Haïti. La population haïtienne, en holocauste, n’est la priorité de personne

L’ONU a dénombré au moins 6 500 morts violents en Haïti ces quinze derniers mois.

Les gangs, alliés de certains politiques, d’anarchistes, crachent les feux de l’enfer sur la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Le siège de la capitale aggrave l’insécurité alimentaire qui touche près de 5 millions de personnes dans le pays, soit un haïtien sur deux. La population haïtienne, en holocauste, n’est la priorité de personne. New York, Washington, Bruxelles sont occupés à autre chose.

Le chaos total s’est installé au niveau de la zone métropolitaine depuis le 29 février 2024. Signant une nouvelle alliance dénommée « Vivre ensemble », les gangs déchainent les feux de l’enfer sur la population civile. Ils ont attaqué des quartiers, laissé dans leur sillage des cadavres, incendié des commissariats de police, des écoles, des hôpitaux, des pharmacies, des entrepôts de quartier, des facultés, des véhicules privés, des maisons, des banques commerciales, des maisons de transfert d’argent, des usines.

A l’actif de ces criminels, il y a l’évasion de plus de cinq mille prisonniers après la mise à sac de la prison civile de Port-au-Prince et de celle de Croix-des-Bouquets. En plein déferlement de violence, d’incapacité chronique et connue de la PNH à mater ces bandes de criminels, le Premier ministre Ariel Henry, critiqué, dépourvu de réalisations claires au plan politique et sécuritaire, a été poussé vers la sortie par les Américains et la Caricom.

Le plan proposé pour le remplacer butte sur toutes sortes d’obstacles depuis mi-marsLe Conseil présidentiel de transition accepté par la Caricom et la communauté internationale est encore dans les limbes. Le temps dira sa vérité sur le choix d’associer à ce conseil présidentiel de transition des forces politiques ayant attisé la mise à sac de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, des attaques contre la police et des institutions publiques. 

Entre-temps, le ciel de Port-au-Prince ne voit passer que des hélicoptères venus non pas secourir les locaux mais évacuer les étrangers. L’aéroport international Toussaint Louverture est fermé comme les ports de la région métropolitaine et ils ne rouvriront pas de sitôt. Après un mois de mars terrible, le mois d’avril a compté son premier jour dans le feu et le sang. La mort, le feu et les pillages ont chevauché ensemble, au grand dam des résidents de plusieurs quartiers de la capitale.

Sur les « desks », Haïti a capté l’attention des éditeurs, refait les manchettes de la presse internationale depuis plusieurs semaines. Encore une fois. Mais finalement, après les 5000 morts dénombrés en 2023 par l’ONU et les 1500 tués recensés depuis le début de l’année 2024. Finalement après les blessés par balles dépassant largement le nombre des tués. Finalement après les milliers de victimes du kidnapping de ces seize derniers mois. Finalement après le viol de centaines de filles et de femmes, emmurées dans le silence, contraintes de puiser au tréfonds d’elles la force pour survire. Finalement après des dizaines de milliers de déplacés, contraints de fuir la violence des bandes armées dans plusieurs communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Réfugiés dans des écoles publiques, sur des places publiques avec leurs familles, des milliers d’enfants s’entêtent à mettre du sens sur ce sort qu’on leur fait, ce choix d’assassiner leur avenir. Plus obtus, des enfants, des écoliers, livres en main, s’accrochent encore à leurs rêves, à leur envie de savoir, de découvrir le monde, les connaissances sur l’art, la culture, les mathématiques.

Finalement après le siège de la capitale par les bandes de criminels, la destruction de quartiers populeux et de leurs petites chaînes d’approvisionnement, la fermeture de l’aéroport international Toussaint Louverture et l’arrêt des opérations portuaires ont aggravé l’insécurité alimentaire. Près de 5 millions de personnes, soit un Haïtien sur deux, vivent dans l’insécurité alimentaire. Le PAM s’inquiète encore plus pour 1,6 million, en phase d’urgence, qui risque de basculer dans la famine.

Outre les communiqués reprenant les mêmes éléments de langage, les Nations unies font le service minimum. Les contributions pour financer les actions humanitaires sont modiques, ridicules et dérisoires, comme celles pour aider au renforcement de la PNH. Le Conseil de sécurité, après une multitude de réunions d’information sur la crise haïtienne ces deux dernières semaines n’a adopté à date aucune résolution sur la crise Haïtienne. Nul ne sait si Haïti continue de faire les frais de l’affrontement classique entre la Russie, la Chine d’un côté, les USA, le Canada, la France de l’autre. 

La seule certitude est que la crise Haïtienne s’est largement détériorée, que l’administration Biden devra colmater les brèches de l’échec de sa diplomatie, de ses diplomates. Quelques semaines après avoir conduit une campagne dans la presse pour dire qu’il n’y aura pas de transition dans la transition, le chargé d’affaires de l’ambassade des USA, Eric Stromayer, a simplement vu le changement de cap décidé par ses supérieurs qui ont poussé le Premier ministre Ariel Henry vers la sortie. Le sort fait à un fonctionnaire est anecdotique par rapport à celui du peuple Haïtien.

Pour le moment, le président Joe Biden a ordonné l’octroi de 10 millions dollars d’armes, de munitions du stock du département de la sécurité intérieure. Il va falloir attendre la livraison, savoir s’il y a des troupes motivées, voir si cette dotation aura un quelconque impact sur le terrain. Si certains prient pour une intervention militaire, une mission de la paix des casques bleus, cette option n’est ni avancée ni totalement écartée. En cette année électorale, le président Joe Biden qui a rapatrié ses « boys » de l’Afghanistan ne serait cependant pas enclin à envoyer des troupes en Haïti.

« No boots on the ground » semble être la ligne de cette administration comme l’a été la fameuse « Haitian led solution ». Mais, sans rééquilibrage des forces sur le terrain, la remise en confiance et en état de la PNH, l’option politique qui sera choisie au bout du processus politique en cours sera fragilisée par les acteurs violents, les gangs, les anarchistes et leurs alliés. Sur l’autel des mauvais choix politiques, du cynisme des uns et des autres, du faire semblant de pays amis à aider Haïti à sortir de ce bourbier, il est un holocauste : la population civile…

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/247490/la-population-de-port-au-prince-en-holocauste-la-communaute-internationale-occupee-a-autre-chose

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