Opinion. Jean-Marc Terrine : « 22-Mai, à Fonds Saint-Jacques : des gestes pour ouvrir et apaiser le lieu »

Le 22 mai 2025 à Fonds Saint-Jacques, les images de la célébration au dit « cimetière des esclaves » ont mis la puce à l’oreille de Jean-Marc Terrine, poète martiniquais. Il livre son point de vue.

« J’ai vu des images, photos et vidéos, d’une célébration du 22 mai en Martinique, sur le site dit du « cimetière des esclaves » de Fonds Saint-Jacques. Le mot cimetière me dérangeait encore, parce qu’un cimetière est un lieu où l’on enterre ses morts, ses défunts après un rituel-veillée, une cérémonie et un enterrement. Un lieu où l’on met le corps, « ko-a », dans un caveau ou dans la terre après l’avoir retournée, préparée. Et non un trou, une excavation où on lâche des morts sans être préparés pour un voyage aux pays des sans chapeaux.

C’est cette histoire, notre histoire post-esclavagiste qui me permet, avec le temps de comprendre pourquoi nos grands-parents et même nos parents avaient ce regard sur la mort. Partir, oui, c’est la vie mais dignement : veillée, cérémonie religieuse, enterrement dans un cimetière et surtout ne pas être inhumés dans la terre mais dans un caveau. Quand on ne connaît pas bien tous les pendants de notre histoire, cela peu amuser la galerie. Mais cette phobie de la terre, cette blesse commence à trouver son explication avec le temps.

Des rituels pour quitter ces lieux de souffrance

Jean-Marc Terrine était l’un des invités du festival Mai.Poésie de Balisaille.

Ce 22 mai 2025 à Fonds Saint-Jacques, ces images de la célébration au dit « cimetière des esclaves » m’ont mis la puce à l’oreille. Cette absence de signalétique d’une manière générale de ces « coins-cimetières » réservés à l’époque aux esclaves morts ne pouvaient pas prétendre à la terminologie de cimetière. Et ne peuvent toujours pas être nommés cimetières sans des gestes propitiatoires. Jeter des « bois d’ébène, des choses, des personnes sans humanité » dans un trou faisait partie de l’ordre des choses rappelées dans le code noir.

Alors, pour maintenant nommer ces lieux de mémoire, ces « dits cimetières », et pour nos morts, il faut les célébrer. Il faut des rituels pour apaiser leurs âmes qui errent encore pour qu’elles voyagent, pour qu’elles quittent ces lieux de souffrance. Et qu’elles trouvent le repos.

Ces célébrations ce soir, à Fonds Saint-Jacques sont là pour nous apaiser, apaiser ces lieux. Des gestes pour dire à nos ancêtres dans les « dits cimetières ». Des chants, des paroles dans des célébrations. Des prières et de la lumière pour apaiser ceux qui sont partis : les ancêtres. Et métamorphoser ces lieux en bons-lieux. Une veillée. »

Jean-Marc Terrine, poète martiniquais, auteur, entre autres, de Contes & paroles bèlè : Polyphonie et esprit des bons-lieux (Jean-Benoît Desnel éditions)

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