La grande interview. Dr André Atallah, cardiologue, hypertensiologue : « L’hypertension est une vraie maladie de système »

Membre titulaire des Sociétés Française et Européenne d’HTA, président du Groupe HTA-Guadeloupe, coordinateur de la mission HTA au Gip-Raspeg, André Atallah est un spécialiste. Il répond à nos interrogations.

A quoi correspond la pression ou tension artérielle ? 

Les artères acheminent le sang du cœur vers les organes. La pression artérielle correspond à la pression exercée par le sang sur la paroi des artères. Un niveau minimal de pression est nécessaire pour que le sang circule dans tout l’organisme.
La pression artérielle est évaluée par deux valeurs. La première correspond à la pression au moment de la contraction du cœur : c’est la pression systolique ou pression maximale. La deuxième correspond au relâchement du cœur : c’est la pression diastolique ou minimale. En pratique, ces pressions sont mesurées avec un tensiomètre placé autour du bras.
Au repos, après 5 minutes, une tension normale doit être inférieure à 140 mmHg pour la pression systolique et Inférieure à 90 mmHg pour la pression diastolique.
Donc, une tension artérielle au repos normale doit être inférieure à 140/90 mmHg.

Qu’est-ce que l’hypertension ?

On parle d’hypertension artérielle quand la pression du sang dans les artères est trop élevée.
Lorsque la moyenne de la TA prise au repos dépasse 140 mmHg pour la systolique et/ou quand elle dépasse 90 mmHg pour la diastolique. Ces deux chiffres sont importants. Il suffit que la moyenne d’un des deux chiffres au repos soit élevée pour que l’on parle d’hypertension artérielle.

« Maux de tête, essoufflement,
étourdissements, problèmes de vision »

A quoi est-elle due ?

Dans 9 fois sur 10 on ne trouve pas de causes, on parle alors d’hypertension essentielle ou idiopathique.
L’hypertension « essentielle » représente environ 90 % des cas. Elle est causée par une multitude de facteurs dont les effets s’accumulent avec les années. Les principaux sont liés à l’âge et aux habitudes de vie. Ainsi, l’obésité, la sédentarité, le tabagisme, l’abus d’alcool et le stress contribuent à l’hypertension artérielle.
L’hypertension secondaire peut résulter d’un autre problème de santé, comme un problème rénal ou endocrinien. Elle peut aussi provenir de l’usage fréquent de certains médicaments, par exemple les anti-inflammatoires. Elle peut aussi provenir de la consommation de drogues illégales, telles la cocaïne et les amphétamines. Le syndrome d’apnée du sommeil est aussi un facteur favorisant.

Comment se manifeste-t-elle ?

Les signes et les symptômes de l’hypertension artérielle peuvent comprendre des maux de tête, de l’essoufflement, des étourdissements, des problèmes de vision.
Mais, dans la moitié des cas, au début, la personne peut ne rien ressentir comme signe. C’est la raison pour laquelle on parle de maladie parfois silencieuse. La meilleure façon de savoir si on est hypertendu est de réaliser la mesure de sa tension artérielle.

Les Antilles françaises sont-elles plus impactées ? Pourquoi ?

Une étude récente a été publiée dans le BEH (Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire) par Santé Publique France. La prévalence de l’hypertension artérielle déclarée était de 31,5% en Martinique, 29,9% en Guadeloupe, 22,7% en Guyane et 20,8% à La Réunion. La prévalence est significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans chaque DROM à la différence avec l’Hexagone. La proportion de patients traités par un médicament antihypertenseur parmi les adultes se déclarant hypertendus ne variait ni en fonction du territoire, ni en fonction du sexe et dépassait les 80% comme dans l’hexagone.

Entre 65% et 73% des adultes hypertendus déclaraient avoir eu des conseils pour modifier leur mode de vie dans les DROM contre 58,5% dans l’hexagone. En Guyane, 51,5% des hypertendus possédaient un appareil d’automesure tensionnelle à leur domicile, alors qu’ils étaient
53,8% à La Réunion et plus de 70% à la Guadeloupe et la Martinique contre 60% en Hexagone.

La conclusion de Santé Publique France dans cet article est la suivante : les résultats sur la prise en charge de l’hypertension artérielle décrite dans cette étude témoignent des progrès accomplis dans ce champ dans les DROM. Le développement de réseaux et de programmes d’éducation thérapeutique, comme le réseau HTA-Gwad qui existe depuis plus de 20 ans en Guadeloupe, a participé à une amélioration du dépistage, de la prise en charge, du recours à l’automesure tensionnelle et du contrôle de l’hypertension artérielle dans ces territoires.

