L’écrivaine haïtienne Yanick Lahens a été retenue, mercredi 3 septembre, dans la première sélection du Prix Goncourt 2025 pour son roman Passagères de nuit. Ce roman, paru en août dernier aux éditions Sabine Wespieser en France, fait partie des 15 œuvres qui ont capté l’attention du jury pour la première des quatre phases de ce prestigieux concours.
Contactée par Le Nouvelliste, Yanick Lahens s’est exprimée en ces termes : « Je suis la première étonnée », confie l’auteure, encore sous le choc de sa sélection. « C’est un livre dont j’étais très peu sûre », reconnaît-elle, « écrit en Haïti dans des conditions très difficiles, sur un sujet éloigné de la France et publié dans une petite maison d’édition ». « La nouvelle fait plaisir évidemment », a ajouté la lauréate du Prix Femina 2014 pour son roman Bain de lune. Questionnée sur l’humilité qui la caractérise malgré sa notoriété, l’autrice de Guillaume et Nathalie croit qu’ « Il vaut mieux la discrétion dans un pays et un monde dans lesquels le bruit et la fureur prédominent ».
L’ancienne professeure à l’École normale supérieure (ENS) de Port-au-Prince, qui se dit surprise de cette première sélection au Prix Goncourt du roman, souligne également avoir « reçu, contre toute attente, le Prix Femina en 2014 ».
Par ailleurs, l’Académie Goncourt a tenu à rappeler les dates fatidiques du processus de consécration du prochain Prix Goncourt 2025. « Les académiciens Goncourt viennent d’annoncer ce mercredi 3 septembre la première sélection du Prix Goncourt 2025. La deuxième sera dévoilée le mardi 7 octobre, les quatre finalistes connus le 28 octobre. Le Prix Goncourt sera proclamé le mardi 4 novembre », a indiqué l’Académie sur ses réseaux sociaux.
Il convient de préciser qu’à ce jour, aucun écrivain haïtien n’a remporté le Goncourt, prestigieux prix littéraire français, dans sa version principale (celle du roman). Toutefois, plusieurs auteurs haïtiens ont été finalistes ou lauréats de distinctions associées à ce prix. On peut citer :
- Louis-Philippe Dalembert, Prix Goncourt de la poésie (catégorie inaugurée dans les Goncourt de printemps) en mai 2024, pour l’ensemble de son œuvre ;
- Makenzy Orcel, Choix Goncourt United States (version internationale du Goncourt, attribuée par des étudiants francophones aux États-Unis) en 2023 pour Une Somme humaine.
À noter également qu’en 1955, l’écrivain Jacques Stephen Alexis a été finaliste du Prix Goncourt pour son roman phare Compère Général Soleil. En 2011, Lyonel Trouillot a été finaliste avec son roman La Belle Amour humaine, et en 2021, Louis-Philippe Dalembert l’a été avec Milwaukee Blues. L’année suivante, Makenzy Orcel figurait dans la première sélection du Prix Goncourt 2022 pour son roman Une Somme humaine.
Finaliste du Prix Goncourt de la Nouvelle 2019 pour son recueil L’oiseau Parker dans la nuit, publié aux éditions Sabine Wespieser, Yanick Lahens, si elle venait à remporter le Prix Goncourt du roman pour Passagères de nuit, réaliserait une grande première dans l’histoire de la littérature haïtienne.
À propos de Passagères de nuit
Le roman s’ouvre en 1818, à La Nouvelle-Orléans, où naît Élizabeth. Victime de deux tentatives de viol, elle refuse d’être une proie et oppose une résistance farouche aux prédateurs, y compris à un ami de son père. Dans cette ville où les hiérarchies raciales et sociales dessinent des frontières étouffantes, elle puise dans l’exemple de sa grand-mère, une ancienne esclave venue d’Haïti, une force nouvelle. Affranchie au début du siècle, cette aïeule a bâti sa liberté pierre après pierre, devenant une commerçante respectée et refusant toute soumission au désir masculin.
À travers ce récit, Yanick Lahens remonte le fil de son héritage pour redonner chair et lumière aux femmes de sa lignée, celles qui, de génération en génération, ont opposé la vaillance à la violence et l’insoumission aux conventions.