Martinique. L’économie en berne

En 2023, l’économie de la Martinique montre des signes de ralentissement, avec une croissance de 0,4 %, après un rebond notable de 5,6 % en 2022 suite à la crise sanitaire, remarque l’INSEE.

Dans un contexte inflationniste qui inhibe la demande, les échanges extérieurs sont en retrait. La baisse de la croissance économique s’accompagne en effet d’une diminution des importations de 4,5 % en volume, permettant une réduction du déficit commercial par rapport à 2022. La diminution des importations de produits pétroliers raffinés et l’augmentation de celles des produits pétroliers bruts traduisent une reprise de l’activité de raffinage de la SARA (Société Anonyme de Raffinerie des Antilles), contribuant ainsi à la croissance.

La baisse des importations est portée également par les biens manufacturés et les produits agroalimentaires. Parallèlement, les exportations reculent de 1,3 % en volume. En particulier, les exportations de bananes chutent, en raison de la baisse de la production. Les dépenses touristiques se contractent également. La consommation des ménages reste le principal moteur de la croissance. Elle contribue pour 1,0 point à la croissance. Elle augmente de 1,7 % en volume, marquant cependant un net ralentissement en lien avec l’inflation persistante. Sa progression est toutefois soutenue par le maintien du marché du travail. En revanche, l’investissement dans le secteur privé recule tandis qu’il progresse dans le secteur public.

La croissance est faible

Le Produit Intérieur Brut (PIB) de la Martinique augmente de 0,4 % en volume en 2023. La croissance régionale est en retrait par rapport à l’année précédente (+5,6 %) qui s’inscrivait dans un contexte de reprise économique après la crise sanitaire de 2020. Elle s’établit en dessous de celle de la France qui enregistre une croissance de 0,9 %. La population moyenne en Martinique est estimée à 351 700 habitants en 2023. La région poursuit son recul démographique : en effet, depuis 2013, elle perd 1,0 % de sa population en moyenne par an. Ainsi, la baisse de la population conjuguée à la croissance économique entraînent une augmentation du PIB par habitant de 1,4 % en volume (après +7,0 % en 2022). En 2023, il s’établit à 28 600 euros par habitant. Comparativement, le PIB par habitant s’élève à 27 400 euros en Guadeloupe, 17 100 euros en Guyane et 41 100 euros au niveau national.

L’inflation reste soutenue

En 2023, l’inflation reste soutenue, avec une augmentation moyenne des prix à la consommation de 3,3 %, après 4,0 % en 2022. Bien qu‘inférieure à celle enregistrée au niveau national (+4,9 %), elle témoigne d’une inflation persistante. Cette hausse s’explique essentiellement par l’augmentation des prix de l’alimentation, de + 9,8 % après +5,4 % l’année précédente. Les prix des produits frais (+11,3 % après +5,9 %) augmentent plus fortement que les prix de l’alimentation hors produits frais (+9,4 % après +5,4 %). Les prix des produits frais fluctuent selon les conditions climatiques et les cours internationaux, ce qui les rend très volatils. Les prix de l’alimentation augmentent cependant moins qu’au niveau national (+11,8 %). Les prix de l’énergie augmentent (+3,6 %) mais moins fortement que l’année précédente (+15,0 %). En effet, le ralentissement de l’économie mondiale, freinée par la hausse des taux d’intérêt et les records de production pétrolière aux États-Unis et au Brésil, a pesé sur les cours pétroliers.

Pour atténuer l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages, plusieurs initiatives locales sont mises en place au second semestre, notamment le dispositif « solidarité énergie » lancé par la Collectivité Territoriale de Martinique en octobre 2023, destiné à aider les ménages les plus vulnérables à faire face à la hausse des coûts de l’énergie. Par ailleurs, l’accord de modération des prix des produits de grande consommation dit Bouclier Qualité Prix, est étendu en 2023 à un plus grand nombre de produits et vise à réduire le coût global des paniers de consommation.