« Le choix du traitement est fait
par le médecin selon chaque cas particulier »

Que fait-on pour venir en aide aux hypertendus ?

On doit renforcer le dépistage. C’est ce qui est réalisé lors d’événements populaires et des journées de sensibilisation. Faire en sorte que le patient devienne acteur de sa santé, à travers les ateliers d’Education Thérapeutique du Patient (ETP) coordonnés par le Gip-Raspeg.
Il faut aussi développer les espaces permettant la pratique de l’activité physique
Il faut enfin encourager la pratique de l’automesure. C’est la meilleure manière de mesurer sa tension artérielle. Car, lors de la visite chez le médecin, on peut être confronté chez certains patients au phénomène d’HTA blouse blanche. Important en automesure : la normale est une TA inférieure à 1235/85 mmHg.

Quels peuvent-être les effets de l’hypertension ?

L’hypertension est une vraie maladie de système. C’est-à-dire que tous les organes qui sont irrigués peuvent être atteints par les conséquences de l’hypertension, et ceci de la tête aux pieds car les vaisseaux, pour s’adapter à cet excès de pression, vont s’épaissir pour ne pas éclater. En s’épaississant, ils vont se rétrécir.

Tous ces organes qui sont perfusés, irrigués par ces artères, vont être moins bien irrigués, soit à l’effort quand les besoins augmentent, soit même au repos dans les formes les plus sévères.
Cela peut donc aller de l’accident vasculaire cérébral à l’infarctus du myocarde, l’insuffisance rénale, l’artérite des membres inférieurs…

Mais, on oublie aussi que les démences vécues comme une fatalité par beaucoup de personnes autour de la cinquantaine sont étroitement associées à votre niveau de pression à 50 ans. Même les démences d’Alzheimer ont une composante vasculaire reconnue. Aujourd’hui avoir la pression artérielle la « plus normale » à un âge moyen est le seul facteur reconnu de prévention des démences à notre disposition.

Comment la soigne-t-on ?

De nombreux médicaments antihypertenseurs sont utilisés dans le traitement de l’hypertension. Certains agissent directement sur les hormones de l’organisme qui régulent la tension artérielle, d’autres rendent les parois des artères plus souples, d’autres encore permettent d’éliminer le surplus de sel et d’eau que contient l’organisme, d’autres enfin tendent à faire diminuer la pression dans les artères. Comme leur mode d’action est différent, ces médicaments peuvent être associés pour avoir un effet plus important.
Le choix du traitement est fait par le médecin, selon chaque cas particulier. Le médecin prescrit, en premier lieu, un seul médicament antihypertenseur ou, si nécessaire, deux médicaments antihypertenseurs de classe différente (bithérapie), puis, en cas de résultat insuffisant, il en ajoute un troisième.

Faut-il suivre un régime de vie ?

Une prise en charge hygiéno-diététiques est indispensable. En effet, la prise en charge de l’HTA passe d’abord par des mesures hygiéno-diététiques. De nombreuses études ont démontré l’efficacité de ces mesures sur la morbi-mortalité cardiovasculaire.
Ces mesures hygiéno-diététiques sont la réduction du poids en cas de surcharge pondérale, la pratique d’une activité physique régulière adaptée à l’état de santé. L’idéal au minimum c’est le SMIG : Sport Minimum Indispensable aux Gens : à savoir 30 minutes d’activité physique modérée par jour (marche, footing, danse, natation, vélo, jardinage, etc.).

Mais, aussi la réduction de la consommation en sel (moins de 6 g/jour), la réduction de la consommation d’alcool (pas plus de 1 à 2 verres d’alcool par jour pour ceux qui consomment de l’alcool), l’alimentation riche en légumes et en fruits et pauvre en graisses d’origine animale, (les fameux 5 parts de fruits ou légumes par jour). Enfin, l’arrêt du tabac.

Si ces nouvelles habitudes de vie ne permettent pas d’atteindre une pression artérielle normale après trois mois, la prescription de médicaments antihypertenseurs est envisagée. 

Et, pour conclure, adopter le tiercé gagnant : 0 – 5 – 30 :
. 0 comme 0 cigarette
. 5 comme 5 parts de légumes ou fruits par jour
. 30 comme 30 minutes d’activité physique par jour.

Quand on est sous traitement pour hypertension artérielle, surtout ne pas arrêter son traitement. Vaut mieux prendre en permanence son traitement plutôt que de risquer une complication.

EN SAVOIR PLUS

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