Mgr Philippe Guiougou, évêque de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, a souhaité s’adresser à la population de l’archipel.
Chers frères et sœurs,
L’actualité nous presse. Une actualité marquée par les accidents, les violences parfois extrêmes, jusqu’au pire : la mort.
Le meurtre tragique d’un jeune garçon de 13 ans, survenu lundi 2 juin dernier à Lamentin, a été un véritable choc. Avouons-le : trop, c’est trop.
Ce message est d’abord une parole de réconfort, de compassion, de soutien moral et spirituel adressée à la famille de ce jeune tragiquement tué.
Mais c’est aussi un message pour toutes les familles endeuillées par un accident ou un acte de violence, ces derniers mois, et depuis le début de cette année 2025.
Nous devons, tous ensemble, quelles que soient nos convictions politiques, religieuses ou notre position sociale; que l’on soit citoyen, services de l’État, de la justice ou des forces de l’ordre, du monde économique, associatif, artistique, exprimer notre inquiétude, notre indignation face à ces drames qui se répètent et qui interpellent.
Les chiffres sont sans appel : notre Guadeloupe traverse une crise profonde. Une crise sociale, économique, démographique… et même sanitaire, si l’on pense simplement au problème persistant de l’eau.
Allons-nous rester les bras croisés, dans l’attente du prochain drame ? Aucune de nos familles n’est à l’abri d’un accident ou d’une violence armée qui peuvent les plonger du jour au lendemain, dans la douleur et le deuil.
Que devons-nous faire ? Encore un communiqué, encore des mots ?
Bien sûr, il est essentiel de s’exprimer. Mais ne pourrions-nous pas aussi nous lever, nous unir, agir ensemble ?
Franchir enfin les barrières politiques et sociales qui, trop souvent hélas, nous divisent ?
Sur ces sujets graves, nous devons pouvoir nous mobiliser, marcher ensemble, mais surtout agir ensemble concrètement afin d’offrir à notre jeunesse la possibilité d’exprimer ses talents ici, sur notre territoire et de l’accompagner dans tous les domaines, pour qu’elle demeure ferme dans l’Espérance.
Cet appel, je le lance humblement. C’est un cri du cœur, un cri de douleur, à toutes les personnes de bonne volonté.
Notre société, sur bien des sujets tel que l’économie, la famille, l’éducation, a besoin de retrouver des valeurs humaines et chrétiennes, comme l’entraide, le respect, le pardon.
Oui, le pardon qui permet d’ouvrir un avenir aux jeunes en déshérence, en marge et en perte de repères. Et surtout, encourager ceux qui veulent s’engager, travailler, construire, œuvrer pour leur pays.
Cela passe aussi par un engagement des familles qu’il nous faut soutenir et accompagner afin qu’elles retrouvent stabilité et force, car elles jouent un rôle clé dans l’équilibre de notre société.
La famille doit demeurer notre modèle. Mais nous ne pouvons pas occulter les réalités de notre temps. La famille est aussi aujourd’hui monoparentale, divorcée, recomposée, remariée. Toutes ces familles existent, avec leurs fragilités, leurs faiblesses, leurs difficultés,
leurs défis, leurs capacités aussi à ne pas sombrer dans le découragement.
Dans toutes ces familles, il y a la présence de Dieu. Le Dieu qui transforme nos vies, qui transforme notre rapport aux autres. Comment ? En donnant une place plus grande à Dieu dans notre vie, dans nos familles, nous pouvons faire évoluer les rapports entre conjoints, conjointes et enfants.
Les familles sont appelées à être des lieux d’épanouissement et de joie. Malheureusement, elles sont aussi parfois des lieux de souffrances, de pleurs, de violences, d’abus, de renoncement.
Notre jeunesse guadeloupéenne est la principale victime de l’implosion de nos familles.
C’est un traumatisme pour les adultes, mais aussi pour les enfants, et parfois même dans la construction de leurs vies. En sommes-nous conscients ?
En deux ans de présence continue sur le territoire, j’ai rencontré beaucoup de jeunes. Certains en difficulté, partagent leurs souffrances, mais veulent néanmoins bâtir leur avenir ici, chez eux, en Guadeloupe. Là est sans doute le chemin.
Marchons ensemble pour dire NON à la violence. Agissons, pas uniquement sous le coup de l’émotion, car celle-ci ne produit souvent que des actions éphémères. Agissons dans la durée. Cela demandera de la confiance, de la persévérance, et une volonté forte de bâtir un avenir commun.
Oui, ce chemin sera parfois difficile. Il n’empêche que si nous acceptons de l’affronter avec méthode, lucidité et espérance, alors nous pourrons construire ensemble un avenir meilleur, un avenir dont nous serons fiers.
Chers frères et sœurs,
Prions le Seigneur pour que l’Esprit Saint se répande dans nos cœurs,
Qu’il renforce le zèle et l’audace de notre Eglise à accomplir sa mission au cœur de notre société guadeloupéenne.
Que le Seigneur, Prince de la paix et Dieu de miséricorde, nous donne la force de travailler ensemble.
Qu’il vous bénisse, vous et vos familles.