La baisse des importations est le témoin du ralentissement économique

Pour la première fois depuis 2019, le solde commercial de la Martinique enregistre une progression de 2,2 % par rapport à l’année précédente, soit une réduction du déficit de 50 millions d’euros. Cette évolution s’explique principalement par la baisse des importations (-4,5 % en volume), après le rebond de 14,9 % constaté en 2022.

Les importations de produits pétroliers raffinés chutent de 6,4 % en volume, tandis que les importations de produits pétroliers bruts sont orientées à la hausse (+2,1 %). Ces évolutions s’expliquent par le rétablissement du flux d’activité de raffinage de la SARA, amorcé en 2022.

Hors produits pétroliers, les importations restent orientées à la baisse (-4,9 % en volume), freinées par une inflation prononcée qui pénalise la demande. Parmi les principaux contributeurs à la baisse des importations, les biens manufacturés et les produits de l’industrie agroalimentaire reculent respectivement en volume de 4,3 % et 2,7 %. Les importations de produits issus du secteur de la pêche et de l’aquaculture chutent également de 6,8 %, tandis que celles des produits agricoles régressent de 5,9 %.

Les exportations baissent légèrement

En 2023, les exportations de la Martinique diminuent de 1,3 % en volume par rapport à l’année précédente. Cette baisse est mesurée au regard de l’envolée enregistrée l’année précédente (+48,4 %), portée notamment par le fort rebond post-Covid des dépenses touristiques (comptabilisées en exportations de services). Hors produits pétroliers, les exportations fléchissent de 3,8 % en volume. En particulier, les exportations de bananes chutent de 11,3 %, principalement en raison de la diminution de la production (-10 % en volume) causée par des aléas climatiques, tels que les déficits pluviométriques récurrents, la tempête Bret en juillet, et la propagation de la cercosporiose noire. Le volume des exportations, hors produits pétroliers, est toutefois soutenu par les secteurs de la pêche et de l’aquaculture ainsi que de l’industrie agroalimentaire, qui progressent respectivement de 27,8 % et 6,1 %. Parallèlement, le regain d’activité de la SARA permet une hausse des exportations de produits pétroliers raffinés (+10,6 % en volume).

Légère contraction des dépenses touristiques

Les dépenses touristiques se contractent (-1,5 % en valeur) par rapport à 2022, année de la reprise post-Covid, pour atteindre 500 millions d’euros en 2023, soit huit millions de moins que l’année précédente. Ce recul provient des touristes de séjour dont les dépenses représentent 93 % des dépenses touristiques globales et reculent de 25 millions en un an. Ceux-ci sont à la fois moins nombreux (-1,2 %) et consacrent un budget moindre lors de leur visite, dans un contexte inflationniste peu favorable. La dépense moyenne par touriste de séjour recule en effet de 5,1 % sur un an. Malgré cette évolution récente, le niveau global de dépenses touristiques reste supérieur de 2,0 % à celui de 2019, année de référence avant la crise sanitaire. En termes de nombre de visiteurs, la fréquentation touristique, progresse fortement. Avec un million de touristes sur l’année, la Martinique enregistre une hausse de 39 % par rapport à 2022. Ce niveau dépasse également celui de 2019 (+3,9 %). Ce rebond est largement attribuable au redémarrage de l’activité de croisière. Le flux des croisiéristes atteint 290 400 visiteurs et dépasse de 1,9 % le niveau de 2019. Leurs dépenses représentent 3 % des dépenses touristiques et elles quadruplent en un an (+12 millions d’euros). Les dépenses des plaisanciers augmentent également de 5 millions d’euros en un an. Leur poids dans les dépenses touristiques globales atteint 4 %.

Les touristes en provenance de la France hexagonale, représentent 68,4 % des touristes de séjour en 2023, soit une baisse de 2,2 points par rapport à 2022. Les visiteurs de l’Amérique du Nord, notamment du Canada, sont plus nombreux (+52,2 % par rapport à 2022). Près de 55 % des dépenses touristiques sont consacrées à l’hébergement et à l’alimentation.

La consommation des ménages marque le pas

En 2023, la consommation des ménages croît de 1,7 % en volume. Elle reste le principal moteur de la croissance, à laquelle elle contribue à hauteur de 1,0 point. Pour autant, elle marque un net affaiblissement après l’important rebond de 4,6 % lié à la reprise économique en 2022. Ce ralentissement s’explique principalement par l’inflation persistante qui grève le budget des ménages et la baisse du nombre de consommateurs liée au recul démographique. La consommation des ménages bénéficie cependant du maintien du marché du travail. En effet, l’emploi salarié progresse légèrement (+0,2 %), à un rythme moindre qu’en 2022 (+2,0 %). Les emplois créés relèvent du secteur tertiaire non marchand (+0,7 %) qui comprend les administrations publiques, l’enseignement, la santé et l’action sociale. Parallèlement, le recours à l’intérim s’intensifie (+9,2 % après +6,1 %). En 2023 il représente 2,0 % de l’emploi salarié total en Martinique. Le nombre d’emplois dans l’intérim s’élève à 2 600 à la fin 2023, soit 220 emplois supplémentaires par rapport à 2022. Le nombre de demandeurs d’emploi quant à lui diminue, en particulier parmi les catégories A et les moins de 25 ans (-8,7 %). Ainsi, le taux de chômage, selon les critères du Bureau international du travail (BIT), se contracte, atteignant 11 % de la population active âgée de 15 ans et plus contre 12,5 % en 2022.

Le crédit bancaire est un levier de relance important de la consommation des ménages. Toutefois, si les encours de crédits à la consommation des ménages restent en progression (+3,1 % en 2023, après +2,6 % en 2022), ils sont principalement imputables aux découverts. Les seuls crédits de trésorerie enregistrent un repli de 1,5 % après une hausse de 1,9 % en 2022. Ce recul s’explique par le resserrement de la politique monétaire et la hausse des coûts des crédits qui en découle. Le taux d’intérêt moyen de ce type de financement augmente en effet pour atteindre 5,8 % et pèse sur la demande de crédits.

L’investissement privé recule

L’investissement global décline en volume (-2,5 %). Il contribue à freiner légèrement la croissance (à hauteur de -0,4 point). En valeur, l’investissement privé chute de 10,3 %, principalement en raison du resserrement de la politique monétaire et de la hausse des coûts des crédits qui l’accompagne. Le renchérissement des coûts des matériaux causé par l’inflation, peut en effet décourager les investisseurs de financer des projets qui risquent d’être moins rentables en raison des coûts d’emprunt plus élevés. Concernant les ménages, les encours de crédits à l’habitat ralentissent. Ils progressent en effet de 4,1 % en 2023, plus de trois points de moins que les quatre années précédentes.

À l’inverse de l’investissement privé, l’investissement public augmente fortement (+20,3 % en valeur). Ce bond témoigne de l’engagement accru de l’État et des collectivités locales dans le financement des infrastructures et des projets collectifs, comme l’illustre la reconstruction du quartier Bon Air à Fort-de-France. Ce projet prévoit de livrer près de 500 logements d’ici 2030. En outre, le plan d’investissement 2023-2027 de la Collectivité territoriale de Martinique programme un montant global d’investissement de 1,7 milliard d’euros, soit une augmentation moyenne de 52 millions par an par rapport au plan 2016-2019.

La consommation publique est stable

La consommation publique diminue légèrement en 2023 (−0,4 % en volume) mais reste toutefois au-dessus de son niveau d’avant crise. Elle a peu d’effet sur la croissance du PIB, avec une contribution à la croissance de -0,1 point. En valeur, la consommation publique est en hausse de 2,5 %. Dans le secteur des administrations et de l’éducation les dépenses de consommation progressent légèrement en valeur (+0,9 % après un recul de 5,7 % en 2022) tandis que les salaires suivent un rythme inverse (-3,1 % après + 5,6 % en 2022). Avec la fin de la pandémie, les dépenses en consommations intermédiaires, dans le secteur de la santé, poursuivent leur diminution en valeur (-3,4 % après -8,2 % en 2022), tandis que la masse salariale progressent de 9 % en lien avec l’augmentation de la demande de soins générée notamment par le vieillissement de la population.

Source : INSEE

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