Après plusieurs mois de blocage et un échange de correspondances cette semaine entre les deux blocs opposés au sein du Conseil présidentiel, les membres du CPT et le gouvernement ont finalement organisé, mardi 24 juin, un Conseil des ministres. Les projets de décrets révisant ceux du 11 mars 2020 portant Code pénal et Code de procédure pénale, ainsi que le projet de décret référendaire 2025 ont été adoptés.
Divisés, les membres du CPT se sont regardés en chiens de faïences pendant plusieurs mois avant de s’affronter dans un jeu de correspondances cette semaine. Dans un camp il y a les conseillers présidentiels Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin et en face il y a Fritz Alphonse Jean (coordonnateur du CPT), Leslie Voltaire, Edgard Leblanc Fils et Frinel Joseph.
À la base de leur division, la répartition des postes dans l’administration publique et dans la diplomatie. Fritz Alphonse Jean reproche au ministre des Affaires étrangères la nomination de centaines de personnes « sans qualification » dans la diplomatie et au ministre de la Défense son refus d’envoyer le spécimen de signature du chef de l’armée au ministère de l’Économie et des Finances.
Parallèlement, le bloc des conseillers présidentiels Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin avait refusé de participer au Conseil des ministres depuis plusieurs mois. Ils reprochent à Fritz Jean de vouloir imposer sa loi sur les autres membres du CPT. D’où le dysfonctionnement du Conseil présidentiel.
Après un échange de correspondances, les deux blocs se sont finalement mis d’accord pour organiser le mardi 24 juin un Conseil des ministres.
« Un Conseil des ministres s’est déroulé, ce mardi 24 juin 2025, à la Villa d’Accueil, sous la direction de S.E.M Fritz Alphonse Jean, Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Les Conseillers-Présidents et les membres du gouvernement ont approuvé les Projets de Décrets révisant ceux du 11 mars 2020 portant Code Pénal et Code de Procédure Pénale, ainsi que le projet de Décret référendaire 2025 », a informé mardi la Présidence dans une note laconique.
Retour sur les échanges de correspondances
Trois jours après l’entrevue de Fritz Jean accordée à un panel de journalistes dans laquelle le coordonnateur du CPT a dénoncé une la situation de dysfonctionnement au sein du gouvernement, trois conseillers présidentiels, Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, ont envoyé, en date du 23 juin, une correspondance de « rappel » au coordonnateur du CPT pour exiger le respect strict du quorum réglementaire du CPT.
M. Jean, selon un des signataires de la correspondance, a tenté d’organiser un Conseil des ministres sans une majorité de cinq membres votants sur sept au CPT.
Moins de vingt-quatre heures après la correspondance des conseillers présidentiels Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, Fritz Alphonse Jean et trois autres de ses collègues au Conseil présidentiel, soit dans la matinée du mardi 24 juin, ont répondu à leurs collègues.
« Nous soussignés, le Président du Conseil Présidentiel de Transition, Fritz Alphonse Jean, les Conseillers-Présidents Leslie Voltaire, Edgard Leblanc Fils, Frinel Joseph, accusons réception de votre correspondance du 23 juin 2025 par laquelle vous avez pris soin de rappeler les règles relatives au quorum requis pour que le Conseil puisse valablement se réunir et décider. Nous en avons pris acte et profitons pour souligner à votre attention notre attachement viscéral au respect des principes et des règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) », écrivent ces quatre membres du CPT.
« Nous nous réjouissons d’ailleurs de ce rappel et souhaitons que vous avez également tenu compte de toutes les dispositions du Décret du 23 mai 2024 (NDLR : lisez décret du 27 mai 2024) auquel vous vous référez, afin de servir les intérêts de la République et faciliter l’atteinte des objectifs de la transition. »
Fritz Alphonse Jean, Leslie Voltaire, Edgard Leblanc Fils et Frinel Joseph indiquent à leurs collègues Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin que « les provisions légales ne se limitent pas aux seules conditions pour le quorum de réunion et de décision mais également à toute situation qui puissent faciliter la continuité de l’État. Ainsi, il y a lieu de se rappeler que des dispositions existent dans le décret pour trancher sur une décision pour laquelle le consensus ne peut être trouvé et prévoient également les conséquences qui découleront de l’infirmation du quorum ou toute situation de blocage au sein du CPT. »
« Au-delà des réunions du CPT, le Conseil des Ministres doit constituer un espace de décision stratégique pour la Nation. C’est pourquoi nous renouvelons la nécessité et l’urgence pour que le Conseil des Ministres statue sur le nouveau projet de réforme du code pénal devant contribuer au renforcement de la lutte contre le terrorisme et la corruption dans le pays. Est-ce pourquoi, nous les soussignés vous demandons de bien vouloir contribuer à la tenue aujourd’hui, mardi 24 juin 2025, de cet important Conseil des Ministres à 4h p.m. pour délibérer sur la Réforme du Code Pénal », écrivent Fritz Alphonse Jean, Leslie Voltaire, Edgard Leblanc Fils et Frinel Joseph.
Quelques heures après, le bloc au CPT composé de Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin répond en acceptant de participer au Conseil des ministres : «… en plus des décrets portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale, nous réaffirmons l’importance d’inscrire à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres le décret référendaire, prélude nécessaire à l’organisation d’élections libres, inclusives et crédibles. »
« Nous saluons les éclaircissements que vous y apportez. Ils contribuent à lever certaines incompréhensions, et participent, nous l’espérons, à restaurer le climat de confiance indispensable au bon fonctionnement du Conseil Présidentiel de Transition », affirment Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin.
« Nous retenons également votre volonté de rectifier certaines pratiques que nous avions jugées contraires à l’esprit et à la lettre des textes qui régissent le Conseil. Cette reconnaissance tardive, mais sincère, est un pas que nous accueillons avec joie, gravité et ouverture », estiment-ils
Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin exhortent à Fritz Alphonse Jean de prendre en exemple le leadership de ses prédécesseurs à la coordination du CPT,
Edgard Leblanc Fils et Leslie Voltaire, pour « maintenir l’équilibre, le dialogue habituel et la collégialité » au sein du CPT.
Ces échanges épistolaires entre les membres du Conseil présidentiel révèlent, si besoin en était, leur incapacité à diriger la transition et à répondre aux besoins réels de la population.
Alors que les groupes criminels continuent d’étendre leurs tentacules en occupant de nouveaux territoires et en semant la terreur chez la population, les membres du Conseil présidentiel de transition chargés de rétablir la sécurité dans le pays, se battent entre eux pour des postes dans l’administration publique et pour d’autres intérêts inavoués.
La Chapelle, commune du département de l’Artibonite dans l’arrondissement de Saint-Marc, est le dernier territoire envahi par les groupes criminels de la coalition Viv ansanm. Comme s’ils vivaient dans une réalité parallèle, les membres du CPT ont la tête ailleurs. Ils travaillent sur plusieurs dossiers, sauf sur ceux qui concernent une amélioration des conditions de vie de la population.
Source : le Nouvelliste
Lien : https://lenouvelliste.com/article/257503/un-conseil-des-ministres-sur-fond-de-division-au-cpt