 avril dernier, lors de la commémoration du bicentenaire de l’ordonnance de Charles X, le président français Emmanuel Macron a annoncé la création d’une commission mixte franco-haïtienne pour examiner le passé commun des deux peuples et en éclairer toutes les dimensions.

En Haïti, Leslie Voltaire, membre du Conseil présidentiel de transition (CPT), a exigé, au nom du pays, le même jour, « la restitution de cette rançon et la réparation des torts du régime esclavagiste ayant duré plusieurs siècles. »

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/256771/rancon-de-lindependance-une-proposition-de-resolution-devant-lassemblee-nationale-francaise

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