Guadeloupe. Un Grand Forum citoyen pour laisser chacun s’exprimer

Vendredi 25 juillet. Le Grand Forum citoyen à la Région, voulu par Ary Chalus, s’installe mollement. Les élus — conseillers régionaux, départementaux, maires — sont dans l’hémicycle mêlés aux « forces vives. » Il y a des experts, des représentants des institutions. Chacun va s’exprimer.

Ary Chalus, président de région, président du Congrès pour six mois, a à sa droite Jean-Philippe Courtois, premier vice-président du Conseil départemental, qui représente le président Guy Losbar. Il n’y a pas beaucoup d’élus… Marie-Luce Penchard, Gersiane Bondot-Galas, Camille Elisabeth, Patrick Dollin, Jean-Claude Nelson, Sabrina Robin, Chantal Lérus, Betty Armougon, Valérie Césarus-Samuel, Sylvie Gustave dit Duflo, Loïc Martol, Magali Marcin… d’autres encore qui se comptent. Jocelyn Sapotille, président de l’Association des maires, est là. Jean Bardail est arrivé.

Christophe Wachter et Félix Lurel, présidents du CESER ET DU CCEE, ont pris place à gauche du président du Congrès.

Ary Chalus rappelle que c’est le 5e Grand Forum citoyen depuis 2018. Chaque grand forum a eu sa thématique, « Ary Chalus ne fait pas seul, il fait avec les autres… » Le ton est mis.

Ary Chalus :

« Soutenabilité financière, contrepouvoirs, pourquoi le 74 et pas le 73 ? Questions légitimes qui méritent des réponses claires, avec vous… L’avenir de la Guadeloupe ne s’élaborera pas dans l’entre-soi… »

« Certes pensent avoir raison. Quand deux personnes discutent d’un sujet, il y a une personne qui a raison, l’autre qui a tort. Souvent nous avons connu cela… »

A l’étonnement du public, Ary Chalus raconte l’histoire d’une jeune fille, qui aime un garçon, n’écoute pas ses parents, se fourvoie et se rend compte que ses parents avaient raison. « Qu’un jour on ne vienne pas nous dire que nous nous sommes trompés. Il faut écouter tout le monde. »

« Quand on voit aujourd’hui certaines choses qui ne sont plus respectées, demain, si c’est nous qui avons les destinées de notre région, comment serons-nous respectés si nous ne mettons pas les bases convenablement pour cette population. Faisons attention à ce que nous prendrons comme décision pour l’avenir du pays. J’ai toujours été pour une évolution institutionnelle mais il faut être prudent. »

La parole est donnée à Jean-Philippe Courtois, pour le Conseil départemental.

« Il faut dire les choses avec clarté, sans détour. Je salue cette initiative car toute initiative qui permet… » M. Courtois énumère les travaux et rencontres, consultations qui ont permis de tenir les trois derniers Congrès des élus. « Si nous avons pu avancer, c’est grâce à une méthode, faite de transparence, une commission transpartisane, une cellule qui a toute sa légitimité, qui a donné lieu à une représentativité qui a permis que 98% des votants du Congrès aient adopté quatre résolutions. La commission mixte, qui a fait un travail éclairé, dont les travaux ont été enrichis par plus de 20 universitaires guadeloupéens… »

Il relève la volonté d’agir ensemble dans l’intérêt des Guadeloupéens qui devront un jour se prononcer sur l’avenir de la Guadeloupe. Il regrette les positionnements qui ralentissent le processus.

Il rappelle la mission confiée à André Atallah et Elie Califer, qui va proposer de redéfinir un partage des compétences entre la Région et le Département pour être plus efficace.

« Nous ne pouvons pas rester à quai alors que nos voisins ont largué les amarres depuis longtemps. »

Jean-Philippe Courtois remet, au nom du président Guy Losbar, les documents qui ont servi au Congrès des élus. Passage de témoin sous la forme d’un énorme document écrit. Applaudissements.

Ary Chalus répond, en quelques mots, pour dire : « Quand j’apprends qu’une mission a été confiée à MM. Atallah et Califer, cette mission est nulle et non avenue car la Région a été mise devant le fait accompli, je l’ai appris par courrier. Chacun a sa méthode, moi j’ai la mienne… »

Christophe Wachter a la parole. Le président du CESER dit sa satisfaction que la société civile soit associée au Grand Forum.

