PAR RAPHAËL CONSTANT*
Trois morts au petit matin de ce dimanche 11 mai 2025.
Trois nouvelles blessures fichées dans notre société.
Nous en sommes à 12 tués depuis le début de l’année par des faits de violence (hors l’insécurité routière).
C’est une hécatombe.
Cela traduit l’échec de la politique pénale menée à la Martinique depuis de nombreuses années.
La répression systématique, l’incarcération comme règle de résolution de la délinquance, l’absence de prévention, les déclarations de guerre des autorités, tout cela mène à une dégradation de la situation sécuritaire à la Martinique.
Les déclarations tonitruantes du nouveau procureur de la République et du nouveau directeur de la Police Nationale appelant à la “fermeté” et à soutenir une prétendue “majorité silencieuse”, cela tient du discours démagogique en appui à une politique pénale tout à la fois irréaliste et dangereuse.
Ce qui se passe à la Martinique s’est passé dans tous les pays où la répression a primé sur la prévention : ni la délinquance, ni la violence n’a diminué.
Au contraire, elles se sont amplifiées.
Ce n’est pas le narcotrafic qui engendre la violence. C’est le combat éculé contre le narcotrafic qui est un échec patent en France et en Martinique tout particulièrement, c’est cela qui engendre la violence.
Il est vrai que la Martinique est une des voies de passage de la cocaïne d’Amérique du Sud vers l’Europe. Cela fait que se sont constitués dans notre pays des groupes de plus en plus structurés avec des enjeux financiers de plus en plus importants. Ceci a été possible car la lutte contre la drogue s’est concentrée sur les voies de passages et pas sur le territoire martiniquais.
L’obsession répressive des autorités est d’empêcher que la drogue arrive en Europe et non qu’elle n’arrive pas en Martinique et y reste.
La plupart des experts internationaux considère que la lutte française contre la drogue est un échec et ce n’est pas la nouvelle loi faisant fi des libertés publiques qui va y changer grand chose.
Mais cet échec français s’est amplifié en Martinique avec notre structure sociale en crise, le chômage de masse, l’augmentation de la misère, etc…
Contrairement à ce que crient les syndicats de policiers, les élus politiques et les ministres de passage, la Martinique n’a pas besoin d’autres forces répressives et de fermeté. Cela ne marche pas et amplifie la crise.
La Martinique, son peuple et surtout sa jeunesse ont besoin de travail, de respect, de prévention, de bienveillance.
Et surtout pas de “Papa blanc” nous faisant la leçon.
Le taux d’incarcération en Martinique est 2,5 fois supérieur à celui de la France et cela n’a pas diminué la dérive sociale. Le CP de Ducos est la meilleure école du crime et de la délinquance. Les jeunes qui y sont mis en masse sont souvent des primodélinquants qui sortent quelques mois ou années après comme des personnes avertis et n’ayant pas froid aux yeux.
Comme pour la contestation sociale, nous sommes face à un Etat véritable géant aveugle, soutenu par des nains liliputiens, qui ne pense qu’à taper et à écraser.
Cette politique pénale répressive est un échec social et nous amène vers le mur.
Car la situation pourra devenir pire.
Cela fait quelques années que je prêche (un peu seul, il est vrai) un revirement total de la politique pénale en Martinique. Mais le discours démagogique de lé répression tient encore le haut du pavé.
Le pouvoir français reste intraitable. Les élus réclament plus de moyens pour la répression.
Nous sommes en plein délire irresponsable.
Une Justice française qui (sans être exhaustif) n’a pas su établir la vérité dans le crash de 2005, trouver et punir les responsables (pourtant connus) de l’empoisonnement au chlordécone, protéger l’emploi des Martiniquais, n’est pas capable, en l’état de ses choix, de lutter contre la délinquance et la violence en Martinique.
Ces questions sont politiques au sens plein du terme et il faut que les martiniquais ne laissent pas à d’autres le soin de les amplifier.
Il est temps que les femmes et hommes qui aiment leurs pays, leur jeunesse et l’avenir de leur peuple le crie.
Raphaël CONSTANT
Avec l’aimable autorisation de Raphaël Confiant qui a publié ce texte sur Fondas Kréyol