Opinion. Le couvre-feu n’est qu’un cache-misère

PAR OLIVIER NICOLAS*

Aux problèmes de fond récurrents, la Macronie ne sait décidément pas répondre autrement que par une vieille méthode éculée : une annonce destinée à marquer les esprits et à saturer l’espace médiatique.

Qu’importe si son efficacité est plus que douteuse, du moment que ses soutiens locaux applaudissent comme pour faire oublier leur part de responsabilité dans les défaillances des politiques publiques locales et, notamment, dans la lutte contre la pauvreté.

Le couvre-feu nocturne annoncé par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin visant les mineurs à Pointe-à-Pitre pendant deux mois n’est ainsi en rien une réponse à l’insécurité et aux violences grandissantes dans la zone pointoise.

Lorsque le maire Harry Durimel, par un coup d’éclat sur les réseaux sociaux, avait qualifié sa propre ville de « coupe-gorge », c’était à l’issue d’une balade en plein jour dans les rues. En quoi un couvre-feu nocturne ciblé sur les mineurs réglerait donc quoi que ce soit ?

Et même en imaginant que cette mesure ait un impact positif, lorsque l’on sait que Pointe-à-Pitre et Les Abymes sont non seulement limitrophes mais mitoyennes en tout point, en quoi une mesure seulement ciblée sur « Lapwent » pourrait-elle être crédible ?

Enfin, si le couvre-feu nocturne était si efficace, comment comprendre qu’il ait fallu attendre la visite d’un ministre pour l’annoncer, alors qu’une telle mesure aurait pu être prise depuis longtemps, en lien avec le préfet, par le maire lui-même qui en a la compétence au titre de ses pouvoirs de police ?

Les socialistes de Guadeloupe ne peuvent que qualifier ce couvre-feu de « cache-misère » car il détourne l’attention vers les mineurs qui, hors vacances scolaires, ne sont en réalité pas si nombreux à circuler dans les rues pointoises la nuit.

Or, notre attention – politique comme citoyenne – doit rester focalisée sur les moyens dont manquent aujourd’hui cruellement les services de police, comme le sénateur Victorin Lurel l’a expliqué dans un courrier adressé au ministre de l’Intérieur il y a plusieurs semaines : une compagnie départementale d’intervention de la Police nationale dont les effectifs ont été réduits de moitié à 60 agents, soit un nombre largement insuffisant pour assurer des missions de patrouille, mais aussi de prévention dans les quartiers ; une Police nationale qui ne dispose même pas de chiens spécialisés dans la recherche de stupéfiants et qui doit dépendre pour cela de la Gendarmerie ou de la douane ; des moyens insuffisants pour surveiller nos côtes qui sont le point d’entrée de la drogue et des armes ; des opérations « place nette » ponctuelles alors que la situation appelle une action qui s’inscrit en profondeur, dans le moyen et le long-terme.

Le ministre de l’Intérieur sera-t-il interpellé sur ces besoins ? Même pas, car il a refusé de recevoir les syndicats de police alors même qu’à son programme figurent ce jeudi des rencontres avec les différents services de l’Etat.

Le président de la République aime à répéter : « l’ordre, l’ordre, l’ordre ». Le gouvernement se contente d’appliquer : « la com, la com, la com ».

*Premier secrétaire fédéral
Secrétaire national aux Outre-mer

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