Félix Lurel, président du CCEE, fait un discours bâti, pour dire son « enthousiasme » à répondre à l’invitation d’Ary Chalus. Que dit-il ? Qu’il y a urgence à remettre le sens de l’intérêt général au centre des débats. Qu’il y a urgence à renforcer le lien social. Qu’il y a urgence à ce que les Guadeloupéens confrontent leurs idées sur leur avenir. Qu’il y a urgence à éviter les dérives autoritaires…

Il parle violences, manque d’eau, d’autres maux encore dont souffre l’archipel et ses habitants.

« Il est fondamental de construire une société qui respecte les Guadeloupéens. »

Projet, méthode, calendrier… C’est la méthode proposée par le CCEE. Le projet doit être porté de façon consensuelle. Les élus doivent établir un calendrier pour rendre compte de l’avancée du projet.

Raymond Otto, anthropologue, est invité à intervenir sur « Se mettre d’accord sur nos désaccords. »

Il parle pays réel et non pays rêvé. « Nous avons failli… » Il énumère les échecs au fil des 70 dernières années.

« Comment bâtir à partir d’une feuille blanche alors que la feuille que nous avons est complètement raturée ? », questionne-t-il.

« La réforme institutionnelle qui est obligatoire va obliger à un débat contradictoire pour arriver à un consensus », conclut-il.

Raymond Otto :

Emmanuelle Méri-Corinus, magistrate honoraire, citoyenne engagée, responsable associative, présente L’engagement pour la jeunesse.

Elle se présente. Un beau parcours professionnel, ancienne fonctionnaire de police puis magistrate, poétesse et metteur en scène de pièces pour des collégiens.

Cette grand-mère a pu constater les compétences des jeunes, mais aussi leurs fragilités. Jeunesse talentueuse mais aussi en danger.

Les raisons de ces dangers ? « Influence croissante du narcotrafic, pauvreté et chômage qui pousse certains jeunes à entrer dans des réseaux, enfin l’usage massif du numérique…

Que faire ? Nous ne pouvons pas stopper le progrès mais l’accompagner avec conscience. »

Elle propose des pistes concrètes… « Pour un meilleur avenir pour notre pays. »

« J’ai foi dans notre jeunesse. Il faut l’accompagner… »

Deux jeunes interviennent sur les enjeux de l’évolution institutionnelle. Ils sont tous deux jeunes guadeloupéens à L’association Sciences-po Paris des étudiants d’Outre-mer.

« Nous incarnons une jeunesse formée, mais inquiète, qui veut revenir au pays. »

Ils se demandent si les interrogations des élus intéressent la jeunesse du pays.

Précarité, chômage, inexistence de filières d’enseignement supérieur sur place. Inquiétudes… Ils alertent sur l’insécurité. Ils attendent des décisions fortes pour tenter de s’attaquer aux faits qui induisent cette situation. Ils font des propositions concrètes…

« Il convient d’avancer ensemble… Nous pouvons aller vers le changement mais occupons-nous des difficultés présentes. »

Medhi Keita représente la Commission Extrarégionale Citoyenne et Jeunesse présidée par Richard Samuel. « Cette commission est composée de 50% de femmes, 50% d’hommes, 50% de moins de 50 ans et 50% de plus de 50 ans », rappelle-t-il.

« Il faut être précis, patient. Dire que nous ne sommes pas prêts…  Il faut avoir le courage de définir notre avenir de Guadeloupéens. Nul d’entre nous ne veut baisser le niveau de vie des Guadeloupéens. »

« Nous devons sortir de notre ambigüité sinon ce sera à notre détriment. »

On cherche les représentants des syndicats. Personne ne bouge.

Enfin, M. Zou, de FO, se manifeste. Il parle en créole, « puisque c’est la langue de son pays… »

C’est un discours très politique qu’il prononce pour remettre en cause les institutions telles qu’elles existent. « Nous avons fait un premier pas, il faut aller plus loin. »

« Nous ne sommes pas prêts, arrêtons de faire semblant. Il faut prendre le train en marche, sortir de ce système pour créer notre vision du pays. »

Les organisations syndicales sont appelées : Victor Vénutolo représente la CGPME.

« Jamais nous n’avons été conviés à une quelconque discussion, accuse-t-il. Il n’y a jamais eu de discussion avec le monde économique. »

« Oui à toutes les évolutions, mais non à tout ce qui est flou. »

« L’avenir de la Guadeloupe ne passe pas par une évolution institutionnelle », lance-t-il.

Raymond Otto hoche la tête.

Victor Vénutolo, de la GGPME :

Isabel Michelle-Gabriel, pour l’UDE-MEDEF : « La Guadeloupe a en elle toutes les ressources pour prendre en main son avenir. L’évolution statutaire n’est pas une fin en soi, c’est une clé pour ouvrir les portes. »

« Nous devons nous prendre en mains non contre la République mais dans la République. Il nous faut un cap, une vision, un projet fort, porté par tous, élus, entrepreneurs et société civile. »

Alan Nagam, FTPE : il expose son dada : le potentiel industriel de la Guadeloupe.

« Il est temps de cesser les querelles politiques pour s’intéresser aux capacités économiques du pays pour créer des emplois. »

La FRBTP est représentée par son président, José Gaddarkhan.

« Il y a des réunions qui se sont tenues, mais nous n’avons jamais été consultés, nous n’avons été invités dans aucune réunion », dit-il.

« Nous avons besoin d’avoir plus de visibilité et qu’on se mette autour d’une table pour élaborer les documents pour l’avenir du pays. Nous avons des entrepreneurs en Guadeloupe, des gens qui savent prendre leurs décisions. Nous sommes soumis à des contraintes de l’Etat qui met des barrières pour bloquer le développement de ce pays. Nous ne sommes pas prêts pour une évolution institutionnelle. Mais, si nous ne prenons pas les problèmes à bras le corps, nous n’évoluerons jamais. Nous assistons à des jeunes qui ne peuvent pas revenir au pays, nous assistons à un grand remplacement. Je ne donne pas deux ans pour qu’il n’y ait plus d’entreprises locales en Guadeloupe. La chance que les Guadeloupéens ont eu pour créer des entreprises, elle est en train de s’amenuiser. Ça fait six mois que nos entreprises ne travaillent pas parce que la carrière de Deshaies est fermée. C’est pour cela que nous sommes prêts à participer à une évolution institutionnelle. »

Patrick Sellin, président de la Chambre d’agriculture, fait le constat d’une agriculture sinistrée. « Merci à Monsieur Chalus qui donne ici la possibilité de s’exprimer. »

Lui non plus n’a pas été sollicité pour donner son point de vue, celui de la Chambre.

« Nous aussi, nous créons la richesse », dit-il. Il met en balance les filières aidées, canne, banane, et les productions vivrières pas aidées dans le cadre du PODEI.

Selon lui, seule la Chambre d’agriculture peut défendre ces petits producteurs vivriers.

Il souhaite un FEADER qui réponde aux réalités locales et le soutien aux initiatives locales « pour une agriculture guadeloupéenne harmonieuse. »

Sur 6 000 agriculteurs recensés en Guadeloupe, 5 000 sont exclus de la base fiscale parce qu’ils ont de trop petits revenus. Or, cette base fiscale sert à financer les actions de la Chambre. Sans financement, pas d’actions. De plus, il semble, dit-il, que les aides du Département et de la Région pour 2025 n’aient pas encore été conventionnées.

Franck Lasserre, vice-président de la Chambre de métiers et de l’artisanat.

« Moi aussi je peux témoigner de l’absence de notre participation aux travaux… »

Il parle de sa petite entreprise artisanale. Ses salariés ne savent pas de quoi on parle au Congrès des élus. « Pourtant, nous sommes importants nous chefs d’entreprises artisanales qui employons beaucoup de salariés. »

Dominique Virassamy, de Sauvons Nos Entreprises Guadeloupéennes, représente les indépendants et parle de fiscalité. « Nous sommes la cible idéale. Pour trouver 46 milliards, les entreprises sont ponctionnées… »

Il dénonce l’attitude de la CGSS, des assureurs, etc. Et aussi « le permis de tuer les petites entreprises délivré aux huissiers de justice… »

« Il est urgent de mettre en place une audition des chambres consulaires…L’évolution statutaire, le changement de statut doit sortir de nos travaux. »

Il remet deux dossiers à Ary Chalus.

Dominique Virassamy :

« Il y avait 25% de chômeurs en Guadeloupe, nous en sommes à 16,50% grâce au travail effectué par la Région », commente Ary Chalus.

Charly Vincent, président des marins-pêcheurs, regrette le manque de discussion sur l’évolution institutionnelle jusqu’à ce jour.

« Nous ne pouvons pas évoluer si nous ne nous concentrons pas sur le monde économique. Il faut un délai long, il n’y a pas d’urgence. Nous ne consommons pas toutes les aides de l’Europe. Arrêtons ce combat de coq, ce combat d’égos ? Ayons une vision qui nous mette au travail. 40% des effectifs marins des DOM sont en Guadeloupe et nous n’avons même pas une école maritime. »

Tony Morvan, de la CCI-IG, demande à tirer les leçons des autres territoires, dont la Martinique qui, avec une collectivité unique, a des soucis…

« Le danger est que l’Etat profite de cette réforme pour transférer des compétences sans les moyens financiers «, dit-il, demandant des garanties fermes.

« La Guadeloupe mérite une réforme sérieuse, dans la transparence », conclut-il.

Les partis politiques entrent dans le débat.

Le CIPPA est représenté. L’ANG aussi, le PCG… les représentants des partis défilent.

Jules Otto, pour le PS :

Que disent-ils ? Ils ont participé aux discussions qui ont abouti au Congrès des élus. La plupart disent qu’il faut échanger, prendre son temps, apporter un projet précis, chiffré, explicité aux Guadeloupéens pour qu’ils votent en toute connaissance de cause.

L’Association des maires de Guadeloupe est représentée par le président Jocelyn Sapotille.

Que dit-il ? Qu’il constate ce qu’il a dit au moment du Congrès : « il y a un problème sur la méthode. Il y a des divergences sur le contenu, le fond. Personnellement, il y a un peuple guadeloupéen, qui a le droit de choisir dans quelles conditions il évolue : rester dans le statut quo, choisir  l’autonomie, voire  l’indépendance. C’est le peuple qui doit décider. La méthode doit donner la parole au peuple, aux représentants du peuple… aux conseillers municipaux. En toute indépendance. »

C’est sa proposition. Ary Chalus rappelle que lors de son intervention au Congrès, chaque conseiller soit consulté « comme nous le faisons aux sénatoriales. »

En fait, et il donne l’article de loi, les conseillers municipaux, comme les conseillers régionaux et départementaux, peuvent délibérer sur les résolutions du Congrès.

Laurence Maquiaba, de l’ANG :

Olivier Serva, député de la Guadeloupe, est invité à s’exprimer. Il salue « la belle initiative » de la Région. il pose la question : quelle doit être la trajectoire de la Guadeloupe dans les trente années à venir ?

Le député parle de géothermie, propre, disponible, « qui nous appartient. » Il parle de tourisme de qualité, de formation de qualité, d’eau. « Que faire pour l’eau ? Il manque 250 millions d’euros sur 4 ans. L’Etat a donné 213 millions d’euros. Je propose que nous fassions, avec l’Etat, nous conseils régional et départemental, un prêt pour 37 millions d’euros. Nous aurons une trajectoire claire, financée. »

Les sargasses. « Que devient le GIP Sargasses ? Ça traîne. »

La sécurité ? « Le ministre vient, il faut lui parler. Nous voulons un radar côtier, 1,3 million, un bateau, une équipe de renseignements… »

La CTAP, à la main de la Région, je souhaite que les parlementaires soient invités…

Ary Chalus rectifie : la Région Guadeloupe a mis, avec le FEDER, 260 millions pour l’eau. Plus que l’Etat. « Nous avons deux garanties de 50 millions de la Région et du Département. »

Rody Tolassy, député européen (RN), s’adresse à ses « chers compatriotes. »

Il regrette ne pas avoir été invité au Congrès des élus alors qu’il est un élu du peuple.

Il rappelle qu’il travaille pour la Guadeloupe et les Guadeloupéens, sans voir l’étiquette politique.

« Ce n’est pas en changeant de statut qu’on va résoudre les problèmes. Ce qu’il nous faut, c’est un cap », conclut-il.

Jean-Yves Ramassamy, de l’Union des Professionnels.

Il explique que les entreprises sont en danger. « Elles ont une pression de l’Etat depuis deux mois, pression fiscale et sociale. »

Les présidents du CESER et du CCEE font un résumé de la matinée.

Cet après-midi, ils animeront le débat sur les résolutions adoptées par le Congrès des élus, en juin.

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