L’ancien Premier ministre Joseph Jouthe a révélé que certaines de ses consignes, données en Conseil supérieur de la Police nationale (CSPN) ou en Conseil de gouvernement, étaient enregistrées puis transmises à des chefs de gangs.
« Plusieurs fois, j’ai vu mes directives circuler quelques heures après les réunions. Elles avaient été enregistrées et remises à des chefs de gangs notoires », a déclaré M. Jouthe à l’émission Panel Magik, lundi 8 décembre 2025. Interrogé sur l’identité des auteurs de ces fuites, Joseph Jouthe affirme ne pas avoir pu identifier la taupe. Il reconnaît toutefois l’existence de complicités au sein même de l’État. « Magalie Habitant, aujourd’hui incarcérée, tout le monde sait qu’elle était au service de certaines autorités du pays et qu’elle n’agissait pas seule », a-t-il cité en exemple.
Revenant sur les obstacles rencontrés à la Primature, l’ancien chef du gouvernement explique que plusieurs individus arrêtés pour trafic d’armes et de munitions ont été relâchés sans suite judiciaire. Il évoque des ordres ignorés dans des dossiers sensibles : cargaisons suspectes arrivées par bateau, armes dissimulées dans des ouvrages religieux par un pasteur de l’Artibonite, ou encore le cas d’un présumé trafiquant arrêté la veille et revenu le lendemain dédouaner une cargaison sans être retenu par la police. Interrogé sur la suspension de certaines opérations à la douane de Saint-Marc, M. Jouthe précise : « Je n’avais pas fermé les douanes de Saint-Marc. J’avais simplement imposé une restriction sur les effets personnels, qui devaient être dédouanés au Cap-Haïtien ou à Port-au-Prince. Les bureaux ont continué à fonctionner. »
Cette mesure, dit-il, était motivée par le nombre élevé de saisies d’armes dans ce port. « Nous avons réalisé 16 saisies à Saint-Marc. À chaque fois, les contrebandiers étaient interpellés… puis relâchés. Par qui ? Je ne sais pas », déplore-t-il. Il rappelle qu’en tant que président du CSPN, il ne dirigeait pas directement les opérations de police. Selon Joseph Jouthe, ces saisies représentaient près de 300 armes.
Au total, plus de 400 armes auraient été confisquées sous son administration, majoritairement de gros calibre. « Toutes ces armes se sont retrouvées dans la nature. Même les autorités qui ont effectué les saisies ne peuvent expliquer où elles sont passées », a-t-il affirmé.
Joseph Jouthe utilise une métaphore forte pour décrire l’expansion des groupes armés : « Si, à l’époque des Taïnos, l’île était divisée en cinq caciquats, lors de mon passage à la Primature, il y en avait plus de 300. Izo était un cacique, la douane était un caciquat, Ti Lapli était un cacique, Krisla était un cacique. » L’ancien Premier ministre reconnaît enfin qu’il n’avait pas anticipé que la fédération des gangs deviendrait « une force aussi puissante » que celle qui contrôle aujourd’hui de larges portions du territoire.
Source : le Nouvelliste
























