Politique. « La Guadeloupe doit pouvoir penser et construire son propre avenir »

C’est Camille Pelage qui s’exprime ainsi. Vice-président du Conseil régional, il est intervenu longuement en plénière de la Région, lundi 20 octobre. Un véritable plaidoyer pour soutenir les résolutions du Congrès des élus de juin.

« Il nous parait nécessaire de poser cette intervention pour bien marquer les raisons qui ont marqué la position des 25 élus de la majorité lors du dernier congrès, de même que le courrier que nous vous avons adressé. »

Il poursuivait : « Le vote que nous allons adopter est bien plus qu’un simple acte politique.

C’est l’aboutissement d’années de réflexion, d’écoute et d’échanges avec les Guadeloupéens, profondément interpellés par la situation de notre territoire.

Depuis des années, en qualité d’élus de terrain, nous parcourons la Guadeloupe à l’écoute de nos compatriotes. Depuis 2022, ce sont multipliés séminaires, bik a pawol, forums citoyens, où s’est exprimée une intelligence populaire.


Avec le recul que nous avons aujourd’hui, renforcé de ces milliers de témoignages, est née une conviction : la Guadeloupe doit pouvoir penser et construire son propre avenir.

Frantz Fanon rappelait : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. »
Nous avons choisi, nous, de la remplir.

Un point d’étape, pas une fin

Ce travail collectif, confronté à l’expertise de nos universitaires, de nos techniciens, de cabinets reconnus pour leur expertise, et nourri par les expériences d’autres territoires, a donné naissance aux quatre résolutions du Congrès du 17 juin.

Ce 17 juin n’est pas une fin en soit. Cependant, c’est un point d’étape essentiel.

Une feuille de route claire, fixant les objectifs à atteindre.

Car même ensemble, nous n’irons ni plus vite, ni plus loin, si nous ne savons pas où nous voulons nous rendre.

Ne pas craindre la peur

Nous entendons les craintes légitimes de certains socio- professionnels, des syndicats, des agents territoriaux.

Mais la peur ne doit pas nous paralyser.
La peur est utile quand elle appelle à la prudence, pas à l’immobilisme.


Saint-Martin, Saint-Barthélémy, hier communes de Guadeloupe, aujourd’hui des collectivités majeures de plein exercice, la Martinique, la Guyane, tous des territoires qui vivent des réalités identiques aux nôtres, ont commencé à cheminer, sans le regretter, malgré les embûches, sur le chemin de la responsabilité.

Le train de l’histoire est en marche !
Notre avenir ne peut plus continuer à s’inscrire en marge des textes de loi votés au national, comme une variable d’ajustement politique, tout comme le ministère qui nous est dédié !

Avec tous les problèmes que nous rencontrons dans l’exercice de nos missions à cause de ces réglementations qui ne correspondent pas aux réalités des guadeloupéens, comment peut-on encore penser, ou faire penser que nos spécificités, nos réalités, nos singularités, la solution à nos problèmes seraient mieux prises en compte dans un décret d’application écrit par un fonctionnaire de l’Etat dont la seule connaissance du territoire remonte au dernier reportage télévisé, plutôt que de faire confiance à nos propres élus, que nous choisissons par le suffrage universel et qui vivent nos réalités !

Il est indispensable de clarifier une fois pour toute sur nos territoires, qui est responsable de quoi ? Il est temps d’appliquer un principe simple de l’identification d’un seul responsable par politique publique.

Il est grand temps de se débarrasser du syndrome provoqué par la peur de l’abandon, pour se parer de la lucidité et de la clairvoyance !
Le système que nous combattons est puissant. Il est à la manœuvre depuis des siècles.

Telle une intelligence artificielle, ceux qui profitent du système sont arrivés à ancrer dans nos têtes, par des images détournées de nous même, que nous devons plus nous méfier de ceux et celles que nous avons choisis par les urnes, que de ceux et celles qui, assis dans un bureau à 8 000km, tirent les ficelles.

Permettez donc, que nous empruntions le questionnement d’Aimé Césaire : Quand donc cesserons-nous d’être le jouet sombre au carnaval des autres, ou dans les champs d’autrui, l’épouvantail désuet ?

Décoloniser nos esprits

Il n’y a ni dignité, ni salut dans la dépendance !
Décolonisons définitivement nos esprits !
Le 17 juin, l’écrasante majorité des élus régionaux, départementaux, et des maires de Guadeloupe, a décidé de surmonter les clivages politiques et les ambitions personnelles pour faire confiance à l’intelligence collective des Guadeloupéens.
 Certes, certains s’évertuent à relever telle ou telle de nos insuffisances, que nous devons effectivement assumer pour mieux les combler, mais reconnaissons aussi fièrement nos réussites : les routes, les lycées, les collèges — souvenons-nous de leur état avant le transfert de ces compétences !
Et sur le dossier de l’eau, sachons dire que la DAAF était payée pour indiquer aux maires les décisions à prendre, et que le SMGEAG fut d’abord une injonction de l’État.

Alors oui, réclamons en toute sérénité notre droit d’inventaire. Les guadeloupéens ont en réalité tout à gagner dans la décentralisation de certaines compétences et responsabilités au niveau local, avec des moyens budgétaires et fiscaux et un pouvoir normatif !

Penser et agir pour la Guadeloupe

Notre responsabilité, aujourd’hui, n’est pas seulement de voter.

Elle est de porter une vision, d’assumer une volonté claire : que la Guadeloupe puisse penser, décider et agir par elle-même. Que nous, guadeloupéens, puissions enfin, avec nos équipes administratives et techniques trouver par nous même, des solutions pour nous même.
Dans la mesure où nous partageons le même amour pour la Guadeloupe, que nous sommes animés de l’intime conviction, chacun, d’avoir les bonnes solutions, les bonnes méthodes, nous devrions, lorsque l’occasion nous est donnée, accepter, en toute humilité, la pierre que l’autre a posée comme une avancée, et poser la nôtre comme une contribution supplémentaire à la construction de la maison commune.

Nous nous devons, dans l’intérêt supérieur de notre pays, de rassembler nos énergies, nos forces, nos déterminations, pour participer, chacun à notre manière, à la construction d’une Guadeloupe nouvelle, plus solidaire, plus responsable. La mission de préfiguration visant à identifier et structurer des blocs de compétences cohérents entre le Département et la Région, dans une logique de complémentarité, de lisibilité et d’efficacité des politiques publiques, confié à Elie Califer et à André Attalah s’inscrit dans cette démarche.

Nous, élus de la majorité, nous entendons simplement, en toute responsabilité, en toute lucidité, accomplir la mission qui est la nôtre : être les jardiniers de ce rhizome guadeloupéen — lucides, courageux, solidaires.

À partir de ce vote, nous souhaitons qu’il vous soit confié, comme il se doit et comme vous le réclamez, à vous, collaborateurs, administratifs, techniciens, CCEE, CESER, la mission de nous proposer la bonne méthode, les bons moyens, les bons contre pouvoirs, les bons organes de concertation, le bon timing nécessaire pour atteindre les objectifs que nous vous fixons dans cette feuille de route, au nom des guadeloupéens.

Concernant le débat sur l’article 73 ou 74 de la Constitution française, et comme vous l’aviez rappelé Président en commission adhoc, en l’état actuel du droit constitutionnel, il est vrai que les demandes que nous formulons dans ces résolutions, afin de pouvoir satisfaire l’intérêt supérieur des Guadeloupéens, s’inscrivent bien dans l’article 74.

Cependant, dans la perspective d’une révision institutionnelle qui changerait la donne, c’est bien volontiers que nous demanderons la tenue d’un nouveau congrès pour ajuster nos positions.
Mé sa ki an bek, pa an fal ! Dit le sage. Donc vous l’aurez compris, qu’il s’agisse de 72, 73, 74 ou 73 renforcé demain, voir même d’un article 2000, l’important c’est que les guadeloupéens s’y retrouvent !

Qu’on se le dise, en responsabilité, en pleine lucidité, nous ne sacrifieront pas l’intérêt des guadeloupéens pour le contenant ! »

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