Guadeloupe. Le défaut de paiement, la plaie des entreprises

Excellente initiative que celle de l’UDE-MEDEF Guadeloupe, partenaire de l’Association des maires de Guadeloupe : organiser, dans le cadre du Salon des maires, au CWTC, un séminaire sur le défaut de paiement.

Jérôme Mandrillon, délégué général des Assises des délais de paiement, Thierry Beltrand, directeur régional de l’IEDOM, Jean-Yves Le Gall, directeur régional des finances publiques

Le défaut de paiement, c’est quand une entreprise a envoyé sa facture ou déposé sa facture sur Chorus et qu’elle n’est réglée par un virement que passé le délai de 30 jours pour une entreprise ou une collectivité, 50 jours pour un établissement de santé ou l’armée.

Réunis autour de Bruno Blandin, président de l’UDE-MEDEF, Jocelyn Sapotille, président de l’association des maires, et un panel de spécialistes de haut vol : Jean-Yves Le Gall, directeur régional des finances publiques, Thierry Beltrand, directeur régional de l’IEDOM, Jérôme Mandrillon, délégué général des Assises des délais de paiement, Steve Manlius, président de la Chambre régionale des commissaires aux comptes.

Bruno Blandin, président de l’UDE-MEDEF :

« Il s’agit d’une première Outre-mer ! », a dit Bruno Blandin pour présenter cette initiative partenariale public-privé mise en place avec l’Association des maires de Guadeloupe.
« C’est la marque d’un partage de valeur citoyenne. Car, le défaut de paiement concerne tout le monde à un degré ou à un autre. »
Sans stigmatiser quelque collectivité que ce soit, Bruno Blandin a néanmoins souligné que « les délais de paiement sont mauvais pour ce qui est des communes. » 
Et ajouté qu’il faut désormais réagir vigoureusement à tous les niveaux pour changer la donne, identifier les lenteurs, définir les mesures correctives et les appliquer.

Un défi qu’il faut relever ensemble,
souligne Jocelyn Sapotille

Jocelyn Sapotille, président de l’Association des maires : « Il s’agit là d’une question fondamentale… »

Et de développer un engrenage périlleux : « Les collectivités ont des difficultés financières pour honorer les commandes donc elles vont diminuer ces commandes… Ce qui est très dangereux car, comment garder un rythme qui respecte la capacité financière des collectivités et soutienne l’économie ? »

Selon le maire de Lamentin, féru de finances publiques, il faut se poser les questions : comment créer une planification avec les entreprises ? Comment créer avec la DGFIP et les banques une méthode pour maintenir le flux ? Un défi à relever ensemble. En fait, selon l’élu, les cas de figure varient selon les capacités des collectivités : certaines n’ont pas de capacités financières, certaines en ont mais pas de projet, d’autres encore, et ça existe toujours aujourd’hui, certaines collectivités ont les capacités financières, les projets, la possibilité d’être soutenues, mais n’ont pas l’ingénierie… les personnes adéquates pour remplir les dossiers.

Une présentation des études sur les délais de paiement par la présidente de l’Observatoire des délais de paiement, Virginie Beaumenier, a permis d’en savoir plus au niveau national.

Ainsi, on a constaté qu’après 2 ans de covid il y a une réduction des délais de paiement, avec une évolution favorable du service aux entreprises à 60 jours, une réduction des retards de paiement à 12 jours. L’impact du retard est estimé à 12 milliards d’euros au niveau national.

Une solution est la facture électronique, mais ce n’est pas un remède miracle, reconnaît la spécialiste qui craint une nouvelle glissade des délais de paiement en 2023.

Thierry Beltrand, directeur régional de l’IEDOM :

Thierry Beltrand, directeur régional de l’Iedom, émanation de la Banque de France a fait le tour des données — Rapport annuel sur le site https://www.iedom.fr/iedom/publications/rapports-annuels/rapport-annuel-sur-les-delais-de-paiement/article/rapport-annuel-2022-des-delais-de-paiement-pratiques-par-les-entreprises-et-les-organismes-publics-des-dcom

En 2021, pour les entreprises, les délais de paiement sont plus longs mais mieux orientés.
Ainsi, les délais de règlement sont à 55 jours de chiffre dans les DOM, à 54 jours en Guadeloupe, soit une baisse de 6 jours par rapport à 2020.
Les délais de paiement fournisseurs sont à 66 jours en Guadeloupe.
37% des entreprises subissent des retards, dont 3% au-delà de deux mois en plus des deux mois réglementaires. Dans le BTP, la moyenne dépasse les 120 jours…

« Les TPE règlent le mieux leurs fournisseurs, relève M. Beltrand, les 2/3 d’entre-elles respectent le mieux les délais. »
Les délais de paiement sont pour l’État à 13,9 jours au plan national, à 19,9 jours dans les DOM.
Le délai global de paiement de la commande publique est de 16,9 jours au plan national, 19,3 jours dans les DOM, « les délais pour la Guadeloupe sont, disait M. Beltrand, excellents : 9,5 jours. »
Le taux de paiement à 30 jours est de 95%.

Le délai global de paiement est
de 92 jours en Guadeloupe

Pour ce qui est des collectivités locales, c’est une autre affaire. Le délai global de paiement est de 92 jours en Guadeloupe, le plus élevé de tous les DOM.  
Pour les régions des Outre-mer, la moyenne est à 62,6 jours contre 29,5 jours dans l’Hexagone.
Pour les communes c’est 49 jours, la santé 109 jours…

Jérôme Mandrillon, délégué général des Assises des délais de paiement, a fait la synthèse des études.  

Les retards de paiement sont toujours importants même s’ils ont baissé. Le retard moyen est de 22 jours (à rajouter aux 30 jours légaux). Pour la Région Guadeloupe c’est 13 jours, pour la CTM 22 jours.
Les délais de paiement accusent 22 jours de retard pur l’administration publique…

Steve Manlius, président de la Chambre régionale des commissaires aux comptes, a rappelé le rôle de l’ordre :
. la certification des comptes
. la procédure d’alerte
. le déclenchement des poursuites s’il y a un lézard dans les comptes de l’entreprise.
« L’impact des délais de paiement sur la pérennité de l’entreprise n’est pas négligeable. Très souvent, les difficultés de trésorerie sont liées au recouvrement des créances sur les collectivités… », a-t-il résumé.

Pour ce qui est des délais de paiement, ils sont supérieurs, confirme-t-il, à ceux de l’Hexagone : ainsi, quand c’était 68 jours en 2017, le délai réel était de 153 jours…

Une certification des collectivités a été tentée, comme on certifie certaines grandes entreprises pour qu’elles acquièrent de la notoriété. La première année 20/21 dont la comptabilité a été soumise à certification ont démontré une impossibilité de certifier. La deuxième année 7/22 ont démontré l’impossibilité et le verdict a été réservé pour 14 autres. « Or, soulignait Me Manlius, 98% des entreprises privées sont certifiées… »

Il y a eu 523 000 mandats en 2022,
dont 94% sont des dépenses de fonctionnement

Jean-Yves Le Gall, directeur régional des finances publiques, s’est montré direct et pédagogue.

« Pour moi, donc pour mon administration, les délais de paiement sont un sujet prioritaire. Il n’y a pas de solution miracle mais il faut travailler collectivement à le réduire. »

Payeur des collectivités, le DRFIP est aussi le conseiller des collectivités et l’interlocuteur des entreprises. Donc, la DRFIP est au cœur de la problématique.

Jean-Yves Le Gall rappelait que le délai global de paiement (DGP) est dans un cadre réglementaire de 30 jours à compter de la date de réception de la facture dans Chorus, d’où l’importance de conserver la notification du dépôt.

Ensuite, il y a le délai comptable de 10 jours entre l’ordonnateur et le comptable par le système Helios.

Il y a eu 523 000 mandats en 2022, dont 94% sont des dépenses de fonctionnement. Presque tous concernent des factures de moins de 5 000€.

Au 31 mai 2023, le DGP est de 91 jours.

Les collectivités locales sont à 65 jours, plus 17 jours pour les comptables qui agissent s’il y a la trésorerie et si toutes les pièces sont là.

Cependant, relevait-il, il y a des collectivités qui paient très vite en Guadeloupe : 40% sont en-dessous de 45 jours, 22% au-dessus de 90 jours.

Ce qui relève selon lui de soucis de trésorerie mais aussi d’organisation.

Il faut agir pour changer cette tendance au défaut de paiement : on peut mieux faire sur le circuit de dépense car 90% des collectivités en dématérialisation complète
En Guadeloupe il y a 38% de prise en compte. Et on imprime… toujours les documents, ce qui coûte cher et fait perdre du temps.

Que faire ? Lisser les dépenses, mettre en œuvre la responsabilité des comptables publics : s’occuper des gros marchés et automatiser le reste, avec pour les sommes au dessous de 5 000€ un paiement direct…

Jean-Yves le Gall croit beaucoup en un engagement de partenariat avec les collectivités pour régler les délais de paiement. Il donnait pour exemple la commune de Saint-Claude qui doit signer un engagement dans quelques jours.
Autres possibilités : prendre appui sur les COROM, faire mieux sur la dématérialisation, optimiser le travail des comptables.

M. Le Gall, directeur régional des finances publiques, a dit que ce serait sa priorité. On veut bien le croire !

André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com

IL A DIT

Olivier Serva, député de la Guadeloupe, visiteur du Salon, a assisté au séminaire sur le défaut de paiement au titre de légiste, mais aussi d’élu local et d’expert-comptable :

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