Opinion. Une vie de forçat

PAR PROSPER CONGRÉ*

On entend souvent dire, que « la vie n’a pas de prix » et pourtant en Guadeloupe, tout particulièrement, et notamment dans le Sud Basse-Terre, cette zone dénommée « Grand Sud Caraïbes », on semble vouloir faire l’impasse depuis 8 ans (août 2017), avec ces fermetures à répétition de la piscine de Rivière-des-Pères, sur la vie de générations d’enfants et d’adultes !

9 années scolaires sans savoir nager !

Dans moins d’un mois, à la rentrée scolaire de septembre, on sera, au sein de l’Académie de Guadeloupe, à la… 9e rentrée scolaire consécutive sans piscine à Basse-Terre ! La piscine de Rivière-des-Pères, autrefois bassin olympique à avoir accueilli à deux reprises les équipes nationales d’une douzaine de pays participant à la Coupe Latine (la dernière en avril 1999) et préparant les JO risque d’être encore fermée ! Rien, en tous les cas, à ce jour, ne laisse présager d’une énième hypothétique réouverture !

La piscine de Rivière-des-Pères qui reste pourtant la seule de toute cette partie du territoire entre les Abymes et Baie-Mahault, des deux côtés de la Guadeloupe, que ce soit côté Nord comme côté Sud ou Côté Côte sous-le-vent à pouvoir accueillir les enfants scolarisés de quasiment la moitié des communes de la Guadeloupe !

Un vide abyssal

Entre septembre 2017 et aujourd’hui, c’est toute une génération d’enfants devant accéder en classe de 6e au collège et sortir du lycée après le BAC en classe de terminale à ne pas avoir pu apprendre à nager ! Des dizaines de milliers d’enfants !

Alors que la natation est incluse dans le programme obligatoire de la pratique des disciplines à maîtriser à l’école !
Un enfant qui ne sait pas nager sur une île sur laquelle il a pris naissance, y grandit et y vit subit une catastrophe humanitaire !
Apprendre à nager, notamment sur une île comme la Guadeloupe, doit être aussi important qu’apprendre à lire, à écrire et à compter !

Ne pas donner les moyens à nos enfants d’acquérir ces compétences et cette capacité du Savoir Nager, c’est les condamner à avoir un temps de vie plus limité que ceux qui ont appris à le faire. C’est les limiter dans leur facultés de se développer, de se nourrir, de s’alimenter, de s’épanouir, de s’émanciper.
C’est aussi les restreindre dans leurs choix d’études et professionnels et donc de vie.
C’est une forme de condamnation.

Des emplois qui se perdent, un pays qui coule

Je ne sais pas nager donc je sais pas sauver les autres et je ne sais pas moi-même me sauver !
Je ne peux donc pas surveiller, ni protéger, ni encadrer, ni enseigner !

Aujourd’hui en Guadeloupe, on forme des surveillants de baignade (BSB), des sauveteurs aquatiques (BNSSA – SSA) et des maîtres nageurs (BPJEPS AAN) mais on ne recrute pas !

Pourtant sur les 270 sites confondus potentiels de baignades, 100 pourraient faire l’objet d’un poste de surveillance et d’un poste de secours. Chacun pouvant être emmené à créer, en moyenne, trois emplois soit six pour les deux postes sur le même site… et aboutir à la création de 600 emplois !

La réponse avancée par certains du « trop cher » ne tient pas la toute. Surtout quand on regarde le gouffre financier créé par un effectif excessif dans des collectivités sur-alimentées en personnels sous exploités et sous rentabilisés.

Il y a une réflexion à mener, un redéploiement à effectuer et surtout des priorités à redéfinir. La solution est politique et collective. Elle doit être réfléchie, évaluée et aller dans le bon sens.

Il en va dans l’intérêt de tous et notamment d’un vrai rééquilibrage du territoire et de notre société pour un mieux-vivre ensemble dans un espace sein, sécurisé et porteur d’avenir et d’espoir.

*Professeur EPS à la retraite
Président CNRBT
Président CDSSG 971 FFSS